Brouillage de pistes en fin de Transition ou sabotage?!

| 08.07.2015
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Passation de charges entre le Lieutenant-Colonel Isaac Zida et S.E.M Michel KAFANDO, Président du Faso, Chef de l'Etat au Palais des Sports de Ouaga 2000 ce vendredi 21 novembre 2014. Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
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Passation de charges entre le Lieutenant-Colonel Isaac Zida et S.E.M Michel KAFANDO, Président du Faso, Chef de l'Etat au Palais des Sports de Ouaga 2000 ce vendredi 21 novembre 2014. Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
Jusque-là, sans être parfaite, la Transition s'est plus ou moins bien déroulée. Certes, avec quelques sautes d'humeur venant d'éléments du RSP, autour de la personne du lieutenant-colonel Zida devenu Premier ministre, à défaut d'être parvenu à s'imposer comme Président de la Transition. Il dut se réfugier, on s'en souvient, au domicile du Moogho Naaba, pour échapper à la colère de certains de ces soldats dont il fut pourtant un des patrons sous le règne du président déchu, Blaise Comparé... Mais ce qui se passe de plus en plus fréquemment ces dernières semaines et qu'on attribue à tort ou à raison au RSP devient inquiétant et ne manque pas de soulever des interrogations et des soucis pour une fin heureuse et paisible de la Transition et donc pour la paix sociale au Burkina Faso.


La dernière, c'est la visite de ces militaires en tenue dans les radios privées pour donner des leçons de traitement de l'information nationale les concernant aux animateurs et journalistes. Armes au point. Si c'est vraiment ça le RSP, il vaut mieux s'en inquiéter car cela renforce la conviction de ceux qui pensent que ce régiment, qualifié d'élite de notre armée, doit être purement et simplement dissout. Mais rien ne nous dit qu'il s'agit réellement de militaires venus du RSP et parlant au nom du RSP. Le communiqué des autorités militaires à l'occasion est assez instructif à ce sujet.

Mais il est quand même inquiétant qu'un groupuscule de moins de dix soldats puisse ainsi faire le tour des stations de radios privées sans être mandatés par quelqu'un, et sans être interpellé ou stoppé dans sa démarche, dans un pays qui compte tout de même des milliers de militaires, dans une armée qui n'est pas des moindres dans la sous-région! Non! Que signifie vraiment cette geste militaire qui ne ressemble pas beaucoup à un coup de bluff? D'où est venu cet ordre pour dire quoi à qui ou pour intimider quelle composante de la nation burkinabè sous cette transition?

Les militaires sont ce qu'ils sont et on ne peut pas vraiment le leur reprocher, étant donné qu'ils n'ont usé de violence physique contre aucun confrère. N'en demeure pas moins qu'ils restent soumis à des lois communes à tous les Burkinabè et on ne peut quand même pas tout accepter de leur part!...

Première lecture possible de la situation. Le RSP est décidé à ne pas se faire dissoudre et donnera cher de sa peau. Ce qui signifierait en clair que quiconque tentera de les oublier ou de faire sans eux sous cette transition et au-delà en aura pour sa témérité. Qu'on les laisse tranquilles dans leur état et leurs privilèges, que rien ne change de leur côté, qu'ils soient en quelque sorte l'exception qui confirme la règle de la Transition. La leçon vaut pour tout politicien actuel et futur. Ce serait la paix avec le RSP ou le chaos sans le RSP.

On cherche alors du côté des grands militaires de notre pays et en particulier les plus puissants proches du RSP. Et on a tôt fait de penser à un général Gilbert Diendéré qui ne parle pas beaucoup, mais qui sait très bien parler quand il veut, et qui est toujours là, malgré la Transition, malgré le départ de son boss, le président Compaoré. On peut même affirmer qu'il est encore au sommet des affaires, puisqu'il a réussi le tour de force d'avoir entre les mains le dossier épineux qui porte les fameuses initiales RSP. Un peu comme s'il était juge et partie, comme l'ont fait remarquer quelques commentateurs avertis sur des chaînes de radios internationales. Et ces commentaires sont assez indicatifs des craintes qui peuvent émaner de tous les soldats qui ont soutenu le régime Compaoré durant son long règne, exécutant au passage quelques sales besognes! Mais ces soldats se disent innocents, et la présomption d'innocence doit leur être pour le moment accordée... Pour ceux qui seraient toujours en service et en vie, en tout cas. Mais il y a de quoi avoir des soucis face à la communauté internationale dont le fameux TPI de Madame Bensouda.

Est-ce que le RSP penserait reprendre le dessus sur tous les plans comme si de rien ne s'était passé avec le départ de Blaise, en prenant en otage la Transition ou en créant un génial coup de théâtre? Ça peut être tentant mais fort risqué, à moins de vouloir nous conduire vers un chaos dans lequel ne se retrouvent que ceux qui ont des armes. Cela n'a jamais vraiment profité à personne dans aucun pays, même pas aux militaires. Souvenons-nous du cas Savimbi en Angola.

Certains politiciens ont fourché de leur langue (disons ainsi les choses) en pensant pouvoir conduire «leur» candidat à Kosyam par la force ou la violence. C'est malheureux comme attitude langagière et ce n'est vraiment pas nécessaire. La communauté internationale n'accepte plus que ce genre de malheur soit imposé impunément à des populations qui ne demandent qu'à vivre en paix et jouir du fruit de leurs efforts. Le monde évolue et la raison réclame partout ses droits, nul n'y échappe et surtout pas en Afrique.

Il est peut-être temps de comprendre que lorsque c'est fini, il faut courageusement tourner la page en matière de gouvernance démocratique. Et le RSP gagnerait peut-être plus à jouer balle à terre, faire profil bas et négocier sa transition, sur des bases saines n'excluant personne: «Nous sommes aussi des Burkinabè et ça doit marcher pour nous au RSP, tant qu'on n'est pas coupables de crimes!» Bref, une humilité militaire.

Deuxième lecture possible: les dés sont pipés, les pistes se brouillent, la Transition est rattrapée par les vieux démons du régime passé. La désinformation reprend du service auprès de l'information vraie, de source sûre, et pas forcément officielle. Ce que réclamait le Premier ministre ce lundi matin à son départ pour la Côte d'Ivoire où réside le président Compaoré, démentant des rumeurs sur sa démission.
Mais, il part en Côte d'Ivoire pour un séjour de travail. Verra-t-il le président Compaoré à l'occasion? Pas sûr: Zida paraît un traître aux yeux de Compaoré... Traître le jour et ami la nuit? Ce que nous voyons ne serait alors que du pipeau, de la poudre aux yeux, la réalité des choses étant souterraine, sans tomber dans une théorie du complot.

Ce qu'on attend des autorités de la Transition, c'est de remettre le pays sur les rails de la démocratie par des élections libres et transparents. Certains candidats ont fait les jours heureux du régime passé. Les plus sérieux sur le terrain ne sont-ils pas encore Roch et Diabré, avec la déchirure du camp sankariste qui affaiblit sérieusement Maître Sankara? Roch a un peu plus de chance, qui est parti avec un impressionnant renfort de membres influents du régime passé, précipitant pour ainsi dire la chute annoncée du régime Compaoré. Salif, Simon et bien d'autres. C'est peut-être un gage de paix nationale, comme l'implication du RSP dans cette Transition dès les premières heures en la personne de Yacouba Issac Zida.

Quant aux autres candidats, malgré tout le bien qu'on leur souhaite, il ne leur reste plus que le miracle pour réaliser l'exploit de se voir un jour prochain installés à Kosyam.

On comprend alors que Diendéré ne soit pas forcé de partir; il constituerait, pour le bien de tous, un élément clef de la Transition au plan militaire, à condition, bien sûr, de partir... bientôt, le moment venu. Avec cette épine dans le pied: les crimes commis sous Blaise Compaoré dont on pense sérieusement qu'il y est indirectement impliqué.

A la transition des hommes et des cadres institutionnels, devrait raisonnablement suivre une mutation des conduites au pouvoir, et une alternative des idées, pour mieux féconder les forces vives de développement. Pour une vraie paix, cimentée par le progrès et la justice sociale.

T Niger

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