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Brève interpellation de Simon Compaoré : Une comédie grotesque

| 14.05.2015
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Brève interpellation de Simon Compaoré : Une comédie grotesque
© DR / Autre Presse
Brève interpellation de Simon Compaoré : Une comédie grotesque
Le gouvernement de transition, rebaptisé par les nombreux déçus « gouvernement de transmission » du pouvoir au MPP a encore fait des siennes dans le dilatoire. Il a commis la gendarmerie d'interpeller, Simon Compaoré et Seydou Zagré, respectivement ancien maire de la commune de Ouagadougou et de Koudougou pour des faits relatifs à la gestion des lotissements dans les deux villes. On a vite compris que fortement critiqué pour les arrestations ciblées uniquement contre des personnalités de l'ancienne majorité, la paire Zida- Barry veut faire du rattrapage. Mais l'opinion publique n'est pas dupe. Ces arrestations théâtrales sont une opération de communication cousue de fil blanc. Une comédie grotesque qui fait dire que la transition à mal à sa neutralité, elle qui apparait beaucoup plus comme un pouvoir militaro-fasciste qu'autre chose.


Ne rions pas du gouvernement de la transition ! Surtout pas de sa politique de partialité faite d'orchestration de la passation du pouvoir au trio Roch- Salif- Simon du MPP. N'en rions pas parce que c'est une tragi- comédie dont l'issue sera dramatique pour la démocratie burkinabè. Les républicains n'auront alors que leurs yeux pour pleurer sur ce recul après près d'un quart de siècle de progrès démocratiques enregistrés sous la IVème République.

Un pouvoir frileux et partial qui veut broyer du CDP

Le Burkina ne mérite pas cette démocratie de petits copains qui se passent le pouvoir sous le couvert d'élections fermée par des lois d'exclusion et de poursuites judiciaires aux allures d'une chasse aux sorcières. Avec de tels oripeaux, la République dérive en une dictature à la Jules César, où ceux qui ont franchi le rubicond d'un coup d'Etat contre l'ordre constitutionnel normal, exercent le pouvoir à l'ombre de lois liberticides. Pourtant, si une leçon devrait être tirées des événements des 30 et 31 octobre 2014, c'est bien celle de la nécessité d'une démocratie qui se renforce, d'un pays qui se construit dans la recherche permanente du consensus national. Mais voilà, l'opposition d'hier, aux affaires aujourd'hui, est frileuse en matière de sureté de l'Etat et de lutte contre l'impunité. Elle fait arrêter à tour de bras. Des arrestations les unes plus sérieuses que les autres. Cette frilosité s'explique par la peur de voir l'ex majorité revenir peu ou prou aux affaires à l'issu des échéances électorales à venir. Alors tant pis pour le consensus national, vive la logique du « malheur aux vaincus » et s'ils résistent qu'on trouve les moyens légaux de les réduire sinon à néant, tout au moins à leur plus simple expression.

De fait, dans une analyse à la petite semaine, certains avaient vite fait d'enterrer le CDP, convaincus que sans son mentor, Blaise Compaoré, il est voué à une mort certaine. Mais voilà que le parti résiste malgré les foudres colériques dont ces principaux responsables ont été victimes lors des violences organisées de fin octobre 2014. Assurément touché par cette violence indescriptible, des cadres du parti ont été contraints à l'exil craignant pour leur intégrité physique. Mais la plupart sont resté stoïque au pays, avec un moral d'acier. Un directoire fut créé pour expédier les affaires courantes et préparer le VIème congrès du parti. Mais dur dur est de rester militant du parti majoritaire sous la transition. Car après l'opération de démolition, au propre comme au figuré, dans les violences de fin octobre dernier, le CDP et son allié, l'ADF/RDA ont du subir une suspension inexpliquée de leurs activités. En réalité, cette suspension entrait dans le cadre d'un acharnement du ministre de l'administration territoriale, accusé par certains observateurs d'être de connivence avec les stratèges du MPP pour favoriser un exode des militants de l'ex parti majoritaire vers les rangs de ce parti. Mais la manœuvre ne créa pas la grande démobilisation attendue des rangs du CDP. Le sicaire Auguste Barry revint à la charge avec une dissolution des conseils municipaux dont on sait que la grande majorité était dirigée par le CDP. Là aussi, les dividendes attendus pour le MPP étaient la récupération des maires CDP désorientés. Mais encore une fois, la pêche aux militants CDP en errance ne fut pas aussi abondante comme l'auraient souhaité ses détracteurs. Certes, il y a eu des démissions du CDP mais le gros des troupes est resté fidèles au parti. Vint alors le vote du code électoral d'exclusion. Cette loi est la manifestation la plus visible de la volonté de la paire Zida- Barry et apparentés MPP partis sankaristes de tuer le CDP. En effet, en rendant inéligibles les personnalités les plus en vue de l'ancienne majorité, les stratèges de son démantèlement voudraient la scléroser dans l'immobilisme. Les arrestations tous azimuts d'anciens ministres, maires et cadres du CDP, en pleine préparation du congrès, y compris à la veille de son ouverture - cas de Mme Juliette Bonkoungou - participent à cette opération de destruction du parti par sa décapitation.

Mais comme le roseau de la fable, le CDP plie sous les coups de boutoirs de ses persécuteurs, mais ne rompt pas. Le grand succès de son sixième congrès, tenu avec panache, le nouveau secrétariat exécutif qui en est issu, indique clairement que le parti a suffisamment de ressources humaines et de ressorts moraux et psychologiques pour surmonter toutes les entraves de persécution et demeurer une force politique avec laquelle il faut compter au Burkina.

Que vous soyez MPP ou CDP, la justice de la transition vous rendra blanc ou noir

Le CDP, une force politique avec laquelle, il faut compter. Une vérité que la paire Zorro – Don Quichotte, pardon, Zida- Barry, ne veut pas entendre. Alors elle poursuit inlassablement son œuvre de démolition. Quand elle veut couvrir la pourriture de ses œuvres de valets mal cagoulés du MPP, elle use de leurres comme la mise en scène des arrestations de Simon Compaoré, Seydou Zagré et dans une moindre mesure de Zakaria Sawadogo. Nos preux chevaliers de la lutte contre l'impunité, insulte l'intelligence des Burkinabè. Ainsi à peine Simon Compaoré a-t-il été interpelé à 15 heures, ce 7 mai, qu'il est relâché à 18 heures. On attend de voir la suite du dossier car trois heures d'interrogation c'est peu pour faire la lumière sur 17 ans de gestion solitaire de la plus grosse commune du Burkina.

D'autres bourgmestres comme, Salia Sanou Adama Zongo qui n'ont pas la bonne carte politique, celle du MPP, croupissent en prison depuis plus d'un mois et il n'est pas question de liberté provisoire pour eux. Pourtant ils ont eu moins de responsabilités dans la gestion des municipalités. Une lutte contre l'impunité au rythme du deux poids, deux mesures. C'est pour masquer cette persécution du CDP que les têtes pensantes de la transition et pour répondre à la critique pertinente du président de l'UPC, Zéphirin Diabré, qui a stigmatisé les arrestations sélectives, que Simon Compaoré a été interpelé. Mais la brièveté de sa garde à vue à la gendarmerie laisse deviner qu'on ne lui a pas posé les questions qui fâchent notamment celle de la réfection de l'hôtel de ville et sa responsabilité dans la mauvaise gestion des maires d'arrondissement, si mauvaise gestion il y a eu. En effet si Simon Compaoré a couvert des détournements de parcelles, il est responsable au même titre que les maires d'arrondissement qui ont commis ces détournements. S'il n'était pas au courant de ces malversations, ce qui serait fort étonnant, il est encore responsable par son incompétence à avoir l'œil sur la gestion de tous les services de la commune.
Mais c'est connu, l'objectif de « l'opération main propre » à la Zida – Barry est une opération de démolition des têtes fortes du CDP pour ouvrir des boulevards électoraux au MPP et apparentés partis sankaristes. Dès lors, n'est-on pas fondé à paraphraser la Fontaine : que vous soyez MPP ou CDP, la justice sous la transition vous rendra blanc ou noir ? En tout cas, Simon Compaoré peut boire son petit lait en attendant que la vraie justice passe tôt ou tard. Sait-on jamais ?

Djibril Touré

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