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Alternance ou alternative: l’après-Blaise Compaoré en équation
La marche-meeting du 23 août 2014 organisée par l'opposition politique burkinabè contre la tenue du référendum en vue de la modification de l'article 37 de la constitution qui limite à deux, le nombre de mandats présidentiel a été un véritable succès selon ses initiateurs. Ces derniers font état d'un nombre record de 100 mille participants et se satisfont de cette mobilisation qui a pour finalité de faire partir Blaise Compaoré du pouvoir après 2015 pour une alternance au sommet de l'Etat. Or dans cette situation, l'alternance n'est que le premier pas en ce sens qu'elle constitue un simple changement des équipes au pouvoir, contrairement à l'alternative qui, elle, a des racines plus profondes et ancrées dans le changement, touchant ainsi l'ensemble du système en place.
Mais au regard de l'évolution de la situation au Pays des Hommes intègres, il peut y avoir ce que Joseph Ki-Zerbo appelle l'alternance sans alternative, qualifiée par le Professeur Marius Luc Ibriga de petite alternance. Ce qui veut dire que ce sont les mêmes qui dirigent, ou quoi que les hommes changent, le système demeure.
On peut aussi avoir la grande alternance, celle qui est complète et qui est souhaitée des Burkinabè aujourd'hui, c'est-à-dire un changement total de pôle de pouvoir. Or ce que craint bon nombre de personne et qui constitue la préoccupation de l'après-Blaise Compaoré, c'est ce fort risque d'avoir une petite alternance parce qu'il y a des gens ont aidé le président à construire son système et peut-être vont lui succéder pour gouverner. Donc il faut que les acteurs de la lutte pour l'alternance insistent sur l'alternative. Du reste, c'est un problème qui mérite d'être posé.
Mais selon certains observateurs, la question de l'alternative, si elle est posée aujourd'hui, elle va diviser les forces qui combattent pour l'alternance. Pour eux, il est clair qu'elle va être d'actualité quand Blaise Compaoré ne pourra pas être candidat. Mais cette partie du jeu n'est visiblement pas la préoccupation actuelle des marcheurs qui se composent de plusieurs sensibilités politiques et de diverses composantes de la société civile d'où l'idée de l'ensemble des acteurs partenaires dans la lutte de se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire le changement. Ils sont convaincus que si l'alternance tant souhaitée par les Burkinabè s'acquiert en fin de compte, ils auront travaillé pour toute l'Afrique car cela servirait d'exemple pour tous ces dirigeants piqués par le virus du tripatouillage des constitutions pour s'éterniser au pouvoir. Les présidents qui attendent de réviser les constitutions de leurs pays respectifs se verront opposer une résistance de leurs peuples qui emboiteront le pas aux Burkinabè pour empêcher ces révisions et c'est, en ce moment, un pas en avant pour la démocratie sur le continent africain.
Par la suite, il y a plusieurs alternatives qui se posent et libre choix au peuple de choisir celle qui lui convient et celui à qui il veut confier sa destinée. Mais cette question ne peut pas être débattue par les organisations de la société civile. Celles-ci peuvent avoir des repères, des principes et des valeurs à base desquels elles vont analyser les alternatives et les programmes proposés par les partis politiques. Elles n'ont pas pour objectif de proposer des alternatives pour la gestion de l'Etat, sinon elles sont appelées à se transformer en partis politiques. Chacun des partis politiques va sortir son programme de société censé déboucher sur l'alternative tant souhaitée. Aujourd'hui, si ces programmes sont mis au-devant des choses, cela va créer la zizanie et le front va se briser.
Les Echos du Faso