Les Burkinocrates prévoient que vous n’aurez pas d’état de grâce, ce répit tribunitien, dont le temps est variable selon les urgences, tant les travaux d’Hercule qui vous attendent sont pressants.
A commencer par la remise en jambe de l’Etat burkinabè, un Etat sur quasi répondeur, même si la transition a essayé de faire ce qu’elle pouvait pour sauver l’essentiel.
En vous accordant leur confiance, il y a un mois, les Burkinabè vous ont envoyé un message fort : il est temps d’espérer à un avenir meilleur, à l’égalité des chances : rideau sur l’ère Compaoré, place au franchissement d’un nouveau cap. Cette césure devra s’opérer dans la bonne gouvernance, une justice indépendante, et la lutte contre le chômage. Cette politique décriée du régime déchu, que vous avez servi, avant de vous en démarquer, apparaît alors comme votre cuirasse et votre ventre mou. Vos adversaires politiques affirment nezza voce qu’il n’y a pas eu d’alternance ce 29 novembre 2015, mais la continuité dans le changement. La fermeté dans l’action devra être la réponse à ces Cassandres du changement.
Ni le Roch Premier ministre, ni celui président de l’Assemblée nationale ne doivent se confondre avec le Roch né le 29 novembre 2015, car c’est ceint du Saint graal politique que vous agissez désormais.
En signifiant tout de suite que la transition est terminée, et qu’il y a maintenant un pouvoir légitime et légal qui a un quinquennat devant lui pour réaliser son programme pour lequel il a été élu. Plus question que l’action gouvernementale soit parasitée par des OSC, de quelle que nature que ce soit, le jeu de contre-pouvoir étant le rôle a elles dévolu. Les exutoires salutaires doivent aller de décrescendo à décrescendo, place aux actes.
Relancer la machine administrative encalminée et poussive, nécessiteront l’efficience et le savoir-faire d’une équipe dynamique que complètera votre expérience personnelle. A condition que ladite équipe soit à labour et pleine d’opiniâtreté.
Naturellement, de nombreux dangers vous guettent, à commencer par les dossiers brûlants et pendants à vous légués par les autorités de la transition : les affaires Thomas Sankara, Norbert Zongo, putsch du 16 septembre par exemple, doivent être apurées et les Burkinabè ne transigeront avec aucune défausse de votre part.
Le dialogue social avec les syndicats, et toutes les couches socio-professionnelles, est une condition sine qua non à toute relance, et à l’avènement d’une paix durable.
La question de l’armée devra être résolue de façon consensuelle, une fois pour toutes, car la grande muette qui a cessé de l’être depuis les années 80 est un des freins à l’avènement de l’Etat de droit et à l’enracinement véritable de la démocratie, de par le comportement de certains militaires. La preuve, encore par le 16 septembre 2015 !
Mais il y a d’autres chausse-trappes consubstantielles même à l’exercice du pouvoir d’Etat : l’entourage. «On n’est jamais sauvé que par les siens, mais on n’est jamais aussi trahi que par les mêmes siens», dit l’adage populaire. Vous avez été hissé à ce niveau avec l’aide de camarades, dont les plus emblématiques restent Salif Diallo et Simon Compaoré, vos 2 co-mousquetaires. Chacun de vous a ses fidèles qui seront qui ministres, qui DG et souvent, par eux qu’advient le clash, et que le ver s’introduit dans le cœur du pouvoir. Certes, vous êtes réputé capable de gérer de tels désidérata, mais vigilance !
Et encore, le MPP, l’appareil politique qui vous a permis d’accéder à la magistrature suprême, comporte en son sein, des militants qui ont soit fui le CDP, ou ailleurs, et qui, en réalité, n’ont pris que le train de la victoire en marche. Incapables d’emprunter les sentiers rugueux de l’opposition, ou avides de rentes politiques faciles, ils sont tapis en saprophytes dans le pouvoir. Ils sont issus du monde politique et économique traînant de bruyantes casseroles qu’ils pensent étouffer à proximité de vous.
Le Roch qui aime arrondir les angles, se devra parfois d’être carré avec ces derniers. Ils pourraient être le mal pernicieux de votre mandat. Lorsqu’on est chef, il faut rassembler, mais pas n’importe quoi.
La question sécuritaire devrait être une préoccupation de votre part : au niveau national, point n’est besoin de faire un dessin, avec l’ombrageux et sanguinaire djihadisme qui écume la sous-région. A titre personnel aussi: pas l’armanda de la phobie sécuritaire, mais une bonne garde. L’attaque ad hominen à l’Hôtel Laïco lors des négociations entamées par la CEDEAO, en septembre dernier, est instructive. Ils sont toujours là, ceux qui vous prédisent un mandat de cendres. A vous de les décevoir.
Kosyam est une ruche qui produit du miel dont raffolent de nombreux opportunistes, mais n’oubliez jamais que le pouvoir suprême est toujours solitaire dans son essence : vous aurez peut-être une foultitude de conseillers officiels et officieux, mais in fine, vous arbitrerez, déciderez, et assumerez et à l’heure de l’histoire, vous répondrez. Tel est le destin d’un président du Faso.
Le 29 novembre 2015, ce grand murmureur de comice qu’est le peuple, vous a soufflé à l’oreille ceci : «On vous fait C., vous n’avez pas le droit à l’échec, un président civil peut réussir au Burkina».
Un chuchotement qui doit résonner en vous, durant tout le quinquennat.
Par Joachin de KAIBO