Candidature de Blaise Compaoré en 2015 : On ne joue pas avec le destin d’une nation

| 18.12.2013
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Candidature de Blaise Compaoré en 2015 : On ne joue pas avec le destin d’une nation
© DR / Autre Presse
Candidature de Blaise Compaoré en 2015 : On ne joue pas avec le destin d’une nation
La scène se passe dans une salle de classe. A la question de l'enseignant de savoir ce qu'est l'incivisme, un élève répond en substance : « il y a incivisme quand les médecins désertent les hôpitaux publics pour les cliniques, quand les enseignants bâclent les cours dans les établissements publics pour exécuter des heures de vacation dans le privé, quand un président veut modifier la Constitution pour s'éterniser au pouvoir ».

 

Très bien ! Telle devrait être l'appréciation que l'enseignant doit porter sur cette réponse. En effet, ces derniers temps, tous les appareils idéologiques de l'Etat sont mis à contribution pour inculquer une culture civique à la jeunesse en général et à sa frange scolaire et estudiantine en particulier, dans la perspective de préparer leurs esprits à accepter l'inacceptable : la candidature de Blaise Compaoré à l'élection présidentielle de 2015.

Comme s'il s'agissait d'un concerto, à la suite de la FEDAP/BC, le président Compaoré lui-même a laissé entendre qu'il n'est pas exclu qu'il soit candidat en 2015

La réponse donc de notre élève à propos de l'incivisme, en plus de sa pertinence et de son pragmatisme, a le mérite d'interpeller hic et nunc tous les Burkinabè épris de paix, de cohésion sociale et de civisme, sur les risques de turbulences auxquels s'expose notre pays si d'aventure la Constitution en venait à être modifiée pour permettre à Blaise Compaoré de demeurer au pouvoir. Et tout semble indiquer que cette éventualité n'est plus à écarter. En effet, le ton a été d'abord donné par la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC), le 7 décembre dernier dans la salle des Banquets de « Ouaga 2000 », lors de la cérémonie d'installation des présidents et membres d'honneur du Burkina. Adama Zongo, le premier responsable de la fédération, sur le sujet, a été sans équivoque : « Nous souhaitons que le président Blaise Compaoré rebelote en 2015 ».

Cette sortie de la FEDAP/BC, dont la vocation originelle est de marquer au fer rouge l'esprit des Burkinabè, l'idée insidieuse et perverse selon laquelle « sans Blaise Compaoré, le Burkina n'a point de salut », est à prendre au sérieux. Il n'est pas exclu que dans les prochains jours, cette association, qui a réussi le tour de force de faire du CDP une coquille vide, sorte l'artillerie lourde pour écumer tous les hameaux du Burkina afin de porter « la bonne nouvelle ». Et Dieu seul sait qu'elle en a la logistique, la méthode, les hommes et probablement les espèces sonnantes et trébuchantes, pour convaincre nos populations, rongées par l'ignorance et la misère, de ce que le pays risque en termes d'instabilité, de troubles sans Blaise Compaoré.
Par ailleurs, comme s'il s'agissait d'un concerto, à la suite de la FEDAP/BC, le président Compaoré lui-même, dans une interview qu'il a accordée à « France 24 » dans la foulée du sommet de l'Elysée sur la sécurité auquel il a participé, a laissé entendre en des termes de moins en moins équivoques, qu'il n'est pas exclu qu'il soit candidat en 2015. Les Burkinabè qui ont toujours reproché à leur président de faire dans le clair-obscur sur la question de la modification de l'article 37, doivent maintenant se rendre à l'évidence. Blaise Compaoré sera bel et bien partant en 2015. Et advienne que pourra. Pourtant, on ne joue pas avec le destin d'une nation.

Relativement à la préservation de la paix sociale, le pouvoir semble gagné par l'amnésie. Sinon, comment comprendre qu'il ait déjà oublié les conclusions du Collège des sages ?

Bientôt, on assistera à une vaste comédie où les acteurs, toute honte bue, feront convoyer des Burkinabè faméliques des profondeurs du pays à Ouagadougou pour hurler leur adhésion totale et sans réserve au projet de la FEDAP/BC. La suite de la tragi-comédie est facile à imaginer. L'on invoquera le nom du peuple pour dire que le président a entendu sa voix et qu'au nom de l'intérêt supérieur de la nation, il se pliera à sa volonté. Cette mise en scène digne d'Eyadéma père se profile à l'horizon au Burkina. On se rappelle pourtant que le président du Faso déclarait naguère seulement avoir été à l'école de Nelson Mandela.
Cela dit, ce scénario qui n'augure rien de bon pour le Burkina, doit interpeller dès à présent la société civile du pays, car le pouvoir, à force d'intrigues, a réussi à ringardiser l'opposition politique.
Dans cet élan de sursaut patriotique, l'on pourrait associer les chefs religieux et coutumiers, à qui le pouvoir semble demander d'anesthésier la conscience politique des Burkinabè en préparant les esprits par une campagne hautement médiatisée sur le civisme tel que défini par le pouvoir.
Il faut aussi dire, relativement à la préservation de la paix sociale, que le pouvoir semble gagné par l'amnésie. Sinon, comment comprendre qu'il ait déjà oublié les conclusions éclairées du Collège des sages, mis sur pied après le tsunami social provoqué par la mort de Norbert Zongo en 1998, qui avaient eu le mérite de tracer les sillons d'un vivre-ensemble harmonieux dans notre pays ?
A cet élan de sursaut pour le Burkina, l'on peut aussi associer les amis du peuple burkinabè, à commencer par le peuple français, pour qu'ils aident dès à présent le pays des Hommes intègres à éviter ce que les autres peuples ont connu suite au tripatouillage de la Constitution de leur pays, car une des causes de l'insécurité qui préoccupe tant François Hollande, c'est justement la mal gouvernance politique, les modifications récurrentes des Constitutions sous nos tropiques, au gré des humeurs et des intérêts personnels des princes qui nous gouvernent.

Pousdem PICKOU

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