Ce fait est loin d’être banal. Il s’agit en effet, de la remise en cause de l’autorité d’une haute institution de la République par un organe médiatique censé assujetti à son contrôle. Aussi, certains indices caricaturaux laissent-ils entendre qu’il s’agit d’une question de « vie ou de mort »... Le fait est d’autant plus sérieux que les protagonistes n’ont pas réussi à se passer de l’institution judiciaire au profit d’un règlement à l’amiable. L’Evènement reproche au CSC de ne l’avoir pas entendu au préalable avant de faire tomber le couperet de sa « guillotine ». Guillotine, parce que l’on entend dire que les organes de presse sont assez fragiles pour supporter souvent le coût de la suspension...
Cette contestation renvoie à certains égards, aux questions relatives aux notions de légalité et de légitimité requises. Comme réponse, selon le journal lui-même, le Pr Serge Théophile Balima affirme qu’ «il ne faut jamais condamner quelqu’un sans l’avoir entendu ». Mieux, les propos rapportés de son conseil Me Benao en ses termes, - « des personnes qui valent neuf, vont s’asseoir et violent allègrement les textes » -, enfoncent d’avantage le clou quant à la satisfaction selon lui, de ces critères dans la décision du CSC.
Et l’issue du procès qui prononce un sursis à exécution de la sanction pesant sur le journal, complique les choses pour notre institution de régulation. La conséquence politique en termes d’érosion de l’autorité de celle-ci et même de sa démystification est grave ! En effet, le journal paraît bien tonifié sous le numéro 321 le 10 mars, date de son rendez-vous. Dans cette parution, un focus est naturellement destiné à son procès. Le CSC n’y reçoit aucun cadeau. Dans le premier titre du focus, il est relevé que « le CSC était bien en peine » et même pour faire un parallèle avec les appréciations habituellement réservées aux organes de presse évalués dans leurs conduites, notre institution se voit coller la mention suivante : « pour la deuxième fois consécutive, le CSC récidive d’échecs devant le Tribunal Administratif ». Pour reprendre le mot du journal dans les mêmes colonnes, l’on est tenté dire que c’est « la totale » ! La caricature à la Une du journal est assez éloquente mais faisons l’économie de son commentaire (...) Une chose est sûre, une certaine légitimité du CSC est contestée par ces mots et l’article signé par Germain B. Nama sous le titre « Recadrer le CSC, une urgence nationale » l’affiche catégoriquement.
Par ces pages, le journal s’est à l’évidence engagé dans une offensive vigoureuse? En réplique, la déclaration de l’institution semble loin de l’affirmation de son autorité, chose inhabituelle. Elle y informe de son recours en appel contre le journal, prend l’opinion nationale et internationale à témoin et y dénonce la violation de règles de procédures judiciaires du fait de la parution de L’Evènement en dépit de l’instance judiciaire (en cours).
Le CSC n’aurait-il pas dû procéder autrement ? Le recours à la prestation d’une plume de talent indépendante ne serait-il pas plus fécond pour contrecarrer l’offensive du journal ? Dans un tel cadre, quelques arguments justificatifs pertinents de son recours en appel pourraient trouver une place utile pour convaincre l’opinion nationale et internationale de sa légitimité.
Vu la déclaration faite, il y a de bonnes raisons de soutenir que le conflit a pris une tournure politique, dans le sens où il met en présence d’un enjeu d’affirmation ou de l’érosion de l’autorité d’une institution républicaine. Dans pareille circonstance, est-il aisé comme il est souhaitable, de faire l’économie de la subjectivité de part et d’autre ?
Si la démarche de recours en appel est faite principalement pour que la toute première décision de suspension de publication du journal garde tout son effet, l’on est tenté de dire qu’une certaine légalité de l’acte d’autorité est privilégiée par rapport à sa légitimité, cette légitimité qui fait appel à l’adhésion de l’opinion populaire, notamment sur une base plus ou moins objective en rapport au droit positif.
En rivant d’avantage le regard sur son autorité, le CSC ne prend-il pas le risque d’effriter a contrario cette même autorité en cas de perte du même procès une deuxième fois de suite ? Dans ce cas, ne serait-ce pas ouvrir une nouvelle brèche pour que L’Evènement le cloue, mieux, le crucifie avec une nouvelle étiquette l’accusant « de récidive d’échecs devant le Tribunal Administratif » ? Un tel cercle vicieux ne finira-t-il pas par jeter un certain discrédit sur la légalité des actes de régulation de l’institution – récemment contestée au sujet des émissions interactives - et porter atteinte à son autorité qui est d’importance capitale ?
Face à de tels enjeux autour du pouvoir, le politologue peut être d’un apport utile par ses conseils, pour préserver son honneur sur toute la ligne.
Idrissa Diarra
Géographe & politologue
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20 mars 2016.