Hier aux environs de 14h, avec l’arrestation de ce général, c’est véritablement peut-être la fin d’une époque, d’un cycle, celui de l’ère Compaoré. Blaise était parti, mais le système qu’il a secrété était bien là, parmi lequel cet héritage empoisonné qu’était ce fameux RSP.
Rappels de quelques faits de ce militaire dont peut-être, la réputation a été trop enjolivée par des hagiographes :
- L’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, dont son nom ressort à tous les coups ;
- L’assassinat du journaliste Norbert Zongo, par 6 éléments du RSP, le 13 décembre 1998 ;
- L’exécution du commandant Jean-Baptiste Lingani et du capitaine Henri Zongo, le 18 septembre 1989, c’était lors d’un supposé coup d’Etat dont son nom est d’ailleurs associé, mais comme toujours, il sort toujours gagnant.
Et bien d’autres dossiers sales qui jonchent l’interminable règne de son maître, Blaise Compaoré. Les 30 et 31 octobre 2014, le peuple burkinabè est sorti pour arrêter la dérive monarchique et patrimoniale qui se dessinait au Burkina. Nous l’avons écrit à l’époque, que c’était le vœu de certains pays du Sahel, que de voir les révolutions arabes traverser le Sahara pour venir déboulonner les potentats des tristes tropiques. Mais que l’insurrection qui a décoiffé Blaise n’était pas une révolution et même si elle en avait les apparences, elle demeure inachevée.
Avec le recul, on en est maintenant convaincu que ce régime déchu qui se gargarisait d’élections régulières, et de l’existence d’institutions démocratiques était au fond, un pouvoir militaire, car ce régime-là n’était pas adossé au peuple, mais bien au RSP. En faisant du journalisme-fiction, si par extraordinaire, lors d’une des présidentielles passées, Blaise venait à être battu par un challenger, il était fort probable que le RSP allait l’imposer par la force, comme il a tenté d’imposer ceux qui ont été frappés par la loi électorale.
C’est donc la fin des temps, celle du régime de Blaise, mais le début du «débriefing» de concierge- eurocrate du pouvoir Compaoré qu’était le général Gilbert Diendéré. Diendéré-le-taiseux doit devenir Diendéré-le-volubile, car on sait qu’il parle, comme lorsque, le 29 septembre dernier, cerné par l’armée régulière, il s’est abondamment répandu dans les médias. Dans tous les pays, lorsqu’un tel personnage tombe entre les mains des autorités, cette œuvre de restitution de toutes ces années à gérer les dossiers sensibles de la République est très attendue. C’est un exercice incontournable, auquel devra se soumettre cet efficace gardien du régime tombé. Rarement, il a parlé, et lorsqu’il s’exprime sur les faits et méfaits du régime, c’est par bribes. C’est donc une mine d’informations, des pépites, non seulement sur le Burkina, mais sur certains pays, tels le Libéria, la Sierra-Léone, la Côte d’Ivoire, qui seront utiles aux autorités de la transition voire à celles à venir. On peut compter en tout cas, sur nos OPJ de gendarmes pour ce travail de bénédictin, qui nécessitera tact et vigilance, pour que le général très futé ne leur livre pas l’écume des vagues.
Une opération d’autant plus urgente, quand on sait qu’avant de se rendre Diendéré a négocié des garanties sécuritaires pour lui et sa famille et déjà se susurrent plusieurs hypothèses quant à l’avenir de ce général-putschiste:
- Soit il est exfiltré vers un pays d’accueil pour attendre son procès. Pour le moment le Burkina n’est pas partant pour cette solution. Le Togo ou la Côte d’Ivoire seraient partants.
- Soit il est assigné dans une résidence surveillée, en attendant son jugement, une proposition qui pourrait être retenue, même si cette résidence peut se situer dans un camp tel, celui 11. 78, ou camp Aboubacar Sangoulé Lamizana. C’est dire que la cavale du général Gilbert Diendéré a pris fin hier 1er octobre, mais, l’équation reste non totalement résolue, car un éventuel procès du général Diendéré revient à un procès du régime Compaoré, mais aussi de la sous-région. Comme le faisait observer un connaisseur des réseaux africains, lors de la médiation conduite par Macky sall «Diendéré connait tous ces présidents de la sous-région et beaucoup lui sont redevable». Si on ajoute le fait qu’il était l’interlocuteur incontournable des Occidentaux et des Américains, en matière de lutte contre le terrorisme dans la sous-région, il est clair que le dossier “Golf” est aussi politiquement lourd pour reprendre les propos de la garde des sceaux Joséphine Ouédraogo, au sujet de l’affaire Thomas Sankara.
La Rédaction