Chute du régime Compaoré : Va-t-on ouvrir tous les placards ?

| 03.11.2014
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Chute du régime Compaoré : Va-t-on ouvrir tous les placards ?
© DR / Autre Presse
Chute du régime Compaoré : Va-t-on ouvrir tous les placards ?
Le régime de Blaise Compaoré s'est effondré, tel un château de cartes, sous les coups de boutoir de l'Opposition et de la société civile. La suite des évènements est connue. « L'enfant terrible » de Ziniaré a quitté précipitamment le palais de Kosyam pour rallier Yamoussoukro. Dans la foulée, certaines personnalités et proches du régime, dont on ignore le nombre exact, l'ont accompagné dans son exil ivoirien. D'autres ont déposé leurs baluchons, dit-on, au Bénin. D'autres sont en train de se terrer à l'intérieur du pays ou sont tentés de traverser les frontières pour l'on ne sait quelle destination. Pendant ce temps, une trentaine de Burkinabè ont été brutalement arrachés à l'affection des leurs. Leur crime, c'est d'avoir osé, les mains nues, crier leur ras-le-bol du système Compaoré et appeler avec l'énergie du désespoir, à une alternance démocratique, la première dans leur pays. Dans l'immédiat, la nation doit leur être reconnaissante en leur rendant un hommage solennel au cours duquel les drapeaux de la République doivent être mis en berne, parce qu'ils ont offert leur poitrine pour la liberté de tous. Mais après cela, des comptes doivent être demandés à tous ceux qui, de près ou de loin, par leurs propos ou actes, ont endurci le cœur de ceux qui ont appuyé sur les gâchettes. C'est à ce prix que leurs familles pourront faire leur deuil. Ces crimes viennent s'ajouter à d'autres crimes de sang et crimes économiques qui ont émaillé le long règne de Blaise Compaoré et dont la plupart sont restés malheureusement impunis. La révolution du 30 octobre dernier aurait certainement un goût d'inachevé si tous ces crimes devaient demeurer dans les placards du régime.


La plupart des dérapages du système Compaoré n'aurait pas pu se produire et prospérer si le Burkina avait disposé d'une justice à la hauteur d'une démocratie digne de ce nom

La vérité, toute la vérité liée à ces crimes devraient être connue dans la perspective de rattraper tous els manquements dont la justice s'est rendue coupable sous l'ère Compaoré. Mais cela exige d'abord que l'institution judiciaire soit véritablement assainie. En effet, la plupart des dérapages du système Compaoré n'aurait pas pu se produire et prospérer si le Burkina avait disposé d'une justice à la hauteur d'une démocratie digne de ce nom. Une telle justice doit d'abord être perçue par les hommes et les femmes qui l'animent comme un sacerdoce. D'ailleurs, une des lectures que l'on pourrait faire à propos de la déferlante qui a balayé le régime Compaoré, est que celle-ci peut être perçue comme la conséquence de l'accumulation des frustrations des populations face au comportement de l'institution judiciaire. En effet, dans le traitement de certains dossiers, l'on pouvait avoir l'impression de l'existence d'une justice à deux vitesses. D'une part, l'on a une justice réservée aux pauvres et aux laissés-pour-compte. Cette justice-là, pour un poulet volé, savait faire preuve de diligence et avait la main lourde vis-à-vis des auteurs de larcins. Par contre, quand il s'agit de graves crimes commis par les bonzes du régime ou leurs proches, la même justice faisait preuve de lourdeur pour ne pas dire de complaisance. Toute chose qui avait fini par exaspérer les populations. C'est pourquoi, aujourd'hui, plus que jamais, la Justice burkinabè doit s'amender auprès des populations et cela pourrait consister d'abord à ouvrir tous les placards du régime.

Que l'on aille surtout pas crier à une chasse aux sorcières parce qu'il ne s'agit pas de cela. Il s'agira plutôt d'agir par nécessité pédagogique. En effet, le Burkina a traversé une longue période noire au cours de laquelle l'on a pu assister à un affaissement des valeurs éthiques. Un des bonzes du système Compaoré, Arsène Bognessan Yé, avait parlé à juste titre d'agonie de la morale. Dans cette ambiance dominée par le vice, les détournements et autres actes mafieux étaient perçus comme des valeurs. Il s'agit maintenant de travailler dans l'urgence à déparasiter les esprits, surtout ceux de la jeunesse, qui en est arrivée à se convaincre que tous les moyens sont bons au Burkina pour se faire une place au soleil.

De ce point de vue, le Burkina nouveau auquel nous appelons de toutes nos forces, ne peut pas faire l'impasse sur les crimes de sang et les crimes économiques supposés ou réels que l'on impute au régime Compaoré. Aujourd'hui, la difficulté de mettre en place une transition démocratique et civile, pourrait être liée à la volonté de certains acteurs de faire diversion pour empêcher les Burkinabè d'exiger un inventaire de l'ensemble du système Compaoré, notamment dans ses aspects relatifs aux crimes de sang et aux crimes économiques dans lesquels ils pourraient avoir quelque choses à se reprocher. Mais l'on peut avoir envie de dire à ces gens qui, visiblement, sont en train de mener une lutte d'arrière-garde, que quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finira par apparaître. Et les rayons du soleil sont déjà perceptibles grâce justement au sang que les Burkinabè ont versé dans l'espoir que plus rien ne sera comme avant.

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