Chefs d'Etat de la CEDEAO : Ils pratiquent l'exclusion mais veulent imposer l'inclusion aux Burkinabè

| 10.10.2015
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Chefs d'Etat de la CEDEAO : Ils pratiquent l'exclusion mais veulent imposer l'inclusion aux Burkinabè
© DR / Autre Presse
Chefs d'Etat de la CEDEAO : Ils pratiquent l'exclusion mais veulent imposer l'inclusion aux Burkinabè
Suite au putsch du RSP, les chefs d'Etat de la CEDEAO ont proposé des accords de sortie de crise. L'inclusion des candidatures invalidées sur la base du nouveau Code électoral figurait dans les points d'accord.

 

Pourtant, certains de ces chefs d'Etat qui comptent imposer aux Burkinabè l'inclusion sont passés maîtres dans l'exclusion de leurs opposants.

Le fervent défenseur des élections inclusives au Burkina Faso est le président ivoirien Alassane Ouattara. Au sommet extraordinaire des chefs d'Etat de la CEDEAO à Dakar le 12 septembre, il avait pesé de tout son poids pour contraindre le président de la Transition Michel Kafando à trouver le mécanisme de prise en compte des candidatures des membres du CDP invalidées. Michel Kafando n'a pas cédé à ses injonctions. Alassane Ouattara pouvait-il donner des leçons d'inclusion au Burkina Faso? Rien qu'en fin de semaine dernière, un homme politique, Samba David, membre de la Coalition nationale pour le changement (CNC), a été condamné à 6 mois de prison ferme pour avoir appelé à une marche de protestation contre la candidature d'Alassane Ouattara. Ce militant de l'opposition a été interpellé chez lui le 13 septembre 2015. A sa libération de prison, Alassane Ouattara aura eu le temps de se faire réélire à l'élection présidentielle du 25 octobre 2015.

L'opposition proteste contre la candidature de Ouattara parce que la Constitution ivoirienne stipule qu'une personne qui jouit d'une autre nationalité ne peut être candidate à la présidentielle. Faire emprisonner un opposant est la meilleure manière de l'exclure de l'élection. Outre cette arrestation et condamnation, on se souvient que Ouattara est arrivé au palais présidentiel en 2011, après une crise qui a duré 8 ans suite à un coup d'Etat transformé en guerre civile. Cette situation a entraîné de nombreux morts et on estime à 3 000 personnes tuées entre octobre 2010 et avril 2011. Une fois arrivé au pouvoir, ses premières décisions furent la liquidation du parti de Laurent Gbagbo. Ce dernier a été conduit à la Cour pénale internationale et l'emprisonnement de son épouse Simone Gbagbo depuis cette date a débouché sur sa condamnation à 20 ans de prison. Plusieurs cadres du parti de Gbagbo ont subi le même sort.

Le président sénégalais Macky Sall, qui a conduit la médiation de la CEDEOA, n'est pas exempt de tout soupçon en matière d'exclusion. Une fois installé au pouvoir, il a créé un tribunal spécial, la Cour de répression de l'enrichissement illicite, dont la plus grosse victime a été son potentiel concurrent politique, Karim Wade. A l'issue d'un long procès, Wade a été condamné à 6 ans de prison. Tout comme Alassane Ouattara, Macky Sall exclut ses opposants en passant par la justice pour les emprisonner.

L'élection présidentielle au Bénin est prévue pour mars 2016. Le président béninois Yayi Boni a longtemps entretenu le flou sur sa volonté de briguer un 3e mandat, alors que la Constitution ne le permettait pas. Même si finalement il a été contraint à renoncer, Yayi Boni n'a pas manqué de tenter d'exclure un potentiel rival, l'homme d'affaires Patrice Talon. Accusé de tentative d'empoisonnement sur la personne de Yayi Boni, Patrice Talon a été contraint à l'exil en France depuis septembre 2012.

Le voisin togolais Faure Eyadéma n'est pas en odeur de sainteté avec la Transition. Il a toujours été proche de l'ex-président Blaise Compaoré et compte de ce fait des amis au CDP et dans les rangs des militaires comme Gilbert Diendéré. La rumeur de Ouagadougou n'informe-t-elle pas qu'il aurait envoyé un avion pour exfiltrer Diendéré mais que l'appareil n'aurait pas obtenu une autorisation d'atterrissage?

Le contexte sous-régional n'est donc pas favorable à la Transition, encore que certaines mesures prises impliquent des proches des présidents de pays voisins du Burkina Faso. Le soutien burkinabè pourrait provenir du Niger, du Ghana et surtout du Mali dont le président, une fois élu, a mis Blaise Compaoré sur la touche de la médiation, préférant se tourner vers le Maroc puis l'Algérie.

Conscients qu'ils ne comptent pas beaucoup d'amis dans la CEDEOA, les Burkinabè ont pris leur destin en main. Après avoir rejeté l'autocratie, le peuple burkinabè a trouvé la solution à ses problèmes. La CEDEAO ne pouvait que constater et soutenir ce que les Burkinabè auraient eux-mêmes décidé. La résolution interne de la crise a pris la CEDEAO et même les putschistes de court. N'est-ce pas pour cela que Macky Sall n'était pas venu à la cérémonie de réinstallation du président Kafando le 23 septembre 2015? Depuis Abuja, il avait été annoncé avec d'autres chefs d'Etat à Ouagadougou pour le 23 septembre pour poursuivre les négociations avec les putschistes.

Une fois exfiltré à la résidence de l'ambassadeur de France au Burkina Faso, le président de la Transition a peaufiné sa stratégie de reconquête du pouvoir pendant que l'armée nationale encerclait Ouaga, prête à donner l'assaut sur le refuge du RSP afin de contraindre les putschistes au désarmement. Le 23 septembre, pendant que Gilbert Diendéré s'apprêtait à accueillir les chefs d'Etat avant de passer la main à Michel Kafando, ce dernier livrait une déclaration où il annonçait sa reprise du pouvoir. Les ambassadeurs influents menacèrent de ne pas participer à la cérémonie de réinstallation de Kafando si Diendéré s'y pointait.
La venue du contingent de chefs d'Etat de la CEDEAO dirigé par Macky Sall n'avait plus son sens. La CEDEAO est connue pour ses longues médiations. Pendant combien de jours, de semaines, de mois ou d'années celle entamée par Macky Sall allait durer?

Djénéba Sangaré

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