Injustice source de révolutions

| 21.09.2015
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Injustice source de révolutions
© DR / Autre Presse
Injustice source de révolutions
La révolution est la conséquence logique de l’injustice. Le peuple burkinabè, depuis le coup d’état de 1987 (perpétré par Blaise Compaoré), a vécu sous une dictature bien déguisée et soutenue par certaines puissances étrangères. Les raisons sont connues de tous. L’impunité, le dénie de justice réelle ont été érigés en mode de gouvernance. De nombreux crimes de sang et crimes économiques ont été commis et continuent à se commettre impunément au nom des seuls intérêts des pro-Blaise.


Cette injustice chronique et généralisée a conduit à la révolution des 30 et 31 octobre 2014. Il ne s’agit pas d’une révolution conduite par une branche armée mais d’une insurrection populaire, d’une vraie révolution conduite essentiellement par la jeunesse. Cela a été possible par ce que la masse critique de ceux qui n’avaient pas peur de la dictature de Blaise Compaoré a été atteinte. La jeunesse Burkinabè depuis cet évènement historique a pris son destin en main.

Cette jeunesse ne se laissera pas voler sa révolution, elle ne se laissera plus martyriser impunément comme dans le passé. Tout acteur politique national ou international doit intégrer cela comme une vérité absolue avant de proposer quoi que ce soit au Burkina Faso.

Cette jeunesse révoltée n’est pas manipulée par qui que ce soit, les politiciens de tous bord ont été d’ailleurs surpris par cette insurrection. Il s’agit d’une prise de conscience généralisée et soutenue par la société civile et la plus part des partis politiques du Burkina Faso. Le problème de fond actuel du Burkina Faso est l’impunité et l’influence du pouvoir financier sur les décisions de vote des populations pauvres, analphabètes et facilement influençables par tous ceux qui ont eu à exercer une portion de pouvoir (le mythe de l’administrateur colonial est toujours vivant dans nos villages).

Il est curieux de constater que la CEDEAO qui est une organisation sous régionale, tient à défendre par tous les moyens les intérêts d’un groupuscule contre ceux d’une majorité révoltée. Cette majorité est d’ailleurs soutenue par le sages du pays en témoignent les contenus de leurs rapports au décours des deux crises majeures survenues après la mort du journaliste Norbert Zongo et la chute de Blaise Compaoré.

Les burkinabè ont longtemps soufferts et continuent de souffrir de la dictature du CDP et de sa machine de répression qu’est le RSP. Il est temps de mettre fin à cette tyrannie. L’UA l’a bien compris et a qualifié de terroristes les putschistes du RSP et a pris les mesures idoines. Il est incompréhensible que la CEDEAO, une organisation sous régionale rame à contre courant de la décision de l’UA, une organisation à l’échelle africaine.

Depuis l’élaboration de la charte, j’ai été de ceux qui ont soutenu que la priorité des priorités de la transition était : « vérité, justice, réconciliation », quelque soit le temps que cela devrait prendre. Sans cette justice fondée sur la vérité, il n’y aura pas de pardon réel ni d’élection crédible suivie d’une paix durable au Burkina Faso. Le pardon ne se décrète pas, il se mérite. Voir quelques un de mes écrits antérieurs : http://www.lefaso.net/spip.php%3Farticle60321 , http://bayiri.com/opinions/opinion-n-allons-pas-aux-elections-sans-sortir-de-la-crise-sociale-que-traverse-le-burkina.html

Suite à la décision de la cour de la CEDEAO, j’ai suggéré de saisir cela comme une opportunité car pour exclure les dits dirigeants. Pour ce faire, il faut d’abord identifier et les juger. En effet, la CEDEAO venait de reconnaitre de façon implicite que la justice était indispensable avant toute élection crédible et apaisée au Burkina Faso. Quelque soit la manière de rendre cette justice, elle est indispensable. D’autres pays comme l’Afrique du Sud en ont fait l’expérience pour sortir de leur longue crise.

Plus la liste des morts s’allonge sans que les coupables ne soient inquiétés par la justice, plus les chances de réconcilier les burkinabè entre eux s’amenuisent. Il n’y a pas encore eu de guerre civile au Burkina Faso et il n’y en aura pas si les assassins sont traduits en justice dans les meilleurs délais. C’est la priorité des priorités pour tous ceux qui sont épris de paix et de volonté à aider le Burkina Faso à sortir rapidement de cette crise.

Pensez-vous que les jeunes qui ont menés la révolution, cette insurrection populaire historique en Afrique, se laisseront gouverner par des pro-Blaise ou des pro-RSP sans justice préalable ? Pensez vous que ces pro-Blaise ou pro-RSP, une fois au pouvoir seront prêts à répondre de leurs propres crimes de sang et crimes économiques? C’est au contraire, les jeunes insurgés qui seront recherchés par les services secrets pour les terroriser et les exclure de la vie politique et économique. C’est le cercle vicieux dans lequel que les ennemis du Burkina Faso veulent nous conduire de façon consciente ou inconsciente. Nous rentrerons ainsi dans un cycle de vengeances infernales. C’est un scénario possible car les révolutions sont souvent faites par les citadins mais ce sont les ruraux pauvres, majoritaires (plus de 80%), facilement manipulables (influence du pouvoir financier et du mythe de l’administration coloniale) qui élisent nos dirigeants en Afrique. Ils sont d'ailleurs maintenus dans cette misère par les dirigeants africains de façon cynique, pour les utiliser comme du « bétail électoral ».

En plus de cela, la culture africaine toujours vivante dans les villages, accorde plus de crédit à la parole d’un aîné que celle d’une jeune. Les jeunes diplômés, éclairés, souvent pauvres mais engagés en politique et disposant de bons projets de société pour sortir leur pays de la misère en Afrique sont confrontés à cette triste réalité vivante. La parole d’un jeune diplômé, clairvoyant au cours d'une compagne politique dans un village pèse peu contre celle d’un aîné qui fut directeur, député ou ministre et qui eu à poser dans le passé, quelques actes de charité dans le village grâce aux fonds publics détournés ou volés. C’est la triste réalité de la démocratie en Afrique. C’est pourquoi un ancien président français avait dit que « la démocratie est un luxe pour les africains ». Cela nous avait irrités en son temps mais la réalité est là devant nous.

Ce scénario des pro-Blaise ou pro-RSP au pouvoir serait une prime sur l’impunité au Burkina Faso et donnera un mauvais signal à tous les peuples africains en quête de liberté, de justice et de démocratie.

La conscience, la responsabilité de l’élite intellectuelle burkinabè voire africaine sont vivement interpelées. Nous sommes la cause du sous développement de l’Afrique depuis les indépendances à travers notre complicité passive (silence) ou active. Les plus habiles ont fini par démissionner des luttes politiques africaines en immigrant en occident pour mieux vivre de leur travail tout en oubliant les sacrifices que leurs parents et grands parents ont consenti pour faire d’eux ce qu’ils sont. Nous sommes tous redevables à cette Afrique, très riche en tout, que nous laissons piller impunément.

Arrêtons notre boulimie de gains faciles, de cette richesse financière et matérielle pour enfin défendre les intérêts de la majorité, de cette population africaine maintenue volontairement dans cette pauvreté pour mieux l’exploiter. Soyons des humains et non des vampires !

Dr SOURA Yorba
Consultant indépendant
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