Il est vrai que des signes précurseurs, du moins des coups de semonce, avaient été sonnés à l’Ouest et au Nord du pays, mais on était loin d’imaginer un remake des tragiques évènements du Radisson Blu de Bamako, dans la capitale burkinabè, Ouaga. Tout comme le vendredi à Bamako 20 novembre 2015, le Burkina a été frappé dans son épicentre, ce vendredi 15 janvier à travers les attaques de l’Hôtel Splendid et du café Cappuccino. Le film de l’horreur de ces 48 heures dont l’Avenue Kwamé N’Krumah fut le théâtre et le mode opératoire ne laissent aucun doute sur les tueurs qui les ont allègrement revendiqués:
19h45 : introduction de 3 ou 4 djihadistes dans l’Hôtel Splendid, après avoir froidement abattu plusieurs clients du Cappuccino, quelques minutes plus tôt.
22h30 : début de l’opération des forces de sécurité burkinabè, soutenues par leurs collègues français et américains. Et pour la petite histoire, 2 drones américains ont survolé les lieux.
1h30 : palier après palier, à la Joukov, du nom de ce général russe de la 2e guerre mondiale qui a reconquis ses positions, rue après rue, face aux hordes hitlériennes, les forces de sécurité parviennent aux étages supérieurs pour libérer les otages.
L’opération aura duré 12 longues heures et s’est avérée délicate et laborieuse. A la clef, 29 tués de 18 nationalités (français, canadiens, suisse, Burkinabè...) et 173 otages libérés. C’est effroyable.
Revendiquée par AQMI via Al-Mourabitine, les sinistres «signataires par le sang», cette attaque de Ouagadougou visait, selon un des assaillants, à d’abord, punir la France, cible symbolique et prioritaire qui est à la pointe depuis des années dans la croisade contre le terrorisme.
Indexées l’opération Serval, puis Barkhane et les caricatures de Charlie.
Moctar Belmoktar qui revendique ces tueries, depuis les confins des grottes algériennes, d’où il se terre, vient là, de signer sa marque préférée à Ouagadougou, comme il l’a fait à la Terrasse de Bamako, à In Amenas, le site gazier d’Algérie, ou au Radisson Blu.
Le «Borgne» a donc étendu ses tentacules jusqu’au Burkina Faso, puisque ses éléments et d’autres katibas, pourchassés au Mali et au Niger par Barkhane et les armées de ces pays plus le Tchad, veulent d’autres contrées pour ses visées et actions criminelles, qui sont devenues, son fond de commerce.
Le Burkina donc aussi, qui semblait être protégé par une sorte d’immuno-thérapie vient de se voir inoculé le virus du terrorisme par AQMI.
En vérité, c’était trop beau pour pouvoir perdurer : tenez, insurrection en octobre 2014, transition boiteuse, mais réussie de 13 mois, coup d’Etat raté en septembre 2015, élections acceptées en novembre, et avènement d’un pouvoir civil, qui dit mieux ?
Pour beaucoup, cet encéphalogramme politico-social plat est le calme avant la houle, même si certaines chandelleries incitaient leurs ressortissants ces dernières semaines, à la vigilance.
Après la France que Moctar Bel Moctar a voulu punir, c’est aussi un Burkina, qui recommençait à croire, qui vient d’être assomé.
Ceci étant, face à cette première au Burkina, que sont ces violences mortelles de l’Hôtel Splendid et du Cappuccino, il faut déplorer la relative impréparation et l’indigence des moyens anti-terroristes. Ce n’est pas une tare propre au Burkina Faso : A Tunis, Djaména, Bamako, Naïrobi, Niamey, il y a un manque criard de moyens logistiques et aussi une sorte de non-résillience, et de résignation, qui commencent à disparaître, mais que pendant longtemps, les djihadistes ont exploitée à fond la caisse.
La presse qui a veillé aux côtés des forces de l’ordre du Burkina aura constaté la pauvreté des moyens de riposte en la matière : kalachs qui s’enraillent, manque de casques, de gilets pare-balles et de lunettes infra-rouges... D’aucuns se sont remis à invoquer l’ex-RSP, arguant que ce corps d’élite aurait fait une bouchée de ces terroristes. CQFD : ce qu’il faut démontrer.
C’est le premier baptême de feu au propre pour le nouveau président du Faso, Roch Kaboré, qui, 2 semaines seulement après sa prestation de serment, devra gérer ce coup dur qu’on inflige au peuple burkinabè. Roch devra désormais avoir à l’esprit que ce n’est plus une hypothèse, mais une certitude : les djihadistes ont désormais leurs pénates au Faso. Et tout comme les Français et les Maliens, les Burkinabè ne doivent pas céder en ces temps sombres ni à la peur-panique, ni renoncer à cultiver les valeurs républicaines de tolérance, de justice et de vérité. Le président du Faso devra face à cette épreuve de début mandat, revêtir un genre de condottière en Faso Danfani pour faire face à ces terroristes qui n’ont pas renoncé à mettre les pays du Sahel sous leur contrôle par le sang. Roch trouvera les IBK, Issoufou, Déby, et Hollande en alliés. C’est la seule voie de sauvetage .
Joachim de KAIBO