Son refuge ivoirien n'a duré que deux semaines, son fidèle ami, le président Alassane Ouattara, n'ayant pas réussi à faire passer le bien-fondé de sa présence en terre d'Eburnie. La sympathie et l'amitié du nouvel homme fort d'Abidjan pour Blaise Compaoré n'ont guère pesé en faveur de son maintien au pays de feu Félix Houphouët-Boigny. De nombreux Ivoiriens, surtout les pro-Gbagbo, commençaient à ne pas gober la présence de Blaise Compaoré dans leur chère patrie. La raison étant qu'ils ne pardonnent pas son soutien supposé à la rébellion, qui a fortement ébranlé le pouvoir de Laurent Gbagbo, et créé tant de soucis à la nation ivoirienne. Habité dans la paisible ville de Yamoussoukro n'a pas suffi à garantir à Blaise Compaoré, la tranquillité nécessaire pour ressasser ses souvenirs et envisager son avenir, qui s'annonce mouvementé. Son intervention supposée ou réelle dans plusieurs conflits en Afrique (Angola, Libéria, Sierra-Leone, Mali...) et son rôle non encore élucidé dans l'affaire Thomas Sankara lui traînent aux pieds comme un boulet. Et les appels à son arrestation et à son jugement devant la Cour pénale internationale (CPI) se multiplient même à cet effet. Après la Côte d'Ivoire, Blaise Compaoré n'eut d'autre solution que de prendre la route du Maroc, où il a posé ses pénates, certainement entre amertume et regrets. Et là encore, rien ne nous dit qu'il va s'éterniser au Maroc, surtout pas la position des autorités marocaines, qui parlent d'un séjour d'une «durée déterminée». Est-ce une gymnastique verbale pour ne pas mécontenter l'opinion marocaine, ou Blaise Compaoré est-il réellement en transit pour une autre destination dont on n'a pas idée ? L'un comme dans l'autre, l'arrivée de l'ancien président burkinabè en terre marocaine suscite des mauvaises humeurs. Deux partis de gauche, le PSU et la Voie démocratique (VD), se sont vertement montrés hostiles à sa présence au Maroc. Plus radical encore, la VD souhaite l'expulsion pure et simple de Blaise Compaoré. On le voit, l'ex-chef d'Etat, coutumier des honneurs de tous genres et des avantages du pouvoir, entame une vie de galère. Il devra se battre contre son passé, qui à présent veut absolument le rattraper. Le signe évident que le pouvoir et la déchéance sont intimement liés, comme le disait un confrère sénégalais. Mais quoiqu'il en soit, Blaise Compaoré est accusé de tout et c'est à ses détracteurs d'apporter les preuves de ce dont il est dénigré. Il a bien droit à la présomption d'innocence, comme tout citoyen, fût-il un souple dictateur. A tout le moins, à la justice internationale, Blaise Compaoré jouissant d'une amnistie accordée aux anciens d'Etat par la Constitution burkinabè, de se pencher sur les faits mis en cause et, le cas échéant, d'établir sa culpabilité.