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Commission de la réconciliation nationale : Après les autorités, la primeur aux présidentiables

| 16.09.2015
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Mgr Paul Ouédraogo - Président de la Commission de Reconcilation Nationale et des Reformes(CRNR)
© aOuaga.com
Mgr Paul Ouédraogo - Président de la Commission de Reconcilation Nationale et des Reformes(CRNR)
Consciente de la nécessité de la transmission au plus tôt de son rapport général et du projet de charte de la réconciliation aux candidats à la présidentielle d’octobre prochain, la Commission de la réconciliation nationale et des réformes a rencontré ces derniers en son siège sis au Conseil économique et social, dans la matinée du 15 septembre 2015. Ceux qui ont reçu les documents ont loué l’initiative, même s’il s’est trouvé quelques candidats pour regretter que ces documents leur soient parvenus après l’élaboration de leurs projets de société.


«Après avoir remis seulement hier (lundi 14 septembre 2015) notre rapport des travaux aux autorités du Burkina, nous vous remettons nos conclusions. Nous y avons fait un état des lieux de notre pays et proposé des réformes susceptibles de consolider la démocratie. En visitant les propositions, vous pourrez voir dans quelle mesure celles-ci pourraient s’intégrer dans vos programmes de société». C’est en ces termes que le président de la Commission de la réconciliation et des réformes, Mgr Paul Ouédraogo, a introduit l’ordre du jour de la rencontre avant de demander à partir pour un rendez-vous à Ouaga 2000, abandonnant les illustres hôtes – n’oublions pas que l’un d’entre eux sera bientôt le Président du Faso - aux bons soins du responsable de la sous-commission Médias, Edouard Ouédraogo, doyen d’âge des vice-présidents «Je vous laisse avec un de mes vice-présidents. Il ne s’agit pas d’un coup d’Etat hein. Chez nous ça se passe de façon pacifique», a plaisanté l’archevêque avant de s’éclipser.

Etaient absents à la rencontre les candidats Zéphirin Diabré, Jean Baptiste Natama, Saran Sérémé. Les autres ont répondu présent au rendez-vous ou se sont fait représenter. Deux candidats sont arrivés bien après le début des travaux. Le retard du prince ? Après avoir transmis les félicitations et les encouragements des membres de la Commission aux candidats qui ont été finalement acceptés dans la course à la prochaine présidentielle, Edouard Ouédraogo a fait un tour d’horizon de la tâche abattue cinq mois durant, mettant en exergue le côté «Réformes» dans lequel, à l’écouter, «tous les domaines de gouvernance (politique, économique, administratif, institutionnel, environnemental, sanitaire, scolaire...) ont été passés au peigne fin».

Après la distribution du rapport de synthèse et de la charte de la réconciliation qui, selon le souhait de la Commission, devrait être signée par les candidats avant l’entrée en campagne, parole a été donnée aux invités pour dire ce qu’ils pensent de l’initiative. Visiblement, la plupart ont apprécié la démarche, avec quelques petites réserves cependant. «C’est dommage que cette charte soit disponible après la rédaction de nos programmes. Peut-être que sur le terrain, l’on pourrait en tenir compte», a regretté Simon Compaoré, le représentant du candidat Roch Marc Christian Kaboré. Me Bénéwendé S. Sankara, quant à lui, s’est interrogé sur les propositions portant créations d’un Haut-conseil de la réconciliation et de son Secrétariat permanent. «Nous donnons du prix à l’application des décision. Le Haut-Conseil ainsi que le Secrétariat permanent pourraient y veiller afin que, pour une fois, l’on n’ait pas mis en place une Commission pour rien». La candidate indépendante Françoise Toé pour sa part a estimé que le temps de la rencontre n’était pas suffisant pour parcourir le dossier et dire ce qu’on en pense réellement. Le président de la sous-commission Médias s’est fait rassurant : «L’objet de la rencontre n’est pas de débattre du document. Nous ne nous faisons pas d’illusions. Nous tenions surtout qu’aussitôt après sa remise officielle, les candidats à la présidentielle le reçoivent et s’en imprègnent pour en tirer des thèmes de campagne».

Issa K. Barry
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Zoom sur quelques réformes phares

La Commission de la réconciliation nationale et des réformes a remis le 14 septembre 2015 son rapport au Premier ministre Isaac Zida. Dans notre édition d’hier, nous vous avons proposé quelques points saillants dudit rapport volumineux de 142 pages. Aujourd’hui, nous vous proposons d’autres réformes non moins importantes dont la mise en œuvre contribuera à la réalisation du renouveau national tant souhaité par les Burkinabè.

Sur le chantier des réformes constitutionnelles, politiques et institutionnelles

L’état des lieux dans les domaines constitutionnel, politique et institutionnel est analysé à partir du régime politique burkinabè et du cadre institutionnel. Depuis le retour à l’Etat de droit en juin 1991, le Burkina Faso a enregistré des progrès appréciables dans la démocratisation de son système politique. En dépit d’avancées notables en plus de deux décennies de pratique constitutionnelle, les résultats en matière de consolidation démocratique sont mitigés, comme en témoigne l’avènement de l’insurrection populaire les 30 et 31 octobre 2014.

Les réformes politiques

Elles visent à :

  • Créer un rééquilibrage des pouvoirs entre les institutions étatiques ;
  • Renforcer les droits et libertés des citoyens ;
  • Promouvoir le dialogue social ;
  • Consolider le caractère républicain des FAN ;
  • Favoriser la transparence dans la gestion des affaires publiques ;

L’institutionnalisation de l’alternance démocratique.

L’opérationnalisation de cette réforme passe par les mesures suivantes :

  • Le renforcement du principe de la limitation des mandats présidentiels par le maintien du quinquennat et l’érection de ce principe en clause intangible ;
  • L’institutionnalisation d’une subvention publique pour soutenir la réalisation d’œuvres d’intérêt public par les anciens chefs d’Etat, en vue de promouvoir l’alternance démocratique
  • La réduction de l’âge limite pour se porter candidat à la fonction de Président du Faso de 75 à 70 ans.

Le renforcement des contre-pouvoirs.

La Commission propose ;

  • La consolidation de l’indépendance et l’impartialité du Conseil constitutionnel ;
  • Réduire le nombre des membres désignés par le Président du Faso ;
  • Instituer le chef de file de l’opposition comme autorité devant désigner deux membres du Conseil constitutionnel ;
  • Elargir les pouvoirs du Conseil constitutionnel à la protection des droits et libertés, au contrôle des lois de révision constitutionnelle et à la régulation de la vie politique.

Le renforcement de l’indépendance de la magistrature

  • Confier la présidence du Conseil supérieur de la magistrature au premier président de la Cour de cassation, en lieu et place du ministre de la Justice ;
  • Supprimer le pouvoir du ministre de la Justice de donner des instructions au Parquet dans les affaires en cours ;
  • Uniformiser le statut des magistrats du parquet à celle du magistrat du siège du point de vue de leur carrière et de la discipline ;
  • Instituer l’obligation pour tout magistrat de démissionner avant de s’engager en politique ;
  • Renforcer le respect des règles d’éthique et déontologiques ;
  • Adapter le droit aux réalités culturelles nationales dans le respect des principes universels des droits humains.

Le renforcement des droits et devoirs des citoyens

  • Constitutionaliser la protection des données à caractère personnel et le droit à l’alimentation ;
  • Abolir la peine de mort pour marquer l’adhésion au principe de la sacralisation de la vie et de la dignité humaine ;
  • Rendre obligatoire la traduction en langues nationales, la diffusion de l’enseignement de la Constitution et des droits de l’Homme ;
  • Elargir la saisine du Conseil constitutionnel aux citoyens ;
  • Rendre effectif l’exercice du droit de pétition par une clarification des modalités d’exercice de ce droit ;
  • Rendre obligatoire le service militaire, facteur de promotion du civisme, du patriotisme et de la cohésion sociale entre civils et militaires ;
  • Rendre imprescriptibles les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les crimes d’agression, les crimes économiques, les crimes environnementaux et le terrorisme.

La promotion de la bonne gouvernance

  • Renforcer la transparence sur le patrimoine du chef de l’Etat et des membres du gouvernement par l’amélioration du dispositif de contrôle par les organes compétents ;
  • Limiter la taille du gouvernement à 25 ministres au plus ;
  • Etendre la compétence des juridictions de droit commun aux crimes et délits commis par le président du Faso et les membres du gouvernement dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions ;
  • Limiter les compétences de la Haute Cour de justice au seul cas de haute trahison ou d’attentat à la Constitution commis par le Président du Faso ,
  • Soumettre l’Assemblée nationale aux règles de la comptabilité publique et renforcer la responsabilité de son président en matière de gestion ;
  • Supprimer l’amnistie accordée aux anciens chefs d’Etat dans l’optique de créer les conditions pour la manifestation de la vérité et de la justice, gage de paix et de cohésion sociale.

Les réformes institutionnelles

Ces propositions de réforme visent à consolider le processus démocratique à travers un ancrage des institutions. La commission propose en substance des mesures destinées à améliorer la performance et la légitimité de ces institutions

Le renforcement du dispositif institutionnel

  • Elargir les compétences du CES aux questions environnementales, il devient CESE ;
  • Instituer l’obligation de saisir le CESE sur tous les projets de textes à caractère économique, environnemental, social et culturel ;
  • Dynamiser la CND, le CNE et la CIL ;
  • Constitutionaliser l’Armée nationale, la CENI et l’ASCE ;
  • Constitutionaliser un Haut conseil national de sages (HCNS), chargé de prévenir et gérer les crises institutionnelles et politiques ;
  • Supprimer le Sénat rendu caduc avec le maintien et le renforcement du CES et la création d’un HCNS ;
  • Elaborer un statut de la chefferie traditionnelle et coutumière en vue de préserver les valeurs qu’elle incarne et de renforcer son rôle en matière de consolidation de la cohésion sociale et de la paix.

Sur le chantier de la réforme électorale

Pour une compétition électorale équitable et transparente, il apparait nécessaire de revoir nos textes législatifs nationaux.

De la nécessité d’un nouveau code électoral

A force de modifications, le code électoral et toutes les lois modificatives qui y sont incorporées sont difficilement accessibles à la compréhension du commun des Burkinabè. Pour la Commission, il convient d’adopter un nouveau code électoral qui intègre les aspects suivants. Pour ce faire, la Commission a, entre autres, proposé de prévoir des peines pénales pour les auteurs et leurs complices de changement constitutionnel de régime et /ou de nature à empêcher l’alternance au sommet de l’Etat et d’ériger en infraction la fraude et la corruption électorales et sanctionner pénalement les auteurs desdits actes et leurs complices.

La réforme de la CENI

La réforme de la CENI vise à lui garantir une plus grande efficacité, un professionnalisme, dans la conduite des processus électoraux.

  • Une constitutionnalisation de la CENI est indispensable si l’on veut que cette structure assure pleinement son rôle de gestion du processus électoral. Pour la Commission, il convient de constitutionaliser la CENI afin de lui garantir, à la fois une autonomie financière et une indépendance organique. C’est à ce prix que l’on peut espérer tenir la CENI loin des influences, des immixtions extérieures, notamment celles du gouvernement.

Synthèse Jean Stéphane Ouédraogo

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