Réflexion sur l’éventualité d’une faille dans la loi n°005-2015/CNT du 07 avril 2015 rendant difficile l’exclusion des pros modification avortée

| 26.06.2015
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Réflexion sur l’éventualité d’une faille dans la loi n°005-2015/CNT du 07 avril 2015 rendant difficile l’exclusion des pros modification avortée
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Réflexion sur l’éventualité d’une faille dans la loi n°005-2015/CNT du 07 avril 2015 rendant difficile l’exclusion des pros modification avortée
Depuis la modification du code électoral jugé vecteur d'exclusion à l'égard des pros modification avorté d'octobre 2014, des voix se lèvent d'ici et d'ailleurs pour demander tantôt son annulation tantôt son application intégrale sans exclusive. Ceux qui avancent ces propos estiment que cette loi comporte une insuffisance car n'ayant pas prévu la sanction de la tentative avortée. Pour cette raison, la loi ne viserait que ceux qui ont soutenu l'amendement de la constitution du 27 janvier 1997 qui avait réussi à sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats du président du Faso, les rendant passibles d'inéligibilité aux prochaines échéances électorales.


Pour enfoncer le clou, certains vont jusqu'à affirmer que le soutien à la tentative d'octobre 2014, qui a été mise en échec par une insurrection populaire, n'est pas punissable, mais que seul le soutien à l'acte de modification réussie, soit celle de janvier 1997, devrait l'être incontestablement. A ce titre, d'autres n'hésitent pas à citer nommément les leaders des partis de l'ex-CFOP, notamment ceux du MPP que sont Roch Marc Christian KABORE, Salif DIALLO et Simon COMPAORE.

Ils concluent que si la loi d'avril 2015 incriminée échappait à l'annulation de la CEDEAO, ce sont plutôt les personnes qui avaient soutenu l'amendement de la constitution du 27 janvier 1997 qui seraient frappées d'inéligibilité.

Pour notre part, nous pensons que cette modification du 27 janvier 1997 a été suivie de faits non moins juridiques qui, tout en faisant mieux que d'apporter des allègements aux personnes dites acteurs d'une tentation réussie de modification constitutionnelle, annulent le doute sur l'éventualité de leur éligibilité:

  • La modification constitutionnelle du 27 janvier 1997 a été suivie en 2000, soit trois (03) ans plus tard, par une modification corrective consensuelle de la précédente, qui venait rétablir le principe de limitation des mandats. En effet, suite à la modification du 11 avril 2000, la loi disposait que «le président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois». Cette nouvelle constitution votée, avec la pleine caution de certains leaders du CFOP alors au CDP, est passée sous jugement du Conseil constitutionnel qui avait tranché sur la conformité de la nouvelle loi, avant qu'elle ne soit promulguée, pour revêtir la qualité de l'autorité de la chose jugée. Le Conseil a effectué un contrôle de la nouvelle loi avant de lui conférer son brevet de constitutionnalité» dont toute personne peut s'en prévaloir et qui, en plus, est opposable à toute personne. La nouvelle loi ainsi promulguée abroge toutes dispositions antérieures contraires et ne dispose que pour l'avenir.
  • Tous ceux qui ont donné cette nouvelle dimension à la Constitution du 11 avril 2000 ont par un acte consensuel contribué à redonner à notre constitution son lustre juridique d'antan. Les leaders de l'opposition y compris ceux du MPP alors sous la bannière du CDP qui ont cru bon dès lors de donner leur caution pour la relecture de cette loi réclamée par la majorité des Burkinabè, ont permis au Conseil constitutionnel de lui octroyer le brevet de constitutionnalité qui lui confère du même coup l'autorité de la chose jugée.
  • Mieux, ces leaders ont défendu la même clause limitative du mandat présidentiel de la Constitution d'avril 2000, qui leur a coûté leurs écartements individuel et progressif des instances du parti au pouvoir jusqu'à la chute du régime en octobre 2014.

Avant d'admettre si la modification constitutionnelle d'octobre 2014 était oui ou non une tentative infructueuse, il y a lieu d'analyser sa survenue à la lumière du Code pénal.
Une tentative infructueuse peut avoir pour cause le renoncement volontaire de son auteur présumé, suite à une introspection qui le conduit au repentir, à la suspension ou à l'annulation de l'acte criminel sans dommages. Dans ce cas d'espèce, il n'y a pas d'infraction, on parle de tentative infructueuse.

Elle peut aussi résulter d'une interruption forcée indépendante de la volonté de l'auteur qui est contraint de subir l'acte d'interruption de la part d'une tierce personne avec ou sans dommages. Dans ce cas précis, l'infraction peut être considérée comme consommée, si bien qu'au cours du procès, elle pourrait entraîner des circonstances aggravantes pour son auteur et ses complices.

Les évènements d'octobre 2014 ont réuni les conditions suivantes:

  • Il y a eu préméditation qui s'est traduit par la préparation du projet de texte de loi.
  • Il y a eu intention manifeste de la commission de l'acte et le commencement d'exécution car le projet de loi a été approuvé en Conseil extraordinaire des ministres du 21 octobre 2014.
  • La date fixée pour le vote de la loi, les élus du peuple ont été simplement séquestrés dans un hôtel luxueux de la place, pour leur permettre de voter loin des tractations et pressions diverses afin de minimiser les hésitations et renoncements.
  • Là, l'infraction de modification constitutionnelle est «qualifiée».
  • Les députés avaient réussi à prendre place à l'hémicycle, prêts à réaliser la modification effective lorsque les Burkinabè mobilisés comme un seul homme ont fait irruption à l'Assemblée nationale, interrompant de force l'opération du vote de la loi. Le retrait du projet de loi n'est intervenu qu'après des pertes en vie humaine et des dégâts matériels importants.

On peut alors conclure que la modification constitutionnelle d'octobre 2014 n'était pas une tentative infructueuse car elle a été interrompue contre le gré de ses auteurs qui sont les membres du dernier gouvernement de la 4e république, les députés de la dernière législature, les partisans du Front républicain et les autres activistes acharnés de la modification de notre Constitution.
A la question de savoir qui peut être frappé d'inéligibilité aux échéances à venir, nous pouvons répondre sans hésiter que le soutien à la tentative de modification jusqu'à l'interruption involontaire, indépendante de la volonté des auteurs, est punie de la même peine que si l'infraction avait matériellement été consommée. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel dispose suffisamment de preuves pour invalider la candidature de tous ceux qui se sont tristement illustrés dans le soutien actif au projet de modification constitutionnelle d'octobre 2014.

Quant aux leaders de l'ex-CFOP dont ceux du MPP, s'ils étaient en fonction lors du vote de la loi qui a consacré le déverrouillage de la limitation des mandats en 1997, force est de reconnaître que c'est leur contribution qui a remarquablement contribué en 2000, au rétablissement de la limitation des mandats ouvrant la voie à l'alternance. La Constitution jadis modifiée le 27 janvier 1997 et abrogée en 2000 n'a plus d'effets rétroactifs ni pour les citoyens Lambda ni pour les acteurs de sa modification.

Le conflit qui a ébranlé le Burkina les 30 et 31 octobre 2014 ne portait pas sur la défense de cette Constitution de 1997 qui, du reste, était déjà abrogée, mais sur la dernière du 11 avril 2000, dont la modification entraînait une prolongation injustifiée au chef de l'Etat qui avait déjà passé 27 ans sans partage au pouvoir et qui pouvait se faire réélire au détriment des autres candidats potentiels. Notons que les Burkinabè avaient gardé les souvenirs des crimes économiques et de sang, la gestion clanique du pays, et l'absence de justice sociale qui avaient été combattus par des protestations et des revendications socio-économiques jusqu'à leurs aboutissements aux crises qui avaient profondément fragilisé l'économie et la cohésion sociale en 2008 et 2011. Tout cela avait fini par convaincre la majorité des Burkinabè que cette énième modification ne devrait plus passer.

Certains propos de presse des leaders du MPP alors au CDP en réaction aux dérives du régime notamment les velléités de révision de la Constitution dénonçaient dès lors la «patrimonialisation» du pouvoir. Pourtant, certains de leurs camarades se sont entêtés et ont maintenu ouvertement leur soutien à cette forfaiture jusqu'à l'insurrection des 30 et 31 octobre 2014.

Dans une telle situation, ces leaders ne pourraient être jugés de la même manière, chacun devant être traité selon ses mérites. Et pour paraphraser Jean-Baptiste PLACCA sur RFI en avril 2015: «C'est une disposition contre la lâcheté, contre la couardise. Elle devrait inciter au courage en politique. Car le véritable problème, ici, est celui de la difficulté d'une grande partie de l'élite politique africaine à assumer ses erreurs. Elle ne sait pas démissionner quand elle a failli; elle n'a pas la décence de se retirer lorsqu'elle a échoué. Dans le cas spécifique du Burkina, ceux qui ont soutenu, activement ou même par leur silence, le projet de révision constitutionnelle rejeté par la population devraient avoir au moins la décence de se faire un peu discrets».

K. Z. SANON
Consultant en management

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