Entretien du Premier Ministre Yacouba Isaac Zida avec la presse le jeudi 27 novembre 2015 : Osons espérer que l’âge d’or est enfin arrivé.

| 05.12.2014
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Entretien du Premier Ministre Yacouba Isaac Zida avec la presse le jeudi 27 novembre 2015 : Osons espérer que l’âge d’or est enfin arrivé.
© DR / Autre Presse
Entretien du Premier Ministre Yacouba Isaac Zida avec la presse le jeudi 27 novembre 2015 : Osons espérer que l’âge d’or est enfin arrivé.
Sous la 4e République, nous avons suivi une déclaration de politique générale d'un de nos Premiers Ministres devant l'Assemblée nationale. Toutes les préoccupations des populations avaient été passées au peigne fin, de grands chantiers annoncés assortis d'objectifs précis, des engagements pris pour mener une lutte sans merci contre les grands fléaux qui minent notre société. C'était en octobre 2007.


Quand nous avons écouté l'interview qu'a accordée le Premier Ministre Yacouba Isaac Zida à des organes de presse le 27 novembre dernier, nous avons eu les mêmes sentiments qu'en 2007. Chapeau bas aux journalistes que nous avons trouvés à la hauteur de l'évènement compte tenu du contexte, et félicitations au Premier Ministre qui a prouvé qu'il a pris la bonne mesure de l'exaspération des citoyens vis-à-vis du pouvoir déchu, qu'il appréhende dans une large mesure leurs aspirations profondes. Il faut toutefois savoir raison garder et tenir un langage mesuré car l'échéance de la transition, qui est maintenant de moins de 12 mois, est vite arrivée. Le Premier Ministre a su faire renaitre en nous l'espoir, tout comme l'avaient fait certains de ses prédécesseurs à ce poste.

Voici ce que nous disions en 2007 et qui est plus que d'actualité en 2014 : « Là où la différence se fera surtout, c'est à l'action. Sur les plans politique et économique, vous avez touché à l'essentiel. Sur le plan social, celui de la justice sociale notamment, nous vous souhaitons beaucoup de courage car il y a de grands défis à relever. Vous avez exprimé votre souci d'une justice équitable pour tous : grands comme petits, riches comme pauvres, sans discrimination de statut, de classe, de confession religieuse ..., et nous l'espérons, de conviction politique aussi.

Les innombrables commissions, comités et autres cadres de lutte contre tel fléau ou tel mal social n'y feront rien. C'est le courage et la détermination à sanctionner quand il le faut, et conformément à la loi, qui ont le plus souvent manqué. La conséquence de ce manque de prise de responsabilités est que les contrevenants, n'étant pas inquiétés, narguent les citoyens honnêtes tout en développant d'autres stratégies pour mieux détourner les fonds publics, mieux spolier les biens de l'Etat, de tous les contribuables. [...]

A ceux qui depuis longtemps étaient convaincus que la « morale qui agonisait » il y a déjà quelques longues années a maintenant rendu l'âme aux pays des Hommes intègres, vous redonnez espoir et un sens à la vie. Que Dieu vous bénisse et vous aide avec votre gouvernement, et que vous ayez des coudées franches pour qu'enfin cesse l'arrogance des malfrats à col blanc, des personnes qui, sûres de leurs alliances ou affinités, bafouent la morale et se fichent du droit, s'achètent la raison quand elles ont tort, jetant parfois du discrédit sur tous nos éminents hommes et femmes de droit embarrassés parfois de voir leurs collègues faire déposer des menus fretins à la MACO *, pendant que les gros silures se la coulent douce. Qu'enfin cesse la promotion de la médiocrité à travers les diplômes et les postes achetés, et que seul le mérite soit le critère par excellence lors des examens et concours pour accéder aux écoles de formation professionnelle et à l'emploi »

Nous saisissons l'occasion pour partager notre inquiétude par rapport à une pratique qui, en d'autres temps, n'aurait pas suscité en nous une quelconque réaction car ce sont ces genres de pratiques peu amènes qui ont constitué les fondements et la superstructure du système déchu. Il s'agit des dons en numéraire ou en nature que certaines autorités font à des structures publiques comme privées, lors de leurs tournées ou visites effectuées dans celles-ci. Nul n'imaginera à quel point des deniers et autres bien publics, donc de tous les contribuables burkinabè, ont été détournés de leurs destinations initiales pour être utilisés à des fins personnelles de campagne, de propagande et d'opérations de charme.

Nous n'attendons pas de nos présidents d'institutions, ministres, directeurs ... qu'ils soient des bailleurs de fonds. Nous connaissons le niveau de vie général au Faso, et la grille salariale et indemnitaire de la fonction publique (pour ceux qui sont issus de ce corps). Ce que nous attendons, c'est un plan et un programme de développement inclusifs, solidaires et équitables, et une redistribution juste des fruits de la croissance.

Nous proposons que si de tels dons sont faits à l'avenir, que l'on en précise l'origine : contribution du budget de l'Etat, dont à titre personnel, gratification d'untel, don de partenaires au développement ...Cela participe de la transparence dans la gouvernance et la gestion de la chose publique, et a le mérite d'eviter les lourds soupçons ou accusations de malversations, que certains s'empressent de qualifier de sans fondement sans pour autant rien faire pour lever ces soupçons.

Qu'enfin soit votée et appliquée la loi sur le délit d'apparence. Selon nos experts juristes, « tout accusé est présumé innocent » Cependant, a regarder de près le train de vie de certains individus au Burkina Faso, leur niveau de qualification leurs origines socioéconomiques et la rapidité déconcertante avec laquelle ils se sont enrichis, nous-nous demandons s'il ne faudrait pas inverser les choses et parler de « présomption de culpabilité », quitte à ce que les présumés coupables démontrent leur innocence.

Il nous parait aussi nécessaire que nos élus (députés et maires surtout) mettent à profit cette renaissance pour recadrer les choses, eux qui n'ont pas encore voulu ou réussi à extirper de la conscience collective l'image de bailleurs de fonds ou d'hommes providence qui leur colle à la peau. La pression sociale qui en résulte, du reste crée et entretenue par nos élus, fait qu'un de leurs soucis majeurs a parfois été de proposer et voter des lois pour améliorer leurs émoluments ou frais de sessions, si ce n'est pour obtenir un traitement spécial à leur retraite. Jusqu'ici, nous n'avons pas connaissance d'autres fonctions du député que celles de consentir l'impôt, voter les lois et contrôler l'action gouvernementale. Si par ses relations personnelles avec des partenaires locaux ou extérieurs, un élu arrive à mobiliser des ressources pour le développement de sa localité, tant mieux. C'est un plus pour sa mission et non sa finalité.

Il faut en finir avec ce sentiment malheureux de l'eternel complot des intellectuels sinon des diplômés africains, à l'encontre de leurs populations. Ils utilisent ces populations pour accéder au pouvoir et une fois au sommet, le bien-être de ces populations devient le dernier de leurs soucis. Quel sens peut-on donner à ce triste spectacle de gens qui ont du pain, du beurre, du lait et qui se battent pour obtenir de la confiture, pendant que dans nos campagnes, des femmes perdent la vie en voulant donner la vie à de potentiels futurs présidents de la République, premiers ministres, ministres, députés ... simplement parce que le petit cours d'eau qui les séparent de la formation sanitaire habilitée à effectuer la césarienne est infranchissable, la seule pirogue qui assure habituellement la traversée étant défaillante.

Cynthia Benao
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