Je voudrais que tout lecteur marque comme moi, un arrêt à la fin de cette première phrase pour observer une minute de silence à la mémoire des camarades tombés au front, sur la ligne de défense de la démocratie et de la patrie.
Je vous remercie.
J'ai travaillé en direct avec des camarades dévoués qui étaient sur le front au pays pour défendre la démocratie. Une équipe dynamique et courageuse. Certains sont malheureusement tombés, les mains nues, devant des soldats de la dictature et de l'imposture. J'ai eu l'honneur de recevoir l'appel de l'un de ces héros quelques instants avant le début de l'assaut contre l'un des lieux les plus symboliques du système dictatorial qui nous a embastillé pendant plus d'un quart de siècle, la résidence de François Compaoré. Cher compatriote, comme le soldat inconnu des guerres de libérations sous d'autres cieux, ta mémoire vivra éternellement en chacun d'entre nous. Nous ne t'oublierons jamais et nos prières, jointes à celles de tous les autres combattants qui ont survécus, accompagneront le voyage de nos martyrs, les martyrs de la liberté et de la démocratie.
Blaise tombé, il importe d'assurer la pérennité des objectifs de ce combat pour lequel des citoyens ont fait le sacrifice ultime. La prise de pouvoir par l'armée dans sa configuration actuelle répond-elle des préoccupations qui ont été à l'origine du soulèvement populaire à l'œuvre dans le pays? Il est difficile de l'admettre.
L'opposition, comme la plupart des autres forces vives de la nation ne semble pas avoir envisagé le scenario d'une chute aussi rapide et facile de Compaoré; aucun plan de transition n'a donc été prévu pour le sommet de l'État d'où l'opportunisme de l'armée qui revendique un pouvoir qu'elle n'a rien fait pour conquérir en 27 années d'oppression du peuple.
Aucune formation politique, aucune association encore moins l'armée ne peut s'arroger la paternité de cette victoire. L'armée moins que tout autre corps social. Pendant qu'une bonne partie de la jeunesse tombait sous les balles devant le palais présidentiel, certains gros bérets rouges dansaient à la place de la nation. C'était une insurrection populaire. Blaise Compaoré est le seul à avoir convaincu la jeunesse à se soulever contre lui et son régime.
L'opposition politique est aujourd'hui aphone. Est-elle incapable de résoudre l'équation –certes difficile, mais combien incontournable- de trouver ce personnage civil là dont le nom ferait l'unanimité pour conduire cette période transition qui s'amorce?
Le propre des hommes dits forts, des personnages qui, comme Blaise Compaoré se donnent pour mission de confondre leur destinée avec celle d'un peuple d'où ils parviennent, aidés en cela par leur longévité au pouvoir, à instiller autour d'eux une atmosphère d'immuabilité dont l'opposition semble être victime; Comment aurait-elle pu, cette opposition, malgré son combat de longue haleine, penser qu'un régime qui a été omniprésent pendant 27 ans disparaisse du jour au lendemain comme une fumée sous le souffle du vent?
La nature ayant horreur du vide, on assiste aujourd'hui à des scènes surréalistes ou des opportunistes de tout bord croient tenir leur heure de gloire. Attention, il y a des expériences non transférables.
Au nombre de ces opportunistes, il faut compter des associations tous azimuts qui veulent se donner la paternité de ce soulèvement populaire. Ceci est d'une malhonnêteté que l'on ne devrait pas trouver chez des personnes voulant assumer un certain leadership. Le comportement du Balai Citoyen à cet égard est assez éloquent : d'où puise-t-il l'autorité et la légitimité pour rencontrer les militaires et leur donner sa caution? Au nom de qui le Balai Citoyen agit-il? Qui représente-t-il dans cette démarche? Le Balai Citoyen a-t-il pensé avoir la paternité de la mobilisation de ces derniers jours? S'il a pu le penser, Le Balai Citoyen a eu aujourd'hui 02 novembre une idée de sa capacité à se faire entendre. Le mot d'ordre lancé ce jour aux manifestants de ne pas se mobiliser, mot d'ordre largement ignoré, devrait indiquer au Balai Citoyen qu'il court le risque de se faire balayer par un peuple avide de liberté, de vraie liberté et de démocratie, après 27 années d'un pouvoir militaire déguisé en civil. Le balai citoyen est allé jusqu'à autorisé l'enlèvement du corps d'un martyr tombé aux champs de bataille. Je rappelle que le corps d'un martyr appartient à l'État. Au lieu d'autoriser son enterrement, il pouvait trouver un meilleur conditionnement du Corps en attendant que l'État prenne ses responsabilités.
Concernant la gestion de la transition, il ne fait aucun que l'on ne peut faire du neuf avec le vieux et qu'un régime ne se réduit pas à un personnage, aussi craint et redouté qu'il ait été. Le peuple a-t-il voulu se débarrasser de Compaoré ou de son régime? S'il est clair que l'homme Compaoré n'est honni qu'en tant que Chef d'un régime honni, alors, il est difficile d'imaginer des lendemains de révolution dirigés par les militaires actuels, du General Honoré Traore au Colonel Zida.
Tant que cette équipe sera en place pour gérer les affaires du pays, nos martyrs ne trouveront pas le repos. Comme des âmes en peines, ils se demanderont le sens du combat pour lequel ils ont donné leur vie.
Purs produits de Blaise Compaoré, co-acteurs des crimes de son régime, ces gradés partagent avec lui la responsabilité de tous les maux que l'on reproche au régime déchût. Avons-nous oublié les vas et viens du Général Honoré Traoré a Kosyam au début de cette épopée? Quelles étaient ses motivations? Nous le savons tous, il s'agissait de consulter Blaise et prendre les instructions. C'est ce même personnage qui, à la salle de conférence du CFOP, a évité de répondre à la question d'un journaliste lui demandant si Blaise Compaoré était toujours Président; c'est tout dire.
Le Lieutenant-Colonel Zida n'est logé à meilleure enseigne. Il existe des liens très profonds entre Zida et Gilbert Dienderé. La preuve, si Gilbert Dienderé a eu le courage de narguer tout Ouagadougou en plein soleil pour revenir voir Zida au Conseil Économique et Social, c'est un message très clair : « Je reste toujours maitre de la situation », semblait-il dire. Un Gilbert Dienderé non inquiété signifie simplement un Blaise Compaoré toujours en scelle et par ricochet le CDP en perspective de réhabilitation.
Il convient de relever que le Lieutenant-Colonel Zida lui-même fait partie de l'équipe des irréductibles sur qui s'appuyait le président déchu dans son plan de se maintenir au pouvoir à travers son plan de modification de la constitution. C'est d'ailleurs ce même Zida qui a défendu le palais présidentiel tout au long de cette dure bataille, empêchant les manifestants de prendre Compaoré, au prix de nombreux morts. Ces morts seraient davantage trahi si leur bourreau devaient participer à diriger la transition.
La transition dans les mains des militaires actuels préparera le retour du pouvoir dans les mains des anciens caciques du pouvoir. Pourquoi se feraient-ils hara-kiri? Trempés jusqu'aux os autant que leur patron déchu, un militaire (habillé en civil), ne l'oublions pas, ceux qui se proposent aujourd'hui d'assurer la transition au sommet de l'État n'ont aucun intérêt à voir les choses changer, encore moins à voir une équipe nouvelle prendre les rênes du pays. Les casseroles qu'ils trainent, les avantages dont ils bénéficient ont toutes les chances d'être très vites des points de frictions avec tout nouveau pouvoir.
Certains voudraient faire croire, de bonne foi ou avec des arrières pensées, que l'on ne peut réussir la transition sans le Régiment de Sécurité Présidentielle; L'histoire récente du Mali avec la transition menée par le Pr Dionkonda Traoré montre bien qu'il est possible de gérer avec succès une transition aboutissant à des élections libres et transparentes malgré le poids des militaires.
Le problème ainsi ne consiste pas à déterminer si oui ou non une transition militaire est souhaitable; Le problème se réduit à déterminer quel personnage de la société civile est suffisamment consensuel, intègre et honnête pour assurer la transition au sommet de l'État? Des personnalités de cette carrure existent; il suffit de regarder autour de nous. En dépit des résultats obtenus au final, des expériences comme celles du collège des sages montrent bien qu'il existe des personnes présentant des aptitudes morales et intellectuelles pour mener la transition vers un Burkina-Faso plus libre et démocratique.
Cette question réglée, le reste suivra plus aisément, comme la détermination de la durée de la transition, ainsi que l'élaboration d'une feuille de route consensuelle.
Ainsi, l'Opposition doit prendre ses responsabilité, en accord avec le reste de la société civile et présenter une personnalité consensuelle à laquelle les militaires devront rendre ce pouvoir qui ne leur appartient pas, mais au peuple qui l'a conquis au prix de sacrifice qu'aucun militaire n'a voulu donner en 27 ans de dictature et de tyrannie.
Le schéma opérationnel de la solution serait le suivant :
- Détermination, dans les 48h d'un personnage civil consensuel, auquel l'arme devrait rapidement remettre le pouvoir.
- Élaboration, en accord avec toutes les forces vives de la nation d'une feuille de route précisant la durée de la transition et les modalités des prochaines élections. (les militaires pourraient être admis en tant qu'observateur, s'ils parviennent à se trouver des représentants non compromis dans la gestion du régime déchu). Idéalement, la transition ne devrait pas être plus longue que 12 mois.
- Un état des lieux de la gestion de Blaise Compaoré. C'est donc d'un audit général de la gestion du régime Compaoré qu'il s'agit. Cet audit devra couvrir la période du 15 octobre 1987 au 31 octobre 2014. Il devrait concerner tous les niveaux de décisions de l'État c'est-à-dire du Président de la république jusqu'aux Directeurs généraux et se faire aux différents échelons de la chaine du pouvoir. Cet audit doit être vraiment INDEPENDANT pour assurer une opinion aussi sincère et réaliste. Le départ de Compaoré c'est aussi une question de mauvaise gestion; Blaise Compaoré s'est attribué la charge de la gestion de notre patrimoine un certain 15 octobre 1987. Le 31 octobre 2014, nous l'avons contraint à abandonner ses charges de gestionnaire. Il est donc normal que nous puissions faire l'état de sa gestion, la gestion du patrimoine public. Qu'est ce qui a été fait? Par qui? Pour quelle raison? Comment? Quel résultat a été atteint?
Quels sont les aspects positifs et négatifs de sa gestion? La réponse à ces questions devrait permettre de faire des recommandations pertinentes et d'établir un plan d'action conséquent pour prévenir un dérapage futur dans la gestion de la chose publique.
- Organiser dans les meilleurs délais un enterrement des martyrs dans un lieu hautement symbolique et déterminer un niveau de prise en charge de leur famille. Ensuite, il serait logique d'inscrire chaque 31 octobre dans les annales des jours à célébrer au Burkina Faso.
- Prendre rapidement des mesures pour éviter les règlements de comptes. Car la justice s'accommode mal de cet état de chose. Les anciens dignitaires du régime auront sans doute des comptes à nous rendre pour leur gestion, et leurs actions, mais cela ne serait pertinent et honorable que si c'est fait dans le cadre d'un processus judiciaire.
- Mettre en place une commission de réconciliation qui devrait permettre d'éviter des amalgames tout en préservant la paix sociale. Certains élus du peuple se sont tristement illustrés au temps de la crise par une attitude des plus encourageantes à la dictature. Il convient de trouver la force de leur accorder notre pardon, tant il est vrai que le courage n'est pas la chose du monde la mieux partagée, surtout du temps d'un régime prêt à tout pour parvenir à ses fins.
Nous avons à présent un objectif supérieur, la reconstitution de nos institutions et la traduction dans les faits de notre engagement envers la constitution d'une société vraiment démocratique.
Pour ma part, moi, Lengha Fils j'accorde volontiers mon pardon à toutes les personnes qui m'ont adressé des menaces de toutes sortes. Je demande également pardon à toutes les personnes que j'ai pu offenser dans le cadre de mes activités. Ce pays est le nôtre, à tous, et on peut penser que nous pensons tous chacun à sa façon, qu'il mérite ce qu'il y a de mieux.
Lengha Fils ou Harouna DABRE, j'espère pouvoir ne plus avoir à jouer le rôle que j'ai eu à jouer jusqu'à présent; si le combat n'est pas complètement terminée, la voie est claire et le chemin dégagé. Il est difficile de se perdre. Lengha Fils ou Harouna DABRE est à présent un soldat qui, après une bataille décisive victorieuse, rentre à la caserne en attendant le prochain appel du devoir patriotique.
Je prie Dieu ne plus être appelé pour une situation pareille. Mais je serai là, toujours prêt à répondre là où la situation de la nation nécessitera ma présence.
Que Dieu veille sur mon pays, le Burkina Faso!
Harouna Dabré
Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.