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Lettre au président Michel Kafando : « Si Angela Merkel est à son troisième mandat, ce n’est pas parce que l’Allemagne est moins démocratique que la France »

| 12.03.2015
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Lettre au président Michel Kafando : « Si Angela Merkel est à son troisième mandat, ce n’est pas parce que l’Allemagne est moins démocratique que la France »
© DR / Autre Presse
Lettre au président Michel Kafando : « Si Angela Merkel est à son troisième mandat, ce n’est pas parce que l’Allemagne est moins démocratique que la France »
Ceci est une lettre ouverte adressée au président de la transition du Burkina Faso, Michel Kafando. L'auteur revient sur la proposition faite par le chef de l'Etat de limiter le nombre de mandats présidentiels à deux afin d'éviter toutes dérives. Pour lui, cette proposition est inopérante et il convient de laisser chaque peuple décider librement de la forme et du fond de ses textes fondamentaux. Lisez !


Excellence, Monsieur le Président,

J'ai écouté, ce lundi, 2 mars 2015, l'interview que vous avez accordée à Radio France Internationale (RFI), cent jours après votre arrivée au pouvoir. Sur les sujets que vous avez abordés, figure, entre autres, la limitation des mandats des dirigeants africains, limitation à deux, que vous souhaitez inscrite dans la Charte de L'Union Africaine (UA)...
Je suis sceptique, non pas sur votre proposition elle-même, de limitation à deux des mandats de nos chefs d'Etat, mais sur l'application de cette disposition, son efficacité, et son opportunité...
Je suis, moi aussi, pour la limitation des mandats d'un Président de la République (système présidentiel ou semi-présidentiel), ou d'un Premier Ministre (système parlementaire), mais la durée du mandat (4, 5, 6, ou 7 ans) reste à la discrétion de chaque peuple, car, à mon humble avis, l'institutionnalisation de cette disposition au niveau continental est tout simplement folklorique ! Car, qu'adviendra-t-il de cette charte, si un pays sort de l'Union Africaine, par décision référendaire ou par vote parlementaire de ses élus?
Je pense que ce dont l'Afrique a besoin urgemment aujourd'hui, est la transparence absolue dans les élections aussi bien locales, législatives que présidentielles. Le vote électronique peut largement y contribuer, et nous devons tous travailler dans ce sens...

Vous pouvez me dire que si un seul pays sort de l'UA, cela n'est pas grave, mais qu'arrivera-t-il si des pays majeurs comme le Nigeria, l'Afrique du Sud, la République Démocratique du Congo, le Cameroun, ou la Côte d'Ivoire (qui fait, à elle seule, 40 % de la masse monétaire de l'UEMOA) se retirent de l'UA ?
Le problème de la démocratie en Afrique doit être pris dans sa globalité, et non édulcoré par des artifices inopérants et inefficaces. L'Union européenne n'a pas inscrit dans sa charte la limitation des mandats de leurs dirigeants, mais les principes universels de la démocratie. Si Angela Merkel, la Chancelière Allemande, en est à son troisième mandat, et briguera peut-être un quatrième mandat, ce n'est pas parce que l'Allemagne est moins démocratique que la France, ou les Etats–Unis d'Amérique. C'est parce que les Allemands ont jugé bon, dans leur majorité, que la chancelière est apte à satisfaire la majorité des aspirations du peuple allemand. Il en est de même au Royaume Uni, où le mandat du Premier Ministre n'est pas limité...

Si son Excellence, M. Michel Kafando avait la possibilité de se présenter à la présidentielle d'octobre prochain, et qu'il est élu Président du Faso (et si les élections sont transparentes à 100 % au Burkina Faso), M. Kafando n'aura aucune chance de se faire élire à nouveau en octobre 2020, s'il n'a pas fait un bon premier mandat, de 2015 à 2020 ! Inutile alors de parler d'un troisième mandat pour lui...
Excellence, Monsieur le Président, il ne faut pas que l'Afrique soit artificiellement attachée comme une chèvre, à un arbre à palabres, et laissons les peuples africains décider librement de la forme et du fond de leurs textes fondamentaux... C'est aussi cela, la Démocratie...

Tout en vous remerciant de votre compréhension, veuillez croire, Excellence, Monsieur le Président de la Transition du Burkina Faso, à mes sentiments respectueux...

Dr David IHOU, Ancien Ministre.

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