Éviction des avocats étrangers par la justice militaire Burkinabè : Une décision de droit ou un simple acte d’humeur ?

| 23.12.2015
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Éviction des avocats étrangers par la justice militaire Burkinabè : Une décision de droit ou un simple acte d’humeur ?
© DR / Autre Presse
Éviction des avocats étrangers par la justice militaire Burkinabè : Une décision de droit ou un simple acte d’humeur ?
Suite au coup d’état manqué du 16 septembre 2015 au Burkina Faso, le général Djibrill Bassolé ancien ministre des affaires étrangères fut arrêté. Il est accusé d’avoir été complice des putschistes en l’occurrence les éléments de l’ancienne garde présidentielle, puis qu’elle est dissoute, le RSP (Régiment de Sécurité Présidentielle) avec leur tête le général Gilbert Diendéré. Ainsi, inculpés pour six chefs d’accusations, le général BASSOLE séjourne aujourd’hui à la MACA (Maison d’Arrêt et de Correction des Armées) à Ouagadougou.


Pour se défendre des accusations dont il est victime, il a naturellement pour constituer sa défense demandé les services d’avocats au rang desquels certains venus de l’étranger. Selon ma source, il s’agit des avocats de pays voisins comme le Niger, le Togo, le Sénégal ... et un venu de la France. Ces derniers, avaient bien commencé leur travail en prenant connaissance du contenu du dossier et autre procédures à cet effet. Malheureusement, le juge militaire va interrompre leur activité en arguant que les avocats étrangers ne sont pas admis devant le tribunal militaire Burkinabè. En effet, selon les informations relayées, en se référant au code militaire en son article 31 le juge d’instruction à juger irrecevable la participation d’avocats étrangers devant le tribunal militaire burkinabè.

Or cet article 31 du code militaire dit ceci :

« La défense devant les tribunaux militaires est assurée par les avocats inscrits au barreau ou admis en stage, ou par les Officiers ou Sous-Officiers militaires agrées par le Ministre de la Défense.

Sous réserves des dispositions particulières prévues par les conventions internationales, les Avocats de nationalité étrangère ne sont pas admis devant les tribunaux militaires. »

Quand l’on lit cet article, on peut percevoir que dans le principe l’avocat étranger n’est admis. Mais, dans l’exception il est admis à condition bien sûr que les conventions internationales le permettent. Or le droit c’est les deux aspects de la loi à savoir le principe et l’exception.

Des conventions internationales à cet effet.

L’on sait qu’avec le communautarisme certains accords ont rendu caduques certaines de nos lois internes.

Vu que le Burkina est membres de différents espaces communautaires à savoir l’UEMOA et CEDEAO. Nous sommes certainement confrontés à des accords à respecter. Je peux citer dans ce sens le principe de la libre circulation des biens et des personnes dans l’espace UEMOA. Dans ce principe l’on tire la libre circulation des avocats dans cet espace. Lequel droit intègre, le droit de résidence, le droit d’établissement et la libre prestation de services.

Le juge Burkinabè a pourtant rejeté les avocats de l’espace UEMOA. Alors l’on pourrait se demander s’il est à jours, car son acte est en violation fragrante de dispositions conventionnelles que reconnait le Burkina en l’occurrence

Le règlement N°10/2006/CM/UEMOA relatif à la libre circulation et à l’établissement des avocats ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA et du Règlement N° 05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA et qui a pour but de créer un marché commun de la profession d’avocat, et spécialement les articles 2 et 3 du Règlement N°10/2006/CM/UEMOA qui prévoient, comme il suit, de manière explicite, une liberté d’exercice totale au sein de l’espace UEMOA, sans limitation territoriale, pour tout Avocat issue de l’un des Etats membre de l’UEMOA, dont le Niger, le Togo, le Sénégal et le Burkina Faso font naturellement partie :

Article 2 :

  1. « Le présent Règlement a pour but de faciliter la libre circulation et l’établissement de tout Avocat ressortissant de l’Union dans un État membre autre que celui auquel appartient son Barreau.
  2. Le présent Règlement s’applique aux Avocats inscrits aux Barreaux des États membres de l’UEMOA.

Les dispositions nationales, législatives, réglementaires ou conventionnelles demeurent applicables à condition qu’elles ne soient pas contraires aux dispositions du présent Règlement. »

Article 3 :

  1. « L’Avocat inscrit au Barreau d’un état membre de l’UEMOA peut circuler librement dans les États de l’Union.
  2. La libre circulation s’entend pour l’Avocat :

a) du droit de procéder ponctuellement à tous les actes auxquels procèdent les avocats du Barreau d’accueil ;
b) du droit de se faire représenter par des collaborateurs ou avocats stagiaires. Dans ce dernier cas, ceux-ci doivent être munis d’un mandat spécial. »

Dès lors, nous nous demandons sur quelle base les avocats ressortissants de l’espace l’UEMOA, ont été évincés ? Est-ce le droit ? Ou un acte d’humeur ?

En attendant, les avocats du général Bassolé ont fait appel pour que le droit soit dit selon les règles en vigueur. De sources bien introduites font état du résultat du recours sur la question ce mardi 22 décembre à la justice militaire à Ouagadougou.

Mais avant l’on ne saurait ignorer les dire du nouveau bâtonnier du Faso Me Mamadou Savadogo qui va dans le sens de la possibilité pour les avocats de l’espace UEMOA de défendre devant les tribunaux burkinabè. Il disait donc à ce titre « je place mon mandat sous le signe de l‘ouverture. Ceci, en accueillant de jeunes avocats, de façon à construire un barreau avec des jeunes de plus en plus compétents, de plus en plus pointus, à même de tenir la concurrence des avocats étrangers qui vont bientôt venir dans notre pays ; parce que nous faisons partie d’un espace commun qui est l’UEMOA où les avocats peuvent s’établir comme ils veulent ».

Espérons que le droit sera dit, que chaque partie comprenne et que le Burkina soit épargné du qualificatif d’Etat voyou.

Kio Leon
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