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Durant de nombreuses années, la démocratie Burkinabè a évolué dans une espèce d' «enfermement » avec un parti ultra dominant dénommé CDP. Cette démission permettra de rompre avec une vie politique atone et monotone d'autant plus que les démissionnaires du CDP annoncent clairement leur intention de créer leur parti et de militer dans l'opposition.
Au regard de leur poids, on assistera à un rééquilibrage du jeu politique avec une opposition beaucoup plus conséquente. L'UPC de Zéphirin DIABRE avait déjà réussi le pari de se positionner comme un parti d'opposition d'envergure en réussissant à avoir 19 députés pour sa première participation à une élection. Le nouveau parti de Roch et de ses camarades démissionnaires serait un véritable coup de semonce pour le CDP dont on peut légitimement s'interroger sur l'avenir en tant qu'entité politique au cas où Blaise COMPAORE serait forclos pour la présidentielle de 2015.
Blaise COMPAORE peut-il rebondir ?
Avec le remodelage qui est entrain de prendre forme, la présidentielle de 2015 pourrait être ouverte et âprement disputée. Sans Blaise COMPAORE, aucune formation politique, y compris l'actuel CDP, ne devrait pouvoir l'emporter au premier tour sans fraude massive. Il y'aura donc nécessairement des alliances. Même si Blaise COMPAORE est candidat en 2015, les nouvelles forces politiques le mettraient en ballotage et un second tour pourrait être lui être périlleux si l'opposition décidait de faire chorus autour d'un candidat. Un scénario à la Macky SALL n'est pas exclu.
C'est donc dire que le nouveau parti qui sera créé, le CDP, l'UPC, l'ADF RDA pour ne citer que ceux-ci, devraient jouer un rôle décisif dans les jours à venir. Le positionnement de l'UNDD, du RDBF, de l'Autre Burkina et de tous les partis satellites qui gravitent autour du CDP sera de plus en plus problématique et intenable au moment où la grande majorité du peuple burkinabè aspire au changement.
Un risque de coup d'Etat
Le CDP et Blaise COMPAORE seront nécessairement en mauvaise posture à l'Assemblée Nationale avec la démission des députés CDP. Faut-il alors un remaniement avec la nomination de Gilbert OUEDRAOGO, président de l'ADF RDA comme Premier Ministre? Une dissolution de l'Assemblée Nationale ?
Un remaniement ministériel avec l'ADF RDA aux commandes du gouvernail ne serait que conjoncturel dans la mesure où le parti a toujours clamé son opposition à la modification de l'article 37 même s'il est partant pour la mise en place du sénat sous certaines conditions.
En l'état actuel des choses, Blaise COMPAORE ne peut compter sur l'ADF-RDA pour obtenir la majorité qualifiée à l'Assemblée Nationale pour le déverrouillage de l'article 37. A moins que le parti de l'éléphant ne décide de se faire hara-kiri en naviguant dans l'inconstance, cette possibilité semble écartée.
Restent la dissolution de l'Assemblée Nationale et l'organisation d'un référendum. Avec la situation actuelle, ces solutions font planer un sérieux risque de coup d'Etat. Blaise COMPAORE semble donc fragilisé.
Le net sentiment qui se dégage, c'est qu'il a été pris de cours par les évènements. Ses anciens lieutenants, sentant certainement le vent du changement, ont décidé de larguer les amarres et de tenter de se réconcilier rapidement avec le peuple après avoir défendu naguère les positions qu'ils condamnent avec la dernière énergie aujourd'hui.
A moins d'adouber l'un des démissionnaires, Blaise COMPAORE ne semble pas avoir un dauphin désigné. Même s'il en désignait un maintenant, celui-ci aurait du mal à s'imposer dans ce nouvel environnement en totale recomposition et avec un CDP qui est entrain de se lézarder et de se dynamiter de l'intérieur.
Sur qui peut-il se replier ? La chefferie traditionnelle ? Les religieux ? Là également, la pilule du sénat et de la modification de l'article 37 passe difficilement.
La contestation populaire ira crescendo. Le tempo sera déjà donné le 18 janvier avec cet appel à manifestation lancé par l'opposition.
Au plan international enfin, la position de Blaise COMPORE, Médiateur sous régional, sera de plus en plus difficile à tenir puisqu'il est au pouvoir depuis 28 ans et qu'il essuie des défections dans ses propres rangs. Il n'est pas exclu que la France et les Etats-Unis l'appellent bientôt à « passer la main » comme ils l'ont fait avec Wade en 2012 au Sénégal.
La présidentielle de 2015 se joue dès maintenant. Pour Blaise COMPORE ça semble être la quadrature du cercle même s'il a habitué les Burkinabè à avoir plus d'un tour dans son sac.
Arsène Flavien BATIONO
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