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Lettre diagnostique à l’intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/Zida : le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (2/2)

| 21.07.2015
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Lettre diagnostique à l’intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/Zida : le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (2/2)
© DR / Autre Presse
Lettre diagnostique à l’intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/Zida : le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (2/2)
(...) Qu'est-ce qui peut bien expliquer le mauvais classement du Burkina Faso, suivant les indices du développement, derrière plus d'une centaine de pays? Loin du manque et de la faiblesse de certaines ressources naturelles, il y a peut-être le facteur humain de faible solidarité et de cumul des acquis institutionnels et également de l'autodestruction des citoyens dans leurs projets divers ...


IV. Mise au point préliminaire : le Président Kafando pouvait bien démettre le Premier Ministre, possibilité que laissait entendre son discours du 16 juillet

Dans les attributions conférées par la Charte et la Constitution aux Président de la Transition, contrairement à une désinformation tendant à affaiblir les compétences du Président, Michel Kafando a les pleins pouvoirs de démettre le Premier Ministre. Ce n'est donc pas un hasard, si les forces armées/ RSP – disposant de la Charte, se sont remises à la décision du Président. Il est donc très important que les textes que nous adoptons, soient respectés, même si cela va contre un intérêt particulier du moment. C'est une condition de fiabilité en tant que partenaire dans une convention.

Cependant, politiquement, en dépit de cette clause, des démarches politiques étaient autorisées auprès du Président pour éviter une telle décision. Cette référence de l'armée/RSP au Président du Faso pour trancher en dernier ressort, illustre dans une certaine limite, une attitude républicaine. Par contre, il faut regretter qu'au niveau de la classe civile, certains n'autorisassent péremptoirement, aucune autre alternative au Président de la Transition, oubliant que si cette institution s'affaiblit ou s'écoule avec son titulaire, socle et garant de l'assise de l'Etat, toute la Transition serait compromise voire, sacrifiée !

V. Les partis politiques

Les partis de l'ex-CFOP sont les détenteurs dominants du pouvoir actuel. Dans ce groupe, il y a de « grands » et de « petits » partis politiques. Leur distinction se fait de par la stature de leurs leaders, l'assise politique ou la couverture de ces partis à travers les différentes localités du territoire national, leurs capacités de mobilisation de sympathisants et militants, reflétant à l'évidence, un certain pouvoir financier. Au regard de ces critères, ce n'est donc pas nécessairement les idées ou l'idéologie, visiblement essentiel chez le Professeur Laurent Bado, qui feraient les grands partis sur le terrain. Aussi, s'il y a idée bonne, leur pertinence aussi pourrait se mesurer par leur faculté à intégrer l'aspect mobilisation des ressources financières et à mobiliser effectivement ces ressources, nerfs de la guerre. Mais, il est clair ! Les partis capables de mener des réflexions critiques et intelligentes sur la société burkinabè, ne sauraient être petits. Ce sont de grands partis d'esprit ! Aussi, ont-ils toute l'estime des citoyens avertis !

La perte brutale du pouvoir par l'ex-majorité (CDP, ADF/RDA et autres partis du Front Républicain) après 27 ans de règne « tukguliste » (sans partage en langue Mooré) du CDP, l'a totalement déroutée pour la principale raison que sa stratégie politique et sa structuration pyramidale - hautement hiérarchisée -, avant l'insurrection, interdisait toute autre alternative en dehors de Blaise Compaoré comme tête et leader charismatique, sinon « spirituel ». L'Insurrection est la résultante de l'échec et du manque d'initiative nouvelle et d'audace réformatrice de la tête pensante. Les morts, les Martyrs et les pertes matérielles qui ont résulté de l'Insurrection populaire, compliquent d'avantage les charges que le Peuple dans sa grande majorité, porte contre ce groupe. Avec la nouvelle donne, cette tête pensante doit assumer toute sa responsabilité dans un jeu dangereux qu'elle a osé jouer, et dans lequel elle a perdu !

La jeunesse de l'ex-majorité : un maillon potentiel pour une démocratie apaisée, pourvu qu'elle prenne ses responsabilités en se démarquant de la forfaiture des aînés

La jeunesse sans histoire de ces formations politiques, a devant elle, de belles perspectives politiques dans le futur, que le code électoral et le verdict de la CEDEAO sur ledit code lui ouvre ; pourvu que cette jeunesse – quelque fois méconnue du grand public - prenne conscience de cet enjeu et travaille intelligemment à faire émerger de nouveaux leaders politiques, pour jouer un rôle d'opposition républicaine, nettement mieux que la résistance des aînés. En optant pour cette alternative, cette jeunesse s'inscrirait dans l'esprit de l'inclusion, pour donner de la force à notre commune démocratie à édifier avec toutes les filles et fils du pays, sans violence, ni sédition.

L'auto-destruction des partis politiques maintenant le statu quo général: une catastrophe politique pour une République aspirant au progrès

Les partis politiques, qu'ils soient de l'ex-CFOP ou de l'ex-Majorité, se livrent naturellement entre eux, une bataille sans merci, quelques fois même, sans scrupule, en faisant allusion à l'appartenance ethnique, à la religion et à la région d'origine. Dans cette bataille, le rôle des OSC « politiques » politisées n'est pas négligeable. Le fairplay républicain doit prévaloir entre les partis politiques, qui doivent s'engager solennellement à accepter le jeu démocratique et le résultat des urnes. La faiblesse structurelle des partis politiques profitent à l'armée qui est appelée à la rescousse, chaque fois qu'il y a de grandes responsabilités à prendre comme le 31 octobre 2014. Sinon, comment peut-on mener une Insurrection populaire qui aboutit à des résultats fort heureux, sans pouvoir conduire la gestion transitoire de l'Etat, jusqu'au rétablissement de l'ordre normal ?

Aussi, à cause de cette faiblesse, les partis politiques rêvant pourtant de pouvoir civil, n'ont pas su saisir l'offre politique faite par l'armée/RSP avec la demande de la démission des militaires du Gouvernement. Visiblement, aucun leader ne s'est senti disposé d'occuper le fauteuil du Premier Ministre, ou d'indiquer une personne ressource, pour amener notre Transition à bon port, selon ses aspirations et, en phase avec les aspirations révolutionnaires du Peuple insurgé.

Les partis politiques ont à relever le défi du consensus minimal dans des situations d'urgence concernant la République. Un tel pari peut être garanti, s'il y une structuration professionnelle effective et démocratique favorisant l'ascension politique des militants à la base, dans ces partis. Autrement, avec des attitudes frileuses et trop calculatrice des leaders politiques et civils, l'armée aura encore de beaux jours devant elle, pour s'immiscer dans la politique.

VI. Les Forces de défense et de sécurité

Le peuple burkinabè aspire à la Révolution. Cependant, cette Révolution est-elle en phase avec la préservation des intérêts de l'armée en général, et du RSP en particulier ? Rien n'est moins sûr ! Originellement, le géniteur et cerveau du RSP, l'a conçu pour assurer sa protection personnelle, eu égard à l'origine première de son pouvoir qui est militaire. Si ce n'est pas cette foi à la fidélité de ce corps d'élite, on ne peut comprendre comment Blaise Compaoré, pouvait continuer à s'emmurer de façon presque sans souci à Kosyam, pendant que des millions de burkinabè grondaient dans les rues contre la modification de l'article 37. Mais, cette même armée n'a pas accepté suivre massivement Blaise Compaoré dans sa folie meurtrière ! Par ce même fait, l'Armée/RSP, en tant qu'institution s'est érigée en partenaire des insurgés, donc de la Transition.

En cours de chemin, faut-il que partenaires civils et RSP se heurtent à nouveau pour réaliser le pire qu'ils ont su intelligemment éviter lors de l'Insurrection ?

D'une part, l'usure et d'autre part, l'échec de l'orientation donnée par Blaise Compaoré au RSP, ont été soldés par la fuite de son géniteur. Bon gré mal gré, le RSP s'est trouvé restructuré pour plusieurs raisons, entre autres, le départ précipité de son cerveau.

Sans réforme, le RSP est condamné à la désintégration, ou exposé au risque de prendre en otage malgré lui-même, de façon intermittente, les institutions

Le sort du RSP aujourd'hui, appelé à se conformer aux aspirations du Peuple et de la démocratie, n'est donc qu'une question de temps : court et moyen terme. Les contradictions propres du RSP –faisant d'elle un creuset d'incertitude pour ces propres membres - vont nécessiter que lui-même se reforme sérieusement pour répondre aux aspirations démocratiques et républicaines du 21ème siècle ! Autrement, le RSP se condamne à la désintégration ou à s'exposer au risque de prendre en otage de façon intermittente, les institutions. Lire : Lettre philosophique à l'intention du RSP.

Quand des citoyens appellent à la dissolution du RSP hic et nunc sans autre forme de procès, et de surcroit des civils, sans analyse préalable actualisé à l'intention de l'opinion, et tenant compte du contexte post 11 septembre 2011, ils ne peuvent empêcher de soulever des interrogations inquiétantes. A ce titre, peut-on s'empêcher de faire référence au Palais de Koulouba au Mali, où une humeur de quelques soldats partis de Kati sous la conduite du capitaine Amadou A. Sanogo, a suffi à faire fuir le Président?

VII. Des appels à la dissolution du RSP

Chaque citoyen ou groupe de citoyens a sa stratégie de lutte, en particulier, au sujet du RSP, qu'il faut respecter. Les initiatives que nous soutenons, sont celles tendant à mobiliser des forces significatives et des compétences pour rédiger un éventuel mémorandum à l'adresse du Ministère de la défense, du Chef d'Etat Major de l'Armée ou du Président du Faso, pour inviter à organiser éventuellement les ETATS GENERAUX SUR L'ARMEE, afin d'amender, sinon de rejeter le rapport de restructuration du RSP.

Une stratégie autre, de confrontation créerait plutôt des tensions non porteuses qui détourneraient finalement de l'objectif prioritaire de la Transition ; objectif premier qui est le respect du calendrier électoral établis, dans le délai actuel prévu pour la Transition.

VIII. Oui pour une réforme planifiée du RSP! Mais non à sa brusque dissolution !

Une dissolution du RSP ne peut se faire sans une étude d'impact préliminaire ! Le rapport du collège des Sages, datant de 1999, bute sur la limite d'un besoin d'actualisation. Il remonte en effet, à la période antérieure à l'avènement du péril terroriste internationale explosé depuis l'attentat du 11 septembre 2001 perpétré par Al Qaïda aux Etats Unis. Les diagnostics pouvant changer avec le temps, il n'est pas à écarter que le collège jadis constitué, revint sur ses propositions sous Blaise Compaoré. Loin d'une faiblesse, une telle posture peut être le témoignage de l'intelligence vivante en questionnement continu.

Le péril de l'instabilité ou d chaos n'est pas à négliger même chez les civils. En effet, certains civils montrent par leurs comportements et discours inconsidérés, qu'ils ressemblent fort à de pires dictateurs en puissance ! Tout ce qui leur manque, c'est le pouvoir. Sans véritable autorité de l'Etat, la nation peut être pris en otage par certains concitoyens civils, qui n'ont cure des textes de loi, qu'ils falsifient à leur guise à l'occasion, dans le discours. Les textes sont cités quand ces derniers y tirent leurs comptes, et vite contestés ou dénaturés quand ils arrangent plutôt d'autres concitoyens en face. Nous disons non à toute aventure destinées à exposer la vie de nos concitoyens, pour des enjeux qui ne sont pas à la hauteur ! A ce titre, le Peuple, las d'être toujours exposé, aspire aussi à être appelé à la table, pour souper. C'est cela tout le sens de la démocratie : manger ensemble, et prendre des risques ensemble !

IX. Solutions

De concert avec les Sages et en concertation avec les forces vives que nous constituons, le Président de la Transition, Président du Faso, a pris quelques résolutions, visiblement apaisante à court terme, donc salutaires. Mais les solutions à la bonne marche de la Transition vont au-delà d'un jeu de chaise au niveau du Gouvernement. La formalisation salutaire du Cadre de Concertation de Sages sort quelque peu le Président de son isolement. Cependant, bien d'autres réponses importantes sont à envisagées. Certaines d'entre elles ont été déclinées plus haut, mais le principal objectif de cette tribune est davantage de relever des nœuds de la Transition que de proposer des solutions. En effet, le Lion sauvage, la difficulté avec lui, c'est de l'abattre ! Une fois abattu, les couteaux sortent de toutes parts pour le dépecer et les volontaires pour cette tâche, sont toujours nombreux... Certains ne manquent même pas parmi ces dépeceurs, d'avoir l'outrecuidance de revendiquer la peau ou la tête du félin féroce abattu.

Toutefois, d'où qu'elles viennent, les solutions doivent préserver la démocratie, un climat apaisé, le respect des textes de la Constitution et de la Charte, loin de la manipulation malsaine, le respect du délai de la Transition politique, le dépassement de l'orgueil et de l'intérêt personnels de quelques individus, pour privilégier le patriotisme et l'intérêt supérieur de la nation, et aussi, éviter toute aventure risquée et tout règlement de compte arbitraire.

Ouagadougou, le 20 juillet 2015.

Lire aussi : Lettre diagnostique à l'intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/ Zida : le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (1/2)

Idrissa Diarra
Géographe, politologue.
Secrétaire exécutif du MGC/Faso.
Institut d'Etudes politiques Martin Luther King
(IEP-ML King)
Mobile : (+226) 66 95 04 90
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La non-violence et l'intelligence au service de l'humanité.

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