Lettre diagnostique à l’intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/Zida: le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (1/2)

| 15.07.2015
Réagir
Lettre diagnostique à l’intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/Zida: le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (1/2)
© DR / Autre Presse
Lettre diagnostique à l’intention des Sages dans la résolution de la crise RSP/Zida: le Burkina navigue dans un régime parlementaire de fait (1/2)
Notre pays s'est à plus d'un titre, fabriqué pour la Transition, un régime hybride, à travers sa Charte « parlementaire », juxtaposée à une Constitution présidentialiste de 4ème République. Cette Charte élaborée dans des conditions tumultueuses et de pressions, a tous ses mérites mais, comporte également quelques limites congénitales, causes en parties des crises successives qui secouent notre pays. Cette crise est à considérer avec tout le sérieux qui sied, mais, elle a l'avantage surtout d'être burkino-burkinabè et donc, loin d'une certaine prégnance des influences extérieures, souvent mal maîtrisées. Voilà pourquoi elle est à portée de main, pour peu que chaque acteurs soit réellement motivé par la DEMOCRATIE, valorise les institutions républicaines, mette en avant la sage raison et ne soit pas mu par des intérêts purement égoïstes. Pour ce faire, il importe de connaitre les acteurs dominants, leurs visages phénotypiques et leurs vraies identités, afin de distinguer les loups, les faucons et les colombes.


Ce qu'il convient de savoir à priori, c'est que la carte du jeu politique au début de l'Insurrection, et plus tard, au bout de ¾ de temps effectué dans la Transition, a totalement changé ! Raisonner avec les données de départ, comme prioriser les signataires de la Charte dans les discussions, c'est faire fausse route ! Cela est clair pour l'œil averti ! Les signataires se montrerons également suffisamment démocrates en s'ouvrant dans une certaine mesure, à certains acteurs, jadis timides au moment des chaudes coudées contre la modification de l'article 37 de la Constitution par le régime déchu. Aussi, la réalité politique met les acteurs, bon gré mal, en présence d'un REGIME PARLEMENTAIRE de fait.

I. Un Président de transition pratiquement isolé ou esseulé

En régime parlementaire, il est habituellement réservé « au chef de l'Etat, une fonction d'incarnation de l'unité nationale, et de conseil ou d'arbitre, en tant que pouvoir neutre, situé au dessus des forces politiques. »(1) C'est ce rôle que le Président Kafando est appelé à jouer, surtout dans cette période de crise. Son isolement « génétique » imputable aux dispositions (congénitales) de la Charte est un handicap que la création du Cadre de Concertation des Sages vient limiter, mais il faut aller au-delà, par d'autres mesures devenues nécessaires pour notre analyse. Certaines d'entre elles sont exposées ici.

Il faut remonter à la genèse du Pouvoir de la Transition pour comprendre certains aspects essentiels des forces politiques réelles et morales dans une certaine mesure, du Président de la Transition, Président du Faso. Michel Kafando a été proposé par la composante Forces de Défense et de Sécurité (FDS), dans le cadre de la sélection pour la désignation du Président de la Transition, FDS qui à l'époque, étaient représentées (ou conduites) par le Premier Ministre Zida.

En outre, nombre de députés du CNT ont participé à la désignation du Président Kafando, via leurs présences dans la Commission de désignation. Un peu à l'image de la charrue avant les bœufs, par anticipation, des acteurs pressentis membres du CNT (députés OSC, FDS et partis politiques) sont à l'origine du Pouvoir du Président de la Transition, à travers la délégation du pouvoir de représentation « consenti » par le Peuple. Du fait de cette origine, d'une part, en bon africain, le Président Kafando peut se sentir redevable à Zida à travers les FDS. Inversement, d'autre part, les membres de la Commission de désignation du Président de la Transition, notamment certains leaders d'Organisations de la société civile (OSC), peuvent se gargariser d'être à l'origine de la désignation du Chef de l'Etat. Par conséquent, certaines OSC peuvent être tentées de faire la pluie et le beau temps sous la Transition !

Les concurrents à la Présidence de Michel Kafando occupant des postes très stratégiques dans le Gouvernement/CNT, ont été soit désignés par Zida – pour le Ministère de la Justice, soit soutenu par lui, pour la Présidence du CNT. Cette réalité de compétition originelle pour le poste de la Présidence du Faso, peut continuer à alimenter des freins, dans la coopération de ces trois personnalités au sommet de l'Etat, contribuant à isoler davantage M'bâ Michel, qui de surcroît, appartient à la « Génération des Aînés » et jadis éloigné de la scène politco-administrative avec la retraite. Par ailleurs, contrairement à Zida, Michel Kafando n'a pas fait des efforts particuliers d'enracinement politique durant la Transition, en constituant des liens avec des leaders d'OSC et de partis politiques.

La démonstration de la légitimité de Michel Kafando en termes de mobilisation des masses populaires en témoignage de son soutien personnel demeure jusqu'à présent une dette de la Transition. Cet exercice, réalisable à travers une marche populaire de soutien de son mandat, qui est un mandat du Peuple, permettra de l'affranchir moralement et politiquement de façon significative, des OSC et partis politiques. C'est un devoir du Peuple dont il faut s'acquitter et le plus tôt possible, le Président du Faso étant le garant de la stabilité de l'Etat !

II. Un Premier Ministre désigné par le Président de la Transition, mais dans un scénario à la « Vladimir Poutine- Dmitri Medvedev » pour certains observateurs

Le scénario Vladimir Poutine-Medvedev s'est traduit par la nomination de Poutine comme Premier Ministre et son retour au terme du premier mandat présidentiel de Medvedev à la tête de l'Exécutif. Cette stratégie a eu pour effet, de garantir au chef d'orchestre Poutine, une prééminence politique sur le pouvoir. Ce qu'il y en moins, dans le cas du Burkina Faso, c'est qu'on est presque sûr qu'au terme de la Transition, le Président élu par les compatriote est un candidat autre que ces deux personnes (Kafando et Zida), c'est-à-dire, un citoyen indéterminé ou presque « inconnu ».

Du fait de l'origine du pouvoir du Président de la Transition, qui peut se sentir moralement redevable ou reconnaissant vis-à-vis de l'armée/Zida, du fait du cumul du portefeuille de Premier Ministre et de la Défense – avec l'appui du portefeuille de la sécurité -, sans négliger quelques soutiens civils à travers certains leaders de partis politiques et d'OSC, Zida s'est assuré une certaine prééminence sur le pouvoir de la Transition. On dirait en d'autres termes qu'il y a eu un travail intelligent d'enracinement politique respectable de Zida, qui le rend plus entouré que le Président de la Transition.

C'est un plaisir de pouvoir présenter cela à nos concitoyens civils, comme une expérience de l'intelligence militaire, que beaucoup négligent très souvent, réduisant généralement le militaire à l'arme et à la brutalité !

III. Des OSC aux allures de partis politiques de fait

Les OSC constituent la cheville ouvrière de la Transition. Grâce à elles, ou par leurs fautes, la transition réussira ou échouera ! Elles ont un énorme défi de la neutralité à jouer pour assurer des élections transparentes, libres, équitables, apaisées et surtout non contestées, avec une forte participation des citoyens. Notre méthodologie n'est pas de vomir une certaine littérature (d'inspiration occidentale) sur les OSC, mais de faire une analyse sociologique, partant du réel sur le terrain politique burkinabè. En rapport avec l'intérêt du présent thème abordé, trois grandes catégories d'OSC se dégagent : i) OSC d'accompagnement des pouvoirs publics sur des questions de développement ; ii) OSC « politiques » politisés ou partis politiques non déclarés ; OSC « politiques » non politisées.

a) OSC d'accompagnement des pouvoirs publics sur des questions de développement : elles s'efforcent de combler des vides dans l'offre du gouvernement dans des secteurs divers, dont les secteurs sociaux et sur le plan technique. Elles restent timides, sinon invisibles dans les actions de confrontation et défiance en rapport avec le gouvernement établi, axant davantage leurs actions sur le renforcement des capacités pour certaines.

Des OSC qualifiables d'OSC « politiques » se distinguent par deux sous-groupes:

b) OSC politiques politisés ou partis politiques non déclarés: leurs revendications prennent la forme de diktat ; et la distinction entre elles et l'Etat est difficile à établir. C'est dire que le statut de leurs leaders a changé mais visiblement, ces derniers refusent publiquement d'assumer leur appartenance au pouvoir public. De telles confusions perturbent naturellement l'activité réelle des OSC de fait et obstrue l'émergence médiatiques et politique d'autres leaders (suppléants) dans les structures d'origine. L'une des conséquences de cette triste réalité anti-démocratique, est la déviation de l'objectif premier de ces OSC, sinon, l'enregistrement de scissions dans les groupes d'origine.

Aussi, l'orientation de départ et les statuts de certains leaders ayant changé, il naît une tendance à l'attachement à des acteurs publics, sinon politiques, à titre personnel. Par conséquent, les discours deviennent plus politiques, enrobés, sinon acerbes : l'argumentaire ne s'embarrasse pas de se fonder sur les coulisses et les rumeurs (non officielles, non connues de tous) et de travestir volontairement ou involontairement, des dispositions claires, contenues dans les textes.

Le grand danger pour la Transition est que si ces acteurs ne sont pas appelés à la réserve, ils peuvent devenir des instruments déguisés, commises à la réalisation des desseins des partis politiques ou leaders de partis politiques, tapis dans l'ombre, menaçant ainsi, le caractère équitable des partis et/ou transparent des élections. Parallèlement, leur refus d'assumer ouvertement ce rôle partisan joué dans l'ombre, ternit quelque peu leur réputation, du point de vue de la sincérité.

c) OSC politiques non politisées : Elles interpellent surtout sur des thème de gouvernance politiques et socio-économiques, mettent l'accent sur la compétence intellectuelles à travers des prestations de services, entre autres, sur des thématiques publiques ou politiques ; elles restent plus ou moins constants dans la défenses de certains principes de gouvernance et s'attachent plutôt aux institutions fortes, et non aux individus ou partis politiques, idéaux qu'elles ne manquent pas défendre fidèlement, à travers des plaidoyers ou au besoin, l'occupation de l'espace public.

NB : La politique est un monde social fluide, donc, non-statique et selon la thèse soutenant que « tout peut devenir politique », des thèmes nouveaux peuvent émerger à tout moment dans l'actualité et rendre plus visible certains acteurs et OSC. Dans cette dynamique, les statuts des uns et des autres peuvent changer à tout moment. Mais l'important est de les assumer pour les titulaires eux-mêmes ou de les détecter pour les analystes. Mais politiquement, il peut s'avérer plus rationnel et plus judicieux de ne pas les assumer pour leurs titulaires, pour tirer plus de profit dans l'ombre. C'est pourquoi, l'Etat à travers des mesures (décrets, règlements intérieurs des institutions, etc.), doit limiter les abus.

(1) Louis Favoreu et al., Droit constitutionnel, Précis de Droit public et de Science politique, Dalloz, 14ème édition, 2011, 1077 pages. p. 669.

(A suivre...)

Ouagadougou, le 14 juillet 2015.

Idrissa Diarra
Géographe, politologue.
Secrétaire exécutif du MGC/Faso.
Institut d'Etudes politiques Martin Luther King
(IEP-ML King).
Mobile: (+226) 66 95 04 90
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
"La non-violence et l'intelligence au service de l'humanité"

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité