Comment avez-vous appris que des attentats étaient en cours dans la capitale française?
Vendredi soir, je dînais chez l’ambassadeur d’Algérie avec d’autres collègues diplomates quand, à peu près au même moment, j’ai senti mon téléphone vibrer cinq fois. C’était mon fils et ma fille, qui étaient l’un et l’autre à des endroits différents de Paris. Une amie et encore deux autres personnes m’ont également envoyé des messages pour me demander si j’étais au courant de la situation à Paris à ce moment-là.
Vos premiers réflexes ont-ils été personnels ou professionnels?
Les deux. Mes enfants me demandant si je savais ce qu’il se passait dans les 10e et 11e arrondissements et au Stade de France (lieux des trois attaques de vendredi, ndlr), j’ai tout de suite compris que l’un et l’autre ne se trouvaient pas dans les zones concernées. Je leur ai alors demandé de rentrer immédiatement à la maison, et aux environs de 23h, ils m’ont appelé tous les deux pour me dire que c’était chose faite. Professionnellement, je suis immédiatement passé à l’ambassade, où j’ai allumé la télévision pour comprendre les événements qui étaient en cours. J’ai demandé à quelques collaborateurs s’ils suivaient également le drame, et j’ai convoqué une réunion de service dès le lendemain matin à 8h.
Concrètement, la sécurité des établissements français de Ouagadougou va-t-elle être renforcée?
Oui. J’ai téléphoné quasiment tout de suite au proviseur du Lycée Saint-Exupéry, où devaient se tenir le lendemain matin des examens et des cours de rattrapage. On a discuté tous les deux de ce qu’il convenait de faire. Il était tard et nous avons décidé de maintenir les activités prévues. J’ai alors demandé au ministère de la Sécurité d’augmenter la protection de l’établissement, ce qu’il a fait dès le lendemain matin avec le déploiement de gendarmes et de policiers supplémentaires.
Les mêmes mesures s’appliquent-elles aux autres institutions françaises?
Je me suis entretenu avec le ministre de la Sécurité et le président Kafando, qui m’a appelé le soir-même pour me présenter les condoléances de la nation burkinabè. L’attaché de sécurité intérieure a également appelé le chef d’état-major général des armées et les directeurs de la police et de la gendarmerie. Nous les avons effectivement convaincu de renforcer la sécurité sur tous les sites qui accueillent du public, et nous avons mis en
oeuvre la décision du ministre des Affaires étrangères français d’annuler tous les événements prévus et de fermer les Instituts français de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso (au moins pendant les 72h de deuil national, ndlr). A partir de lundi, les mesures de sécurité seront renforcées auprès de ces structures, des écoles françaises des deux premières villes du pays, de l’ambassade et de la résidence de France, de la Trésorerie, de l’Agence française de développement (AFD), de l’Institut de recherche et de développement (IRD) et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).
Selon vous, les ressortissants français présents au Burkina Faso sont-ils davantage menacés aujourd’hui qu’hier?
Ils sont tout autant en danger, mais c’est difficile à dire, car il n’y a pas vraiment d’échelle d’appréciation. En tout état de cause, c’est moins dangereux aujourd’hui de se trouver à Ouagadougou qu’à Paris. Mais ça reste moins périlleux d’être à Paris qu’en Afghanistan, en Libye ou en Egypte.
Que recommandez-vous à vos compatriotes résidant ici?
Je leur demande de se conformer impérativement aux consignes que malheureusement on ne cesse de leur répéter depuis quelques temps, compte-tenu de la succession des événements : insurrection populaire, attentats de Charlie Hebdo, coup d’Etat, attaque de la gendarmerie de Samorogouan... Je les appelle à la plus grande vigilance, car nous sommes engagés partout dans le combat contre l’obscurantisme, et un attentat en France a assurément des répercussions sur la sécurité des Français présents dans la zone sahélienne.
Vous avez reçu samedi matin le Premier ministre Zida et le représentant de Sa Majesté le Mogho Naba Baongo. Que vous ont-il dit?
Mes compatriotes et moi avons reçu de nombreux messages de soutien de nos amis burkinabè, et nous les en remercions chaleureusement. Ce qu’ils nous disent tous, c’est l’effroi qu’ils ont ressenti devant la cruauté et la violence de ces événements. Ils expriment également leurs condoléances envers les familles endeuillées, ainsi que leur compassion pour les blessés, les familles, les parents et amis des victimes. Beaucoup me disent également qu’ils sont engagés avec nous dans ce combat contre les forces obscurantistes et la bêtise, et que nous allons les éliminer ensemble.
Propos recueillis par
Thibault Bluy