Situation nationale : « Comment l’ADF/RDA devrait se comporter »

| 04.02.2014
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Situation nationale : « Comment l’ADF/RDA devrait se comporter »
© DR / Autre Presse
Situation nationale : « Comment l’ADF/RDA devrait se comporter »
Le débat sur l'avenir et le devenir du Burkina Faso cristallise les passions. Il ressort que chacun, du petit tablier, assis à l'angle mort du rond-point du quartier au haut fonctionnaire, y va de son commentaire. Pendant ce temps, les leaders politiques rivalisent d'imaginations avec une volubilité en vue de se positionner à l'avant-garde du combat pour le triomphe de leur cause.

Alors que des partis politiques, qui dans un passé récent, étaient restés indécis et indifférents, s'alignent soit derrière le Chef de file de l'opposition politique(CFOP), soit le parti au pouvoir, avec le front républicain, un ancien parti comme l'Alliance pour la fédération et la démocratie/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) entretient le suspense, dans un discours pluriel et équivoque. Le 30 janvier 2014, le président du parti Gilbert Noël Ouédraogo, en tournée à Ouahigouya, avançait que son parti est contre la modification de l'article 37 et l'institution du Sénat. Pendant ce temps, son lieutenant et porte-parole, Zakaria Tiemtoré a annoncé sur le site de Jeune Afrique « Nous allons prendre très bientôt des positions décisives. Comment comprendre et pardonner une telle inconstance au sommet d'une machine politique, aussi vieille que le crocodile de mer, qui a présidé à l'éclosion et à la naissance de la Haute Volta, aujourd'hui Burkina Faso ? Comment comprendre qu'à l'heure où tous les partis politiques prennent clairement position sur la situation nationale, l'ADF-RDA continue d'entretenir le flou total, en affirmant qu'il est de la majorité, qu'il soutient le président Blaise Compaoré, en même temps, qu'il se dresse contre la convocation d'un referendum populaire, l'un des vœux de Blaise Compaoré. A quel jeu se livre vraiment Maître Gilbert Noël Ouédraogo ? On ne leur tiendra pas entièrement rigueur, vu que le pays traverse une zone de turbulence qui jette le commun des mortels sous le coup d'une grande perplexité. Toutefois, sans vouloir me prévaloir d'un quelconque titre, avec une dose de mesure, je voudrais, de ma modeste posture, attirer l'attention des dirigeants du parti de l'éléphant sur un certain nombre de facteurs.

Solidarité et fidélité à l'africaine

La sagesse africaine enseigne que la solidarité et la fidélité sont des valeurs les mieux partagées. On ne fuit pas son frère parce qu'il souffre de gale, on ne fuit pas son ami parce qu'il souffre de pian. C'est en ces moments de peine et de détresse que la sollicitude des âmes épris de justice et de bon sens est plus que jamais manifeste. Celui ou celle qui se méprendra de ces valeurs court à sa propre perte.

Cela dit, je voudrais demander à Maître Gilbert Noël Ouédraogo de ne pas se renier et tourner subitement la veste, après avoir accompagné il y a environ 10 ans, le programme présidentiel de Blaise Compaoré. Me Ouédraogo aimait lui-même répéter qu'il accompagnait le candidat Compaoré et non le parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). N'est-ce pas d'ailleurs ce même Gilbert Noël Ouédraogo qui a participé à son gouvernement, au Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) et soutenu la mise en place après l'apport de correctifs. Personne ne comprendra, pas même ceux-là qu'il veut se résoudre à suivre. S'il n'est pas traité avec suspicion, il le sera davantage avec mépris et dédain, pour avoir douté et redouté, fléchi et réfléchi avant de rallier la dynamique qui prône le changement pour le changement à la 25e heure.

Risque pour Gilbert

Voudrais-je alors demander à Maitre Gilbert Noël Ouédraogo de ne pas se confondre et morfondre en dansant au rythme d'une musique qu'il n'a pas composée. Il s'apparenterait à cette catégorie de matelot impotent qui lève les voiles de leur embarcation et attende que le vent l'emporte là où il veut. A ce jeu, il risque de s'en tirer avec le menu fretin. On ne lui donnera aucun ministère régalien gras et pulpeux avec lequel il pourra entretenir ses courtisans qui avaient déjà commencé à s'évanouir dans la nature comme peau de chagrin, depuis qu'il a quitté le gouvernement.

Il me plaît de faire savoir à Maître, qui n'est peut-être pas sans savoir, qu'une information précédemment murmurée sous cape dans un certain milieu est largement partagée par tous les cercles d'initiés. Les partisans du changement, sous la conduite abusée du triumvirat, Kaboré, Diallo et Compaoré, auraient esquissé leur gouvernement qu'il mettrait en place s'ils parvenaient à s'emparer du pouvoir. Inutile de dire que les postes les plus importants ont été dévolus à des leaders politiques. Rock Marc Christian Kaboré, Président de la République, Zéphirin Diabré, Premier ministre, Salif Diallo, Président de l'Assemblée nationale. Le seul et unique leader de grand calibre qui a été oublié dans ce partage est le patron de l'ADF/RDA. Or, sa formation politique est jusqu'à preuve du contraire la deuxième force politique du Burkina Faso. Il n'y a qu'à regarder les scores réalisés aux législatives et municipales de décembre 2012 pour s'en convaincre.

La grande dynamique mémorielle commande que le parti cinquantenaire, témoin majeur qui a survécu à l'histoire mouvementé de notre pays, soit conséquent avec lui-même. L'ADF/RDA ne doit pas se laisser languir ni attendrir par des alliances naïves, subjectives, idéalistes, sans objectifs. La logique de la rigueur veut qu'il œuvre au renforcement de ses acquis, plutôt que de tout recommencer avec des forces hétéroclites, aux intérêts antagonistes diamétralement opposés.

Le cas de Maurice Yaméogo en 1958

L'histoire du Burkina Faso nous enseigne suffisamment. En janvier 1958, alors que le président du conseil de gouvernement, Daniel Ouezzin Coulibaly du l'Union démocratique voltaïque-Rassemblement démocratique africain (UDV-RDA) connaissait une mauvaise passe, comparable à celle que traverse Blaise Compaoré en ce moment, c'est le ministre de l'Agriculture sortant, Maurice Yaméogo du Mouvement démocratique voltaïque (MDV) qui l'a sauvé de la motion de censure. Par la suite, il a été bombardé ministre de l'Intérieur, ce qui faisait de lui, le n° 2 du gouvernement. La suite, on la connait, il est devenu premier Président de la Haute Volta. Il serait convenant que l'ADF tire des enseignements de l'histoire. Il a le choix ; soit qu'il suit les opportunistes scélérates, soit qu'il fasse ce qu'il a toujours fait, en demeurant aux côtés du président Compaoré, qui lui taillera cette fois un costard de choix au cœur de l'appareil d'Etat. La conjoncture lui est totalement favorable.

Serges Alain Kaboré , Enseignant-chercheur

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