Affrontements à Karangasso-Vigué : Seydou Sana, candidat du MPP explique

| 25.06.2016
Réagir
Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
© DR / Autre Presse
Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
Suite aux évènements malheureux qui se sont produits à Karangasso Vigué, commune rurale à une soixantaine de kilomètres de Bobo, à l’occasion de l’élection du maire de la localité, nous avons rencontré Sana Seydou, candidat du MPP. Il a été blessé à la tête lors des manifestations. Voici son témoignage.


Comment va votre santé après tous ces événements ?

Je me porte bien, après tout. Quand bien même on a dit dans la presse que je suis entre la vie et la mort. Pour l’instant, je suis vivant. Après des soins que j’ai reçus au centre médical La Grâce, je suis chez mon fils qui fait l’université en attendant le rendez-vous qu’on m’a donné pour ....

Comment de quoi souffrez-vous au juste ?

Vous voulez savoir ? Est-ce qu’on a besoin de faire un diagnostic ? C’est quelque chose qui est palpable. (ndlr : il se lève, soulève le Tee-Shirt qu’il porte et montre une blessure recouverte de sparadrap sur son dos). Est-ce qu’on a besoin de savoir de quoi je souffre ? Regardez aussi ma tête, c’est un caillou qu’on m’a lancé. Celui qui me l’a lancé, je le connais, mais je préfère qu’il réponde devant la loi.

Mais au juste, pouvez-vous nous expliquer comment tout cela est arrivé ?

Vous savez que nous sommes en période d’élection des maires. Le préfet nous a appelés pour nous dire que l’élection des maires devait se tenir le 21 juin à Karangasso-Vigué. Il nous a remis des convocations pour les conseillers de notre parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Ouattara Zoumouna et Ouattara Mory se sont organisés pour transmettre les convocations à tous les conseillers. La veille, tous les conseillers du parti se sont retrouvés chez moi et ensemble nous avons passé la nuit. Et le matin, nous sommes allés ensemble à la Maison de la femme où devaient se tenir les élections. Avant d’y arriver, aux environs aux 8 h 30, j’ai appelé le préfet pour lui dire mon inquiétude parce que je n’ai pas vu la sécurité passer. Il m’a dit qu’on peut venir que toutes les dispositions sont prises. C’est à pieds que nous y sommes rendus puisque de chez moi à la maison de la femme il y a environ 600 à 700 mètres. Dès que nous sommes arrivés, quelques minutes après, nous avons entendu des cris et des sifflets.

A votre arrivée, est-ce que les conseillers des autres partis étaient déjà présents sur les lieux ?

Non, nous étions les premiers à arriver au lieu du vote. C’est par la suite que les conseillers de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) sont arrivés. Les trois conseillers de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) étaient avec nous.

Pendant qu’ils criaient, les manifestants scandaient en langue dioula que « aujourd’hui c’est aujourd’hui, aujourd’hui, ça suffit ». C’est après cela que le commandant de la gendarmerie est arrivé. Et après lui, deux éléments sont arrivés. Avec la préfet, le commandant de la brigade a demandé aux manifestants de reculer à au moins 100 mètres. Ils ont juste reculé au moins deux mètres.

Etiez-vous au courant que quelque chose se tramait dans l’ombre ?

A part la marche qui a été organisée autour du 6 juin pour dire que le vote n’aura pas lieu à Karangasso-Vigué, je ne peux pas dire que quelque chose se préparait. Compte tenu de tout cela, j’ai appelé à plusieurs reprises le député Léonce Sanou pour lui dire de voir pour qu’on renforce la sécurité le jour du vote. C’est le jour du vote que je me suis rendu compte qu’il n’y avait que trois agents de sécurité.

Voulez-vous dire qu’il n’y a pas eu assez de sécurité ?

Je pense qu’il y a eu une négligence. Parce que le premier responsable de la commune, c’est le Préfet en tant que président de la délégation spéciale. Moi, je pensais qu’il allait prendre toutes ses responsabilités pour assurer ça. Mais non. Quand ils sont venus, ils nous ont dit qu’il est 9 heures et que dans la salle, il n’y a personne. C’est le Préfet qui a dit ça. Après, on est rentré et il a fait tout ce qui devait être fait. Il a fait les appels, préparé la liste de présence et chacun s’est présenté avec sa pièce d’identité. Il a mis en place le bureau qui devait assurer les votes. Après tout cela, il a dit à ce bureau de faire voter les gens et que lui il se retire pour revenir après. C’est quand il a mis les pieds dehors que la foule-là s’est déclenchée pour venir. Ils ont gâté tout dans la salle. Chacun se cherchait. C’est quand je suis sorti que quelqu’un a pris un caillou pour me lapider et j’ai voulu éviter, mais je n’ai pas pu. C’est là que le caillou m’a atteint ici et j’ai coulé du sang avant de m’évanouir carrément. C’est à Soumousso que je me suis rendu compte que j’étais de l’autre côté. J’ai demandé à comprendre ce qui se passe et on m’a dit que j’ai été blessé sur les lieux de vote.

Je pense que ces genres de choses ne font pas avancer notre pays. Si on pense que la mairie c’est pour un chef de village ou un chef de canton ou encore pour une ethnie, on ne devait pas parler de vote. C’est mon avis. L’Etat doit prendre ses responsabilités pour voir ce côté.

Au niveau de votre parti, vous comptez combien de conseillers ?

Nous avons 32 conseillers, 20 pour NAFA et 03 pour UNIR/PS.

Y a-t-il eu combien de morts selon vous ?

Il y a eu deux morts. Ils sont tous de Diosso à 15 kilomètres de Karangasso Vigué. Ils n’étaient pas des conseillers municipaux tous les deux.

Certains disent que les assaillants sont venus des sites d’orpaillage ?

Non ! Je ne suis pas au courant de ça, je ne peux pas témoigner.

Etes-vous déçu ?

Voulez-vous que je pleure ou quoi ? Sinon plus déçu que moi, je ne le trouve.

Demain retournerez-vous à Karangasso Vigué ?

Pourquoi pas ? Toute ma famille se trouve là-bas. Depuis 29 ans je suis installé à Karangasso Vigué. Si on me libère demain que je suis guéri, je pars chez moi à Karangasso Vigué.

Qu’avez-vous à dire aux autorités, notamment à votre parti politique ?

Ce que je peux dire, sait que ce n’est pas un problème de mon parti politique. C’est plutôt un problème de l’administration, car c’est elle qui devait envoyer la sécurité pour nous sécuriser. Ça n’a pas été fait.

Aux populations de Karangasso Vigué qui se cherchent aujourd’hui, quel est votre message ?

Le message que je vais lancer est que : que ça soit les émigrés, que ça soit les autochtones, chacun n’a qu’à rester calme. Ce problème n’avance Karangasso Vigué nulle part. Aux autorités, je dirai de tout faire pour que tous ceux qui sont impliqués d’une manière ou d’une dans cette affaire, répondent de leurs actes.

Vous soupçonnez quelqu’un ou connaissez quelqu’un qui peut être à la base de cette affaire ?

Je ne peux pas donner le nom de quelqu’un ici, mais qui a fait sortir la population pour manifester ? C’est qui ?

Avez-vous identifié des gens parmi les manifestants ?

Oui ! Je connais beaucoup qui étaient sur le terrain. Beaucoup ne viennent même pas de Karangasso Vigué. Ils venaient de Siano, de Diosso, de Kouérédougou, etc. Qui les a appelés ? Je pense qu’ils ont un responsable. Je ne suis pas policier ni gendarme, mais selon les enquêtes, ils seront tous découverts.

Interview réalisée par
Mountamou KANI

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité