Contre toute attente, la chambre de contrôle à l’issue de son audience du 22 décembre 2015 a rejeté l’appel interjeté par les avocats de M. Djibrill Bassolé au sujet de l’ordonnance du juge d’instruction militaire François Yaméogo aux fins de rejet de la constitution des avocats étrangers. En d’autres termes, la juridiction d’appel donne raison au juge d’instruction en charge du dossier d’avoir évincé les avocats français , nigérien, sénégalais et togolais que M. Bassolé avait choisi pour assurer la défense de ses intérêts aux côtés de ses avocats du Burkina Faso.
En attendant de connaitre les vraies raisons de cette obstination à persévérer dans la violation de nos textes communautaires (Le règlement N°10/2006/CM/UEMOA relatif à la libre circulation et à l’établissement des avocats ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA et du Règlement N° 05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA et qui a pour but de créer un marché commun de la profession d’avocat, et spécialement les articles 2 et 3 du Règlement N°10/2006/CM/UEMOA qui prévoient, comme il suit, de manière explicite, une liberté d’exercice totale au sein de l’espace UEMOA, sans limitation territoriale, pour tout Avocat issue de l’un des Etats membre de l’UEMOA, dont le Niger, le Togo, le Sénégal et le Burkina Faso font naturellement partie) ainsi que des conventions bilatérales et multilatérales. On peut aisément constater que le Burkina Faso de la transition ne se soucie guère de la prévalence du droit international sur notre droit interne, ni des conséquences que cette non considération sur le pays.
Il est important pour l’opinion de savoir que le droit de se faire assister par un défenseur de son choix est garanti par, entre autres, le pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (art 14) et la charte africaine des droits de l’homme (art 7) ainsi que l’art 4 de la constitution du Burkina Faso qui dispose « le droit à la défense y compris celui du choisir librement son défenseur est garanti devant toutes les juridictions. »
Malheureusement, fort est de constater que le juge militaire a foulé aux pieds tous ces textes dont il est partie prenante et pris la décision de rejeter les avocats que le droit permettait à M. Bassolé de prendre. Il convient de souligner ici les dispositions du code militaire encadrant la défense devant le tribunal militaire burkinabè. En effet la défense est traitée à la section 6 du code en ces termes :
SECTION 6 : DE LA DEFENSE
ARTICLE 31 : - La défense devant les tribunaux militaires est assurée par les avocats inscrits au barreau ou admis en stage, ou par les Officiers ou Sous-officiers militaires agréés par le Ministre de la Défense.
Sous réserves des dispositions particulières prévues par les conventions internationales, les Avocats de nationalité étrangère ne sont pas admis devant les tribunaux militaires. Il est donc clair ici que les avocats qui sont permis par les conventions internationales sont admis devant les tribunaux militaires Burkinabè, d’autant plus que les dispositions particulières prévues par les conventions internationales que même l’article 31 du code de la justice militaire prévoit sont précisément les dispositions que toute juridiction créée au Burkina Faso (fut elle militaire ) doit impérativement respecter. Autrement dit et au vu des textes internationaux auxquels le Burkina a souscrits, les avocats étrangers sont admis.
Du reste, la tradition juridique et démocratique ne veut qu’une juridiction créée par la loi se conforme à la constitution et aux exigences des conventions internationales sinon elle devient une juridiction d’exception digne des régimes totalitaires et autocratiques.
C’est dire donc, qu’au-delà des manquements sur les aspects juridiques de l’éviction des avocats étrangers par la justice militaire burkinabè, c’est la crédibilité même de notre système judiciaire et l’image du Burkina Faso qui sont en cause.
En effet, la décision d’un juge d’instruction d’évincer des avocats qui ont été autorisés par ce dernier (le juge) d’avoir accès au dossier et à leur client a choqué les milieux de la profession qui l’ont fait savoir à travers un communiqué à l’issue de la conférence des barreaux de l’UEMOA du 10 décembre 1015 à Cotonou au Benin.
Ce communiqué n’a pas manqué de dénoncé « un précédent dangereux de nature à compromettre les importants efforts déployés pour permettre l’intégration de nos barreaux, de nos justices et de nos pays. ».
Pour ce qui est de la justice, quelle garantie de transparence peut-on attendre d’un procès confié au tribunal militaire, si pour un dossier aussi important, le juge d’instruction militaire se donne toute la latitude pour une question de secret défense (semble-il) d’évincer les avocats étrangers. Laquelle éviction viole un droit fondamental du justiciable, celui du droit à la défense.
Que cherche-t-on à cacher dans ce dossier ? Lorsqu’on sait que devant le même tribunal dans le cadre d’autres dossiers (Affaire Thomas Sankara ...) des avocats étrangers hors UEMOA assistent et défendent les intérêts de leurs clients.
De sources proches du tribunal militaire estiment que ce sont les déclarations de Me Varaut, estimant que le dossier Bassolé est juridiquement vide qui ont entrainé le raidissement du tribunal militaire. D’autres sources révèlent que c’est la prise en compte des écoutes et des enregistrements téléphoniques qui amènent le tribunal militaire à écarter les avocats étrangers de peur qu’ils ne découvrent et révèlent les origines et les montages des bandes d’enregistrements reversées au dossier.
Dans tous les cas, la tentative de judiciarisation des écoutes téléphoniques largement diffusées par ailleurs à travers les medias et brandies par les plus hautes autorités de l’exécutif de la transition ainsi que la récente éviction des avocats étrangers constituent de sérieuses entorses à la procédure judiciaire en cours contre M. Bassolé. C’est avec raison que ses avocats affirment « Nul ne peut contester le fait que cette décision d’éviction des avocats étrangers témoigne d’un raidissement de l’autorité judiciaire et au-delà, malheureusement d’une volonté manifeste d’essayer d’éviter un regard international, en évinçant les avocats étrangers espérant ainsi vainement pouvoir préserver dans une procédure à tous égards arbitraire, gravement irrégulière tant elle est attentatoire à la constitution du Burkina, au code de procédure pénale du Burkina et à la loi internationale. »
Les autorités de la transition finissante, en désespoir de cause, cherchent par tous les moyens à charger le dossier de Monsieur Djibrill Bassolé qui reste judiciairement vide.
Ses avocats ne manqueront pas certainement pas d’exploiter ce qui semble à mon humble avis être des erreurs susceptibles d’invalider une procédure dans un système judiciaire normal et digne de ce nom.
Ko Lassina
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