Charte de transition : Ne pas marginaliser l’armée

| 11.11.2014
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Charte de transition : Ne pas marginaliser l’armée
© DR / Autre Presse
Charte de transition : Ne pas marginaliser l’armée
Dans un tout récent éditorial (Cf. L'Obs. du mercredi 5 novembre 2014) et comme la plupart de nos compatriotes, nous trouvions quelque peu serré le délai de quinze jours imparti au colonel Zida et à son équipe pour la rétrocession du pouvoir aux civils, faute de quoi le couperet des sanctions tomberait imparablement.


Réunis à Accra les jeudi et vendredi derniers, en sommet ad hoc, les chefs d'Etat de la CEDEAO ont intégré dans leurs actes finaux cette légitime préoccupation.

Ils ont en effet pris en compte l'atypisme du cas burkinabè et plaidé en conséquence qu'en matière de sanctions, la Communauté internationale n'y aille pas mécaniquement suivant les injonctions impératives de ses différents textes, mais que pour une fois, elle fasse preuve d'un certain discernement productif. Les organisations internationales et interafricaines présentes à Ouagadougou, ayant vecu de l'intérieur l'enchaînement des évènements, semblent à leur tour abonder dans le sens. En quoi la situation du Burkina est-elle atypique ?

Tout le monde conviendra, et tous les observateurs dépêchés sur place ne diront pas le contraire, que ce qui s'est produit au Burkina Faso n'a rien à voir avec un grossier coup d'Etat ourdi dans le secret des casernes et perpétré par une soldatesque de putschistes assoiffés de pouvoir et surtout des prébendes à en tirer.

Bis repetita, il s'est agi le 30 novembre 2014 d'une insurrection populaire contre l'obstination et le déni des réalités par un homme qui aurait pu sauver son quinquennat et son régime s'il avait seulement su prendre la bonne décision et au bon moment.

Maurice Yaméogo, on le sait, est tombé au soir du 3-Janvier pour s'être obstiné dans son refus de recevoir les représentants des syndicats qui désiraient seulement s'entretenir avec lui des mesures d'abattement salarial prévues par la loi des finances 1966.

Du P.C. opérationnel du général Gilbert Diendéré, Blaise Compaoré a pu suivre en direct l'ampleur phénoménale de la marche de protestation du 28 octobre grâce aux images prises par hélicoptère doté de caméras embarquées.

Si prenant en considération la pleine mesure de cette journée du 28 qui n'était pas encore l'insurrection mais en plantait le décor, il avait retiré pour de bon ce funeste projet de révision de l'article 37, ou même seulement sursis à son examen, il serait possiblement aujourd'hui encore à Kosyam.

Au lieu de quoi, il s'est enfermé dans son désir compulsionnel sinon pathologique de déverrouiller coûte que coûte la clause limitative du mandat présidentiel.

L'insurrection a donc eu lieu et est sortie victorieuse.

Le 3 janvier 1966, on a assisté à d'incessants va-et-vient des représentants des insurgés entre la Place d'armes (aujourd'hui place de la Nation) et l'état-major où siégeaient le colonel Sangoulé Lamizana, son chef, et le Commandant Baba Sy, chef du premier bataillon de Haute-Volta, suppliant l'armée de prendre le pouvoir, seul moyen alors de conjurer le pire.

Quarante-huit ans après, l'histoire s'est répétée mutatis mutandis : ce 30 octobre 2014, l'armée s'est retrouvée une fois encore comme le seul Léviathan crédible, c'est-à-dire la seule autorité suprême aux soins de qui le peuple victorieux a consenti d'abandonner, ne fût-ce que pour un temps, les destinées de la nation face au désordre apocalyptique qui menaçait.

Non, ce 30 octobre n'est pas un coup d'Etat sui generis. Pour retrouver un tel prodige populaire en Afrique subsaharienne, il faut, sauf erreur, remonter au Congo Brazza du 15 août 1963 où, devant également l'aveuglement de l'abbé Fulbert Youlou à instaurer le parti unique, un soulèvement civil porta le syndicaliste Alphonse Massemba - Debat au pouvoir.

Rendons donc grâce à la CEDEAO d'avoir compris cette fraternisation finale armée/insurgés qui a conduit la première à prendre momentanément les rênes du pays.

Il reste maintenant à nous, Burkinabè, de ne pas décevoir ces chefs d'Etat qui nous ont compris.

De ce point de vue, la responsabilité de tous les protagonistes qui œuvrent activement à la définition du cadre de transition,est particulièrement interpellée.

Il leur faut faire vite et bien.

Vite parce que nonobstant la tolérance dont la CEDEAO fera montre sous la conduite du président Macky Sall du Sénégal, les grandes composantes de la Communauté internationale, telle l'Union africaine, n'entendent pas si facilement assouplir les termes de leur ultimatum.

Par-delà la formule rhétorique du Colonel Zida déclarant lors de sa première conférence de presse que les injonctions de l'UA n'engagent qu'elle, nous serions bien inspirés de ne pas les prendre à la légère.

Il nous faut alors faire bien et, ce disant, nous pensons à l'esprit de mesure, donc au refus de toute surenchère, de tout maximalisme qui doit habiter tous ceux-là qui ont aujourd'hui la responsabilité historique de travailler au retour à une vie constitutionnelle normale par le préalable des organes de transition.

Priorité des priorités, travaillons à ne pas fragiliser dans ses assises le Colonel Zida dont nous savons tous que l'accès au poste suprême ne s'est pas opéré selon le sacro-saint principe du 3 janvier 1966, à savoir l'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé. A nous de veiller à ne pas donner des arguments de déstabilisation à ceux-là que cette entorse à la doxa a pu frustrer.

Autre priorité, qui est une explicitation de la première, c'est de tout faire dans la répartition des responsabilités et des postes transitoires, pour ne pas donner à l'armée la dangereuse impression d'être marginalisée.

Certes, on comprend que les acteurs du 30 octobre, légitimement fiers, ivres et même jaloux de leur victoire, n'entendent pas s'en laisser déposséder.

Mais pour que cette victoire accouche de la belle Ve République dont ils rêvent, il faut bien que la période transitoire qui y conduit soit elle-même sécurisée, et nul autre que l'armée consentante ne pourrait y veiller.

Peut-on au demeurant exclure nos forces de sécurité et de défense du succès de l'insurrection, elles dont il a fallu le professionnalisme et le républicanisme – parfois même la complicité dans la gestion des déferlantes du 30 octobre pour que le bilan en termes de vies humaines n'en soit pas plus lourd ?

Une charte de transition est en discussion, dont la monture finale ne nous était pas connue au moment où se traçaient ces lignes.

Si elle prend en compte ces considérations, nous y verrons une manière de garantie, pour ne pas dire d'assurance tous risques pour le processus engagé.

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