Les dirigeants de la bande sahélo-saharienne africaine veulent protéger leur zone contre les changements climatiques. Réunis à huis-clos au Palais des congrès de Nouakchott en Mauritanie, le lundi 27 juillet 2015, dans le cadre du 3e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Agence panafricaine de la grande muraille verte (APGMV), ils ont pris des résolutions dans ce sens. Le communiqué final des travaux, livré par le ministre mauritanien en charge de l'Environnement, Amédie Camara, indique que les chefs d'Etat ont décidé de recruter un nouveau secrétaire exécutif pour l'APGMV, en remplacement de l'actuel. Ils ont également ordonné le maintien du niveau de contribution financière annuelle des Etats à 50 millions de francs CFA. Aussi ont-ils demandé au président mauritanien de continuer à assurer la présidence en exercice de l'APGMV pour un nouveau mandat de deux ans, et appelé, par solidarité, à la levée des sanctions, qui pèsent sur l'un des Etats membres, le Soudan. Ces résolutions ont été prises, en présence effective du président en exercice de l'APGMV, le Mauritanien, Mohammed Ould Abdel Aziz et de ses pairs burkinabè, Michel Kafando, sénégalais, Macky Sall, malien, Ibrahim Boubacar Kéita, soudanais Omar El-Béchir, et tchadien Idriss Deby. Les chefs d'Etat et de gouvernement des autres pays membres, notamment le Niger, le Djibouti, l'Erythrée, le Nigeria et l'Ethiopie, se sont faits représentés à divers niveaux. Les dirigeants présents dans la capitale mauritanienne ont, auparavant, planché sur des questions institutionnelles, juridiques et organisationnelles de l'APGMV et sa feuille de route 2015-2017. Ils ont constaté, à la suite des ministres de l'espace communautaire, la non certification des comptes de l'agence, l'inexistence de personnel chargé de la comptabilité et des finances, l'inopportunité de rehausser la cotisation annuelle des pays-membres, etc. Tout n'a pas été sombre. Les gouvernants ont noté des avancées significatives, telles que la mise en place de 6 agences nationales sur les 11 prévues, et l'entame de démarche pour l'accréditation de l'APGMV auprès de l'Union africaine et des Nations unies. Au passage, ils ont réaffirmé leur volonté de faire de la grande muraille verte, un projet salvateur pour le Sahara et le Sahel.
Lueur d'espoir
L'APGMV, revigorée par le soutien des dirigeants de son espace, va devoir poursuivre sa mission de reboisement et de préservation de la biodiversité dans la zone sahélo-saharienne (du Sénégal à Djibouti), entamée en 2010. De quoi stimuler les ardeurs du président en exercice de l'agence et de son secrétaire exécutif, le Pr Abdoulaye Dia. "Au terme de ce sommet, nous sommes désormais conscients que la grande muraille verte est une réponse appropriée à l'immense défi écologique auquel fait face le continent, et en particulier la zone sahélo-saharienne", a martelé le chef de l'Etat mauritanien. Mohammed Ould Abdel Aziz dit espérer surtout l'implication des populations à la réussite du projet. Pour sa part, le Pr Dia a dit sa satisfaction du chemin parcouru au cours du premier quinquennat (2011-2015), se réjouissant qu'un «puissant» mécanisme ait été bâti pour faire face aux défis climatiques. «La grande muraille verte est un défi pour les Africains, qui l'ont pensée et conçue. C'est une chance, un espoir, une réponse adéquate aux changements climatiques», a affirmé le secrétaire exécutif de l'APGMV. Déterminé à faire avancer la machine, il a plaidé pour un soutien financier plus conséquent des Etats membres à l'institution, et l'instauration d'une caravane des jeunes de l'espace de la grande muraille verte pour accentuer la sensibilisation des populations aux éventuelles retombées du projet.
A ce sommet où ils ont reçu des trophées de reconnaissance de l'APGMV, les chefs d'Etat et de gouvernement présents ont joint l'acte à la parole, en plantant des arbres dans l'enceinte du palais des congrès de Nouakchott.
Kader Patrick KARANTAO
Envoyé spécial à Nouakchott
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Un projet ambitieux, des défis énormes
La Grande muraille verte a été initiée, en juin 2005 à Ouagadougou, par les Etats sahélo-sahariens, dans le but d'affronter les effets socio-économiques et environnementaux néfastes de la dégradation des terres et de la désertification dans leur zone. La bande sahélo-saharienne, qui couvre 11 pays (Burkina Faso, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan et Tchad), fait face à des cycles successifs de sécheresse aux conséquences dévastatrices depuis plusieurs décennies. Notamment la dégradation des terres, l'insécurité alimentaire, l'exode massif des populations rurales et de multiples problèmes liés notamment à la sécurité. La Grande muraille verte s'est donc fixé pour objectif de reboiser une bande de terres arides de 7 600 kilomètres de longueur et de 15 kilomètres de largeur, traversant des zones habitées ou pas. Mais le projet a évolué, passant du stade de plantation d'arbres et de préservation des ressources naturelles à celui d'outil de planification visant à renforcer la résilience des populations face aux effets des changements climatiques, avec la création, en 2010, de l'Agence panafricaine de la Grande muraille verte. Cette structure est chargée de piloter l'initiative, qui regroupe les 11 Etats sahélo-sahariens cités plus haut. Toutefois, le projet de la Grande muraille verte fait l'objet de critiques, qui témoignent des obstacles à même de compromettre sa bonne mise en œuvre. Les septiques craignent une menace envers les communautés indigènes concernées par le projet et redoutent la difficulté de mise en œuvre dans des régions politiquement instables, comme le Mali et le Soudan. Qu'à cela ne tienne, les dirigeants porteurs de l'initiative de la Grande muraille verte croient en leur rêve de mettre le Sahara et le Sahel hors du péril climatique, et ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin.
- K.P.K
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Les idées «chocs» des partenaires
A la cérémonie d'ouverture du sommet, les partenaires, qui sont passés à la tribune, ont fait des propositions à même de rendre plus opérationnelle la Grande muraille verte. Le représentant de la Banque ouest-africaine de développement (BAD), Lamine Dongo, a, d'emblée, suggéré la clarification des relations entre l'APGMV, qui est basée à Nouakchott et l'Union africaine(UA). Aussi a-t-il préconisé une synergie d'actions avec les autres initiatives en cours en Afrique dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques. Le directeur exécutif adjoint du programme des Nations unies pour l'environnement, Ibrahima Tihiao, s'est également montré constructif dans le discours. Il a proposé trois axes prioritaires à prendre en compte pour faire de la Grande muraille un succès. Il s'agit de transformer la chaleur et les vents en énergies renouvelables, de développer l'agriculture en milieu aride, et d'adapter la petite et moyenne agriculture aux réalités de la zone sahélo-saharienne. Autant d'idées qui pourraient aider le rêve de la grande muraille verte à devenir une réalité.
- K.P.K