L'idée d'une nouvelle constitution ne date pas de l'après-insurrection. Avant l'insurrection Hermann Yaméogo, président de l'UNDD, jamais à court d'arguments et de propositions, avait avancé une constituante, pour résoudre la boueuse question de l'article 37 dans laquelle barbotaient pro et anti-modificateurs.
A vrai dire, si l'idée revient, c'est qu'au-delà de cet article querellé, qui a fini par emporter le pouvoir de Blaise Compaoré, de nombreux Burkinabè en conviennent, la Constitution a été l'élément déclencheur de cette révolution inachevée. Nouvelle constitution, donc, une bouteille jetée à la mer, et l'opinion burkinabè est divisée, tant au niveau des partis politiques que de la société civile.
D'abord, les pour : Blaise parti, il faut aussi laisser tomber «sa» constitution, il est vrai, qui a presqu'un quart de siècle d'existence. Pour eux, il y a le côté poussiéreux de la loi fondamentale de juin 91, mais il y a le fait que c'est une constitution qui «exclut» le citoyen de la chose publique.
Sur plus d'une trentaine d'articles, arguent ces derniers, le citoyen est «absent», tout juste comme le fait remarquer un constitutionnaliste, «on réveille les citoyens de temps en temps, pour aller voter, et après, on leur redit d'aller dormir». Impossible pour ces citoyens de quitter ce sommeil dogmatique, puisqu'ils n'ont pas voix au chapitre. Par exemple, ils ne peuvent saisir le Conseil constitutionnel, pour X ou Y raison.
Ensuite, cette constitution dont l'avant-projet date du 15 novembre 1990 et portant des griffes du juriste français, Edmond Jouve, et d'éminents juristes burkinabè entre autres, a instauré un tel pouvoir présidentialiste que «constitutionnellement le président est irresponsable» pour reprendre les propos de Luc Marius Ibriga, le président de l'ASCE. Ce déséquilibre institutionnel qui fait que l'exécutif écrase le législatif et le judiciaire, pour ne pas dire plus. Il faut donc ramener une sorte de Cheiks and balance, à l'image des USA où existe cette jauge entre le gouvernement fédéral et les 50 Etats.
Enfin, les pour estiment que la transition est une période propice pour se doter d'une nouvelle constitution, car la relative neutralité fait qu'il n'y aura pas de constitution taillée sur mesure pour servir les intérêts des vainqueurs politiques.
Les anti-5e République ne manquent pas aussi d'argumentaires : d'abord, une nouvelle constitution, pourquoi faire ? Pour eux, s'il y a des articles à toiletter dans l'actuelle, autant le faire, que de vouloir en fabriquer une autre, à la hussarde !
Et justement, le temps imparti pour rédiger ce texte, et le faire adopter par référendum, est un des arguments-massues que brandissent ceux qui ne veulent pas de cette nouvelle loi fondamentale.
Combien de temps faut-il pour la rédiger ? 1 mois ? 2 mois ? Comment procéder à la rédaction, sans empiéter sur le calendrier électoral ? On évoque le cas nigérien où 45 jours auront suffi à doter ce pays d'une nouvelle constitution, après le renversement de Mamadou Tandja, mais pour le Burkina, l'évidence reste à prouver. Quant au triplage des élections (présidentielle-législatives-municipales), la CENI est-elle apte à le réaliser ?
On l'aura constaté, l'avènement d'une 5e République ne fait pas l'unanimité. Tant sur la forme que, surtout, sur le contenu.
Cependant, si elle devait advenir, et au regard des institutions française et américaine qui inspirent encore aujourd'hui, nombre de pays africains, il faut convenir avec Solon, qu'il n'y a pas de bonne constitution, intrinsèquement parlant. Il faut tenir compte et du peuple et de la période, selon ce vieux sage grec. Une constitution rédigée actuellement, ne peut que se réferer à l'insurrection de fin octobre 2014 et devra intégrer les vœux de ses milliers de jeunes et femmes qui ont impulsé un nouveau paradigme politique au Faso.
Il reste à se mettre d'accord sur certains préalables. Encore faut-il que tous les partis politiques le veuillent et que, réellement, on ne fasse pas déraper le timing électoral. Une constitution pour une 5e République ? C'est possible, mais...