Dans le vif du sujet, je dirais que la forme du dialogue entre les oppositions et la majorité présidentielle, que je salue avec déférence, directe ou « indirecte » selon vous, serait mal engagé au motif que la société civile n'y est pas, moi pour suivre votre logique, aurais ajouté la chefferie traditionnelle.Je vous fais remarquer que ce dialogue, précisément, répond aux vœux des partis politiques d'avoir leur mot à dire. Ce faisant, ils sont dans leur droit et prétention de vouloir gouverner notre pays lorsque le Président de tous les Burkinabè les y invite. La société civile à laquelle vous pensez sans le dire, est arrimée à ces oppositions politiques. Cette société civile est donc le cheval de Troie de ces dernières et il convient de constater que lorsque le cavalier est invité, il attache son cheval. Au demeurant, inviter les sociétés civiles des uns et des autres, c'est risquer de participer à une foire d'empoignades stériles, un show médiatique sans résultat, indigne de notre peuple et du leadership productif de notre président, le Président Compaoré. Gouverner, c'est dialoguer pour atteindre des résultats au moyen de la participation de tous et non jouer les joutes orales avec des élites politiques affublées de dénomination civile. Au demeurant, suivant votre diagnostic qui identifie une crise politique née de la polarisation de la société politique burkinabè, je me désole de constater que vous rebroussez chemin, en rase campagne, pour appeler au secours, un adjuvant, une monture. A-t-on besoin de sa monture exclusive pour trouver son chemin de Damas ? A Kossyam, cher professeur, il n'y a pas de poussière soulevée pour y convoyer vos balayeurs favoris. Ou bien songez-vous en voulant convoyer toutes les clientèles, obtenir une espèce de Tiers-Etat comme en 1789 en France ? Je sais vos penchants révolutionnaires. De là à confondre votre assemblée désirée mais improbable parce qu'inaudible et l' « ordre de rassemblement militaire », j'avoue que vous abusez, par la magie du verbe, des esprits insuffisamment formés pour y découvrir les amalgames et ruines d'une argumentation sans arguments.
La fraude intellectuelle que vous invoquez est vôtre et non le constat de la nécessité pour le bon gouvernement, de rechercher l'optimum d'équilibre au moyen du dialogue. La quête courageuse de ce que j'appelle le consensus arbitral est l'affaire non seulement des oppositions politiques mais aussi et surtout du Président Compaoré, vu ses obligations constitutionnelles. Celles de préserver la quiétude de tous, la charge de la garantie de la pleine jouissance de nos libertés fondamentales et la sauvegarde de la cohésion nationale. Toutes ces valeurs de la république ne concernent pas que la société politique burkinabè. Elles nous concernent nous tous, surtout nous qui n'avons aucune carte de militant politique.
Ainsi, se saisir de sa calculette des préalables de « mise en confiance » nécessaire là où vous attestez ou escomptez une excroissance de la crise, votre crise, est une inconséquence de votre part. A-t-on besoin de préalables, d'un seul, si votre descriptif de la crise est juste, au chevet de la mère malade ? Au lieu de dénoncer une prouesse transformiste de l'article 37 en un problème opposant les deux forces de la société politique ( tel n'est-il pas le cas ?), mettez votre plume au service du peuple en l'invitant à s'inscrire sur les listes électorales, à participer comme citoyens libres et égaux (gains de la Révolution de 1789) que le Tiers-Etat a obtenus,et dont nous jouissons sous la IVème République, aux fins de transformer, j'emprunte votre mot, le référendum en un acte populaire de la révocation du leadership du Président Compaoré. Puisque son seul nom est votre obsession. Vous en finirez une fois pour toutes, vous vous donneriez les moyens constitutionnels d'écourter son mandat. Considérant que le nerf probant de votre argumentaire est focalisé sur l'article 37, vous avez le loisir de contraposer, courageusement, vos arguments si vous en avez, sans convoquer un consensus antérieur dans des circonstances historiques délimitées et qui, pour le républicain que vous voulez incarner, aurait dû être sanctionné par un référendum. Aujourd'hui, les pro comme les anti-référendums se seraient rendus à une évidence, celle du parallélisme des formes. Advenant la tenue du référendum, personne n'oserait changer cet article qui octroie le saint graal, pensez-vous, sans un autre appel au peuple. Hélas ! Vous avez failli en 2000 et donc, ne nous opposez pas pour mieux couvrir votre faillite. Le peuple est magnanime. Ne vous inquiétez pas.
Voyez-vous cher aîné, lorsque vous convoquez l'année 2000, notre génération se dit que vous avez été inconséquent si tant est que vous vouliez « sanctuariser » cet article et qu'au surplus, un démocrate soumet Toujoursun accord passé entre bonnes gens de la société politique à l'approbation populaire. Dans son libellé comme dans votre volonté de « sanctuarisation », ce consensus aurait dû l'être par voie référendaire.Mais fort opportunément, vous vous en êtes remis à la sagesse de l'interprète authentique. Dont acte. De la perspicacité intellectuelle, qu'en avez-vous faite en 2000 ? Si hier, vous aviez manqué platement de perspicacité, pourquoi aujourd'hui, diantre, on vous accorderait le mérite de la claire perception des enjeux auxquels, comme peuple burkinabè, nous sommes confrontés ? Au surplus, comme démocrates et républicains, pouvez-vous nous convaincre que le destin émancipatoire du peuple est inscrit dans la redondance ni, ni, ni. Quelle perspective !
Pour le petit peuple qui cherche sa voie, absorbé dans des préoccupations quotidiennes, que signifie un triple nom, un panier percé qui laisse passer tous les jetons comme dirait l'autre, affecté à celui qui se veut tâcheron de sa propre vie en phase avecla réalité vécue ? La vie est changement et donc le consensus d'hier ne peut être opposable à celui d'aujourd'hui surtout lorsqu'il s'agit d'aller devant le peuple. Héraclite nous invite à constater, vu le temps comme écoulement, qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Recherchez aujourd'hui un modus operandi auquel j'invitais les élites de notre pays en janvier lorsque la moue insurrectionnelle était le lot commun des oppositions, ce n'est pas du temps perdu mais c'est attester que les dirigeants des oppositions ont refusé pendant longtemps d'affronter courageusement leur destin démocratique. C'est surtout, cher professeur, que les oppositions politiques sont parvenues après le parcours des dénégations au paradoxe de l'évidence.
Vous l'énoncez vous-même : « la révision de l'article 37 et le Sénat étant inscrits dans la Constitution, sont » non pas « légalisés », pure tautologie que vous exhibez, puisqu'on ne saurait légaliser ce qui est primitivement légal de par la Constitution. Tous les Constituants sont tombés d'accord sur cette évidence. Par votre raisonnement logique, vous aboutissez à cette même évidence. Ce paradoxe de l'évidence qui vous renverse, ne vous autorise nullement, loin s'en faut, de collectionner des tautologies comme faire-valoir. La cause perdue mérite, certes, d'être défendue. Se faire l'avocat du diable est un droit, si tel est votre choix. Les droits du citoyen sont garantis dans notre Constitution. Ils appartiennent à tous. Mais de grâce ! De l'élégance morale comme il en va de l'élégance logique suivant Kant, devant un paradoxe, celui de l'évidence.
Respectueusement,
Mamadou Djibo, Ph.D.
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