Burkina Faso : Une odeur de putsch light

| 03.11.2014
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Burkina Faso : Une odeur de putsch light
© DR / Autre Presse
Burkina Faso : Une odeur de putsch light
Double ironie du sort dans la vie nationale, ces derniers jours.


Primo : c'est ce 1er novembre 2014, jour du 54e anniversaire de sa création, dont la commémoration devait se dérouler à Bobo-Dioulasso, que l'armée a choisi de s'inviter dans les affaires politiques du pays.

Secondo : le Lt-colonel Yacouba Isaac Zida, n°2 du chef de corps du Régiment de sécurité présidentiel qui devait faire le déplacement dans la capitale économique du Burkina, pour organiser la sécurité de Blaise Compaoré, qui devait présider cette fête de l'armée, se retrouve en l'espace de quelques heures, calife intérimaire, à la place du calife démissionnaire.

Ainsi va l'Histoire qui a cette faculté d'accélération, telle qu'elle détruit même les évidences irréfragables, et instaure une sorte d'éternel retour, qui flirte avec le nihilisme nietzschéen, si ce n'est avec l'équilibre karmique des bouddhistes.

Tout est allé très vite entre le 30 et le 31 octobre : mouvement de populations contre un bricolage constitutionnel jugé scélérat lequel mouvement a réduit le temple du législatif en cendres. Démission du président Blaise Compaoré.

S'en suivra un bicéphalisme successoral au sein de la grande muette, une dyarchie, qui semble résolue, puisque celui-là même qui revendiquait l'intérim de la magistrature suprême, en l'occurrence le général Nabéré Traoré, est le signataire du document entérinant la désignation de Zida comme «l'élu» de l'armée pour mener cette transition.

L'après-Blaise venait de commencer avec l'un des ex-sécurocrates du président démissionnaire.

En attendant de connaître le nom de l'organe de transition, le temps qu'elle durera et le mode opératoire, et surtout l'aboutissement d'un terrain d'entente avec l'opposition, le Lt-Cl Zida a-t-il le physique de l'emploi ? Autrement dit, quels sont ses atouts et faiblesses ? Un petit inventaire à la Prevert s'impose :

Faiblesses :

On peut se risquer à dire qu'il démarre ce sacerdoce avec un péché rédhibitoire : la mode kaki. Les Burkinabè, en effet, dans leur ensemble ne veulent plus de ce pouvoir militaire, qu'il soit transitoire, révolutionnaire ou autre. Le stade de saturation étant atteint, avec en 54 ans d'indépendance, 7 chefs d'Etat dont 6 militaires. Et sur ces 6 devanciers, aucun n'a quitté le pouvoir de son plein gré. Comme quoi, ledit sacerdoce doit avoir quelques avantages, pour qu'on s'y accroche, jusqu'à être chassé.

Le fait de ne pas avoir pris langue avec l'opposition et la société civile, avant de se proclamer président de la transition à la place de la Nation, est une erreur d'allumage, qui dénote selon le CFOP, l'âme de cette révolution, qu'il y a des velléités, de vouloir le flouer de sa victoire. Une méfiance qui rejoint le péché originel qui colle à l'armée de ne pas considérer les civils.

La suspension de la Constitution équivaut à la perpétration d'un putsch, un putsch light, mais un putsch tout de même, car une telle mise entre parenthèse, convenons-en, signifie que les libertés d'opinion, d'expression, de manifestation,... toutes choses gravées dans le marbre de la loi fondamentale sont mises sous éteignoir. Donc, qu'il y a bel et bien un pronunciamiento qui ne dit pas son nom.

Pour certains, il traîne également un parfum d'homme lige du président déchu. Ayant été moulé par Blaise Compaoré, dont il a assuré la sécurité pendant longtemps, mais aussi proche du général Gilbert Dienderé, il pourrait être celui qui agit par procuration de son ancien maître, donc étant le plan B que son ex-patron aurait concocté pour protéger ses arrières, avant de s'éclipser.

Force :

Ceux qui le connaissent, vous diront qu'il est modeste, compétent, ouvert, ayant la tête sur les épaules. Par exemple, pour peu qu'on évoque avec lui, ses qualités en matière de sécurité rapprochée des personnalités, soit il esquisse un sourire, soit il minimise son rôle avec des pudeurs de rosière.

Sa première déclaration rassure, car elle est loin des tons martiaux et des sons gutturaux qu'on entend en pareille occasion. Ce fut plutôt un speech structuré, où la modestie côtoyait le désir de remettre le pouvoir aux civils, et surtout le Burkina Faso sur les rails.

A l'évidence avec ce caractère, le colonel Zida a les vertus pour corriger cette ligne de faille sur fond de conflit de paternité de la révolution qui l'oppose désormais au CFOP.

Si on s'en tient à ce discours de prise du pouvoir, le Lt-colonel Zia pourrait être classé pour le moment, dans la catégorie des militaires démocrates tels ATT du Mali, Ely Ould Vall de Mauritanie, Salou Djibo du Niger et non dans celle des réîtres galonnés, tombés par inadvertance en politique comme Robert Guéi en Côte d'Ivoire, Dadis Camara en Guinée ou Amadou Sanogo au Mali. Enfin, le fait d'avoir été au cœur du pouvoir d'avoir côtoyé le premier responsable du pays, fait naître forcément des qualités de management, des réseaux, nécessaires pour gouverner. Sur ce plan, le Cl Zida les possède. Et il bénéficie d'un préjugé favorable. Maintenant, une chose est d'avoir les compétences en théorie, une autre est de pouvoir les appliquer, surtout quand on sait que gouverner les Burkinabè, qu'on soit président de plein exercice ou intérimaire équivaut à naviguer sur les rapides du fleuve Kadiogo, au milieu de récifs et de caïmans tapis sous la frondaison des jacinthes d'eau. Sur ce plan, mon colonel, vous avez 49 ans et peut-être risquez de commencer à grisonner d'ici peu. Et le premier baptême est celle de trouver un terrain d'entente avec les civils l

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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