« Faiblesse du niveau d’instruction, et inefficacité de notre système éducatif… »

| 03.06.2016
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« Faiblesse du niveau d’instruction, et inefficacité de notre système éducatif… »
© DR / Autre Presse
« Faiblesse du niveau d’instruction, et inefficacité de notre système éducatif… »
Il faut se rappeler ce constat, extrait du discours de politique générale du premier ministre Paul Thiéba le 5 février dernier, alors que près de 245 000 collégien(ne)s sont en train de plancher, qui pour obtenir son BEPC, qui son CEP ou son CAP.


Ce constat est choquant. Pour le moins il devrait choquer, et tous les acteurs de l’éducation : parents, parents d’élèves, enseignants, ministres et ministères, et imposer à l’esprit de tous la nécessité d’une refondation immédiate du système éducatif. Pourtant il semble ne choquer personne d’autre que les élèves qui se plaignent régulièrement de cette inefficacité patente, dont ils sont les premières victimes.

Dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, après avoir établi cet affligeant constat que « la capacité productive est limitée par la faiblesse du niveau d’instruction et l’inefficacité de notre système éducatif » [feignant d’ignorer que la capacité productive s’acquiert, non par l’enseignement général seul, mais combiné à un apprentissage de production, par un enseignement technique et professionnel !) le premier ministre a énoncé l’engagement de son gouvernement à construire des infrastructures.

Initiative louable, certes, qui tendra à réduire les surcharges d’effectifs, mais qui privilégie, encore et toujours, l’enseignement général aux dépens de l’enseignement technique et professionnel, n’apportant ainsi qu’une fausse réponse au premier constat (capacité productive), mais aussi au second constat énoncé : « La croissance de notre économie est dramatiquement contrainte par l’insuffisance des capacités dans tous les coeurs [corps] de métiers ». Il est bien dit « métiers », or, l’enseignement général ne prépare à aucun métier, mais au mieux à des fonctions.

Au cours des cinq années à venir, 2016 compris, il est prévu de construire les infrastructures suivantes :

  • 310 nouveaux collèges du post primaire, prévus bien sûr pour l’enseignement général seul ;
  • 45 centres de formation technique et professionnelle, soit 7 fois moins que de nouveaux collèges !
  • 20 lycées professionnels, soit 14 fois moins que les 286 nouveaux lycées d’enseignement général prévus ;
  • et 13 lycées scientifiques dans les différents chefs-lieux de régions. Merci pour cette innovation.

Les surcharges d’effectif par classe sont, en effet, une des causes de la faillite du système éducatif, et il est louable de prévoir des infrastructures supplémentaires, mais vouloir augmenter la capacité productive et la croissance de notre économie, cela supposerait d’accorder une importance considérable à l’apprentissage des métiers, et ce n’est pas l’orientation choisie, preuve s’il en fallait qu’il n’est pas question d’inverser radicalement la tendance, et de réduire le déséquilibre entre enseignement général et enseignement professionnel.

Selon les données statistiques DEP/MESSRS de 2007-2008 (dernières statistiques auxquelles nous avons eu accès), l’enseignement technique et professionnel ne représentait que seulement 6,43 % des effectifs totaux de l’enseignement secondaire, soit exactement 25 587 élèves.

Trop peu de jeunes Burkinabè ont la possibilité de suivre les cycles d'enseignement de métiers (éloignement des structures, peu ou pas d’hébergement sur place) ; les autres, la grande majorité, s'ils parviennent à poursuivre leurs études, débouchent pour la plupart sur l'impasse du chômage, exceptés ceux qui parviennent à entrer dans la fonction publique. Mais le Burkina Faso a-t-il donc tant besoin de fonctionnaires qu'il contraigne 90 % de sa jeunesse, dans la grande majorité de ses structures, à n'acquérir que des connaissances générales, formant ainsi davantage de chômeurs que de producteurs ?

D’ailleurs, pourquoi distinguer, séparer les enseignements ? Pourquoi ne pas les mener conjointement, et permettre aux élèves des collèges d’acquérir des connaissances professionnelles en même temps que l’enseignement général ? Cela serait-il trop coûteux ? Mais rien n’est trop coûteux si c’est là la voie pour augmenter la capacité productive et la croissance de notre économie !

Mais une refondation du système éducatif n’est pas à l’ordre du jour, ni à celui des cinq prochaines années, et le constat est amer : les écoles généralistes des cinq années à venir seront encore des fabriques à chômeurs [à moins de faire entrer tous les lauréat du CEP, du BEPC et du BAC dans les Forces de sécurité, pour résoudre à la fois le chômage, l’insécurité, et l’épineuse question des Koglwéogo...]

Jacques Zanga Dubus

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