Au-delà du procès de l’ex-DG de la douane : quel message fort pour les générations présentes et à venir ?

| 26.06.2015
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Au-delà du procès de l’ex-DG de la douane : quel message fort pour les générations présentes et à venir ?
© DR / Autre Presse
Au-delà du procès de l’ex-DG de la douane : quel message fort pour les générations présentes et à venir ?
Plus que celui d'un individu, le procès de M. Ousmane GUIRO, ex-DG de la douane du Burkina Faso, est le procès de tout un système : un système de prédation érigé en mode de gouvernance, un système structurellement injuste, socialement inique mais qui conjoncturellement a le vent en poupe, malheureusement.


Le verdict en lui-même importe peu. Vingt ans, dix ans, deux ans avec ou sans sursis, c'est pareil, parce que ce qui est en jeu aujourd'hui, ce n'est pas la personne de M. Ousmane GUIRO, ou de tout autre cadre de la douane, ou de tout autre haut fonctionnaire de la République qui bénéficie d'avantages indus, injustifiés mais codifiés par la loi. Le caractère inique et injuste des avantages est tellement criard que les bénéficiaires ont même peur de garder leurs biens numéraires là où, depuis des décennies, le bon sens commande de les garder ; préférant repartir des dizaines voire des centaines d'années en arrière pour les thésauriser dans des cantines (les jarres et canaris modernes ?). M. GUIRO n'a-t-il pas justifié la présence des cantines d'argent dans un domicile par la crainte que cela suscite un tollé s'il le déposait dans un compte bancaire ? Comment peut-on avoir peur de déposer en banque son argent bien acquis ? M' GUIRO dit qu'il ignorait qu'il ne devait pas détenir par devers lui des devises étrangères d'un certain montant. Mon œil ! Quel sens faut-il donner à la question que les douaniers posent toujours aux voyageurs à l'aéroport et aux frontières, à savoir s'ils ont quelque chose à déclarer, des devises étrangères y compris biens sûr?

Comme on le sait, ce sont des circonstances malheureuses ou heureuses (c'est selon) qui se sont conjuguées pour faire de M. GUIRO 'la star malgré lui'.

Dans le quotidien Le Pays du lundi 22 juin 2015, un titre a retenu mon attention : « Condamnation de GUIRO : le bouc émissaire d'un système ». Combien de nos compatriotes, résidents ou non résidents, sont-ils à avoir amassé autant sinon plus que la fortune de M. GUIRO, et qui ne sont pas inquiétés ? Le Secrétaire général du Syndicat des Travailleurs de la Douane (SYNATRAD) soutient que les avantages dont a bénéficié M. GUIRO sont légaux et licites, tout comme ces prédécesseurs à ce poste. M. GUIRO lui-même s'est dit être parmi les plus pauvres des DG de la douane. Si tout le long de la chaine de cadres nommés par M. GUIRO, chacun doit lui reverser un certain pourcentage de ses 'acquis', que fera M' GUIRO à l'endroit de celui qui l'a nommé lui, ou de ceux qui ont été à l'origine de sa nomination ? Alors si lui n'a que quelques cantines contenant 'seulement' prés de deux milliards, de combien de cantines contenant combien de milliards ses bienfaiteurs disposent-ils ?

Avec ce verdict sans autres dispositions fortes pour mettre fin à ces pratiques, les générations présentes et futures doivent-elles comprendre que l'adage selon lequel « Biens mal acquis ne profitent jamais » n'est que distraction ou un 'trompe-idiot' ?

Le procès de M. GUIRO devrait au moins servir à quelque chose : de déclic pour revoir, pas seulement les textes de la douane, mais certains textes de la République, par souci de justice sociale, d'équité dans le traitement des citoyens et dans la redistribution des fruits de la croissance. Ce verdict qualifié de trop clément par certains peut avoir une explication. Si ce grâce à quoi M. GUIRO a amassé sa fortune doit être condamné fermement aujourd'hui, il faudra agrandir les maisons d'arrêt et de correction et en construire d'autres car, après 27 ans dans le moule du système COMPAORE, il y aura très peu qui échapperont à la trappe. Que ce procès, qui a plus un caractère pédagogique à en juger par le verdict, soit celui de la rupture avec, à terme, tolérance zéro pour les contrevenants, afin que le 'plus rien ne sera comme avant' devienne une réalité.

A voir de prés la gouvernance telle qu'elle se passait (espérons ne plus avoir à utiliser le présent de l'indicatif), l'on est obligé de donner raison à cet homme politique de chez nous qui disait une fois qu'au Burkina « on ne mène pas un combat contre la pauvreté mais contre les pauvres ». Sinon comment comprendre et admettre que dans un pays pauvre comme le notre, l'Etat soit incapable de faire respecter la déontologie du métier, d'édicter des codes de conduite pour certaines professions à risque élevé de corruption, et de faire en sorte que l'exercice dans ces professions soit soumis à prestation de serment ?

Quand je parle de rupture pour un nouveau départ, il ne s'agit pas seulement de la douane. Jetons un petit regard sur les missions / sorties qu'effectuent nos hauts cadres et fonctionnaires de la République à l'intérieur du pays. Il y en a qui aménagent spécialement des véhicules pour le transport des cadeaux (bovins, ovins, caprins, volaille...). Lors des fêtes ou des grandes célébrations, ce sont les donateurs eux même qui transportent ces cadeaux aux domiciles de ses hauts cadres de la République. Combien de nos hauts représentants se sont constitué des parcs ou des enclos grâce à ces 'cadeaux' ? Pour une inauguration d'école, de barrages, pose de première pierre ..., on appauvrit davantage nos populations. Cela finit par s'apparenter à des rackets qui ne disent pas leur nom, avec la bénédiction des populations elles-mêmes qui ont fini par se faire la religion que c'est ce qu'elles doivent faire, si elles veulent espérer faire partie des heureux élus pour des projets à venir. Est-ce vraiment différent de nos honorables représentants nationaux qui s'assuraient d'abord qu'ils ont bien arrangé leurs émoluments (en multipliant par n leur salaire de fonctionnaire) - sans compter bien d'autres avantages - avant de penser aux à consentir l'impôt, au vote des lois et au contrôle de l'action gouvernementale ? Qui est fou ? Ne dit-on pas que l'apiculteur s'assure d'abord une position d'équilibre sur l'arbre avant de poser sa ruche ? Il fut un temps au Burkina Faso où ces genres de pratiques étaient impensables. Il faut y mettre fin une bonne fois pour toute.

Nous somme dans une République et chacun de nous constitue un maillon de la chaine qui fait exister la Nation, et chacun joue sa partition pour que le pays avance. Si des catégories de citoyens doivent avoir un traitement préférentiel à travers des avantages indus, les déshérités se sentiront bien le droit de réclamer leur part du gâteau à travers des mouvements et manifestations diverses car, « autant je ne suis rien sans l'autre, autant l'autre n'est rien sans moi ». Que diront alors les enseignants grâce à qui chacun est ce qu'il est devenu ? Et les agents de santé qui ont à charge d'assurer notre santé afin qu'on puisse penser à engranger des 'acquis' ? Et le paysan par qui notre pitance quotidienne est assurée. Et... ?

Si ce procès pouvait servir à poser les bases d'une société plus juste pour l'avenir, on aura gagné quelque chose. Autrement, de pareilles pratiques finissent par s'apparenter ce que certains qualifient de complot des intellectuels sinon des diplômés africains contre leurs peuples.

Cynthia BENAO
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