Article 37 : La lecture de la Constitution par Frédéric T. Zida

| 30.04.2014
Réagir
Frédéric T. Zida, l’auteur de cette tribune
© DR / Autre Presse
Frédéric T. Zida, l’auteur de cette tribune
La révision de l'article 37 de la Constitution suscite toujours des débats. En atteste cette tribune de T. Frédéric Zida parvenue à notre Rédaction dans laquelle il appelle les citoyens à leur "bon sens à 60% pour comprendre que l'alternance est engendrée par le changement du Président en fin de mandat...". Lisez plutôt.

Les débats actuels sur la démocratie et les révisions de la constitution sont abondants et divers, verdoyants et sombres comme une faune insaisissable dans la forêt. Là-dessus, il se dégage deux camps diamétralement opposés, chacun revendiquant la meilleure lecture possible de la constitution.

Cependant, il ne peut y avoir qu'une seule façon correcte de lire la constitution, et d'en tirer les conséquences. Même si certaines analyses pêchent par un analphabétisme constitutionnel, on dénote l'absence du bon sens, et de la logique propre au comportement humain.

En effet, le vieux Yao Kouamé, professeur d'informatique, aimait à dire lors de ses cours d'informatique aux étudiants de l'Institut Supérieur Polytechnique, qu'il existe 3 états de comportement utilisés par l'homme dans sa vie :

• 60 % de bon sens

• 30 % de logique

• 10 % d'analogique

Alors qu'en informatique, l'ordinateur ne peut comprendre que deux états :

• Soit le courant passe (codifié 1)

• Soit le courant ne passe pas (codifié 0)

C'est en cela que l'homme qui est une créature divine, se montre supérieur à l'ordinateur qui est une création humaine. Ne confondons pas créature et création.

Aussi, sans nous abaisser au rang d'une machine à penser qui agit par programmation, restons une créature divine et non celle d'un ministre ou autre, et osons utiliser notre bon sens et notre logique pour aborder une lecture convenable de notre constitution. Laissons aussi de côté le calcul des profits politiques sans rentabilité pour notre peuple.

Peut-on réviser la Constitution ?

Une lecture de raison avec un bon sens élevé d'au moins 50% et une logique minimum de 20% permet de comprendre que la constitution est un contrat de gouvernance qui a été soumis au peuple burkinabè en 1991, pour sortir de l'état d'exception, et sur des bases démocratiques et consensuelles. Aussi, à ce niveau est-il simple de comprendre qu'avec l'évolution des choses, le bon sens consistait à ne pas figer les textes de la constitution dans un monde qui bouge. C'est cela qui est le fondement du titre XV de la constitution portant sur la révision rendue possible dans le sens de l'améliorer, de l'adapter au contexte de développement de la démocratie et de l'Etat de droit.

Il n'est pas dit dans la constitution que l'article 37 relatif à la durée et à la limitation des mandats présidentiels peut être révisé. Si un tel esprit avait prévalu, la limitation des mandats présidentiels qui avait été supprimée le 27 janvier 1997, n'allait plus être ramenée en 2000. Cette limitation semble être «anti démocratique» ou tout au plus contre-démocratique car elle ne permet pas de conserver indéfiniment au pouvoir un homme même providentiel et dévoué au développement du pays. Mais elle est voulue et réfléchie par notre peuple qui permet de changer même les équipes qui gagnent.

Aussi, ce serait une forfaiture et une trahison que de vouloir utiliser une escroquerie intellectuelle en concluant que si on peut réviser la constitution, on peut par conséquent réviser l'article 37. Etant une partie intégrante de la constitution qui dans son ensemble est révisable, on peut penser avoir la légalité avec soi pour réviser cet article, mais comme il est bien connu, la loi «n'exprime la volonté générale que dans le respect de la constitution». On peut bien réviser les articles de la constitution qui comportent de graves contradictions ou des imperfections intolérables pour un Etat de droit en vue de renforcer la démocratie, mais l'article 37 qui instaure la démocratie en limitant volontairement les mandats présidentiels, n'est pas un article à réviser, surtout dans le sens d'instaurer une monarchie. Installer une monarchie, c'est aussi désinstaller la constitution qui n'a plus sa raison d'être dans le royaume.

Rappelons-nous que l'article 37 a déjà été modifié deux fois. A sa création, le 2 juin 1991, il donnait 7 ans comme durée du mandat présidentiel qui est renouvelable une seule fois, donc 14 ans maximum. Ensuite, la loi constitutionnelle du 27 janvier 1997 a supprimé le verrou de limitation du nombre de mandats, mais les conséquences de cette suppression qui sont l'arrogance, la mal gouvernance et le non-respect des droits de l'homme, (assassinats odieux), de la constitution elle-même ont motivé profondément sa modification par la loi constitutionnelle du 11 avril 2000 dans les dispositions actuelles, suite aux recommandations du collège des sages. Alors pourquoi les gens refusent d'être sages, et veulent nous ramener en arrière en 1997 ?

Aussi, réviser particulièrement l'article 37, c'est trahir la constitution et la démocratie, et l'Etat de droit comme disent les experts confirmés en la matière. Cessons alors de vouloir troubler l'ordre public et usons de 60% de bon sens et de 30% de logique pour comprendre que la limitation des mandats présidentiels constitue comme dirait un digne fils de ce pays un droit normal du peuple à donner la même chance à tous les citoyens qui désirent apporter plus de compétences et de démocratie pour le bien-être collectif.

Il ne s'agit pas de clamer gratuitement qu'ils sont avides du pouvoir, sans faire remarquer que l'avidité est bien constituée aujourd'hui au niveau de ceux qui sont au pouvoir depuis plusieurs décennies, et qui sont prêts à utiliser toutes les manœuvres possibles pour le conserver comme s'il s'agissait d'un héritage divin. C'est un refus de l'alternance préconisée par la limitation du nombre de mandats présidentiels introduite aux Etats-Unis (USA) suite à une quadruple élection (4 fois) consécutive d'un des meilleurs présidents de l'histoire américaine et même mondiale, Roosevelt Franklin Delano.

On dira que l'Amérique n'est pas le Burkina, mais généralement les meilleures pratiques n'ont pas de frontières pour ceux qui souhaitent atteindre l'émergence. Avec 60% de bon sens, 30% de logique, et 10% d'analogique, notre raisonnement changerait à moins de vouloir préserver à tout prix ses propres intérêts inavoués et inavouables, mais inopposables à notre peuple.

Peut-on faire un référendum ?

L'article 49 de la constitution ne l'interdit pas. Mais l'article 49 précise que le référendum doit porter sur des questions d'intérêt national. Si nous utilisons ici aussi un peu de bon sens, en quoi prolonger le mandat présidentiel est un intérêt national ? Surtout que cela fait près de 30 ans que notre ami, notre camarade est au pouvoir ! Du jamais vu au Burkina Faso. C'est peut être un homme providentiel, mais tenez compte de l'usure du pouvoir, tenez compte des attentes sociales de changement ou d'alternance, du développement de la démocratie.

Disons simplement la vérité, notre vérité au Président. Il mérite le repos, il a fait beaucoup de choses pour le pays, pour nous tous, mais un référendum pour se maintenir, c'est dégrader son intégrité, sa bravoure et peut-être même détruire tout ce qu'il a construit en 30 ans. A l'instar de la constitution qui a été adoptée suite aux consensus de la classe politique en 1991, il conviendrait d'avoir ici aussi le consensus de cette même classe politique pour initier un référendum pour réviser les articles de la constitution.

Le CCRP n'a pas pu amener ce consensus, alors pourquoi faire un référendum sur les divergences ? C'est une façon de passer en force au mépris de toute éthique et cela n'a rien de constitutionnel ou de démocratique. Ceux qui préconisent un référendum savent d'avance qu'ils ne vont pas perdre car tous les moyens financiers et techniques et même frauduleux seront utilisés pour sauver l'honneur. Il n'y a pas de lutte possible entre le chien, ami de l'homme et l'hyène prédatrice bien connue de la forêt.

L'ignorance et les conditions précaires de nos populations seront exploitées, et si ça passe, il y aura forcément un retour sur investissement. Ils vont récupérer les dépenses effectuées avec plus de virulence. D'autres aussi réclament hypocritement le référendum, parce qu'ils envisagent et espèrent«manager» l'affaire aux gros sous et en profiter pour remplir leurs cantines. Sinon, ils le disent et le savent que le président ne peut plus rien apporter après 30 ans de pouvoir.

Il s'est sacrifié comme tant d'autres, mais le peuple burkinabè respecté dans ses attentes lui rendra un vibrant hommage, et une reconnaissance infinie. Aussi, le Président, en utilisant 60% de bon sens, 30% de logique, et 10% d'analogique selon la célèbre formule du professeur Yao Kouamé, et en médiateur de renom pourra nous épargner d'un référendum rendu inutile par les faits.

Peut-on conseiller le Président ?

Je crois personnellement que c'est au président de conseiller tous ceux qui, pour des intérêts mesquins et mercantiles, pour des profits politiques calculés sans rentabilité pour notre peuple veulent l'amener à assumer une nouvelle situation dramatique...

Dites-vous que le Président (du Front populaire) Blaise Compaoré disait ceci dans le journal «Eco magazine» N°107-108 de mars avril 1988, pour expliquer pourquoi il y a eu la rectification dans notre pays.

«Ce qui importe pour nous, c'est d'apporter des solutions aux déviations politiques, économiques, sociales et culturelles ; d'apporter les corrections nécessaires, de faire triompher la démocratie, pour que plus que jamais il n'y ait une jonction entre la direction politique et le reste du peuple. Ce qui n'était pas le cas entre le CNR et les structures populaires...».

S'il y a eu des morts, en particulier celle de son ami, Thomas Sankara, c'est pour faire triompher la démocratie, et à moins de vouloir le tuer une seconde fois, les prétentions actuelles de révision constitutionnelle liées à l'article 37, ne sont pas de nature à maintenir la démocratie, et surtout à la faire triompher au Burkina. Son ami Sankara serait-il alors mort pour rien ?

Aussi, pour nous qui portons une considération et un respect pour le Président, nous soutenons ardemment comme le Larlé Naaba, que la vraie amitié est celle qui est débarrassée de toute hypocrisie, de tout calcul, de toute peur et de tout conseil malsain. L'amitié, c'est la solidarité et la franchise à toute épreuve.

Pour que monsieur Blaise reste toujours balaise, nous attendons une décision de sa part à la hauteur de son honorabilité, de sa grandeur de vue, et de sa ferveur patriotique qui nous ont tous convaincus d'être derrière lui depuis plusieurs années. Il faut qu'en démocrate, il lâche le pouvoir avant que le pouvoir ne le lâche. Le Général Charles De Gaulle, Président français de 1958 à 1969, soit 10 ans non renouvelés, et grand homme devant l'éternité, disait qu'il faut savoir quitter les choses avant que les choses ne vous quittent.

Aussi, le Président, en utilisant 60% de bon sens, 30% de logique, et 10% d'analogique selon la célèbre formule du professeur Kouamé, son beau-frère ivoirien, saura comment répondre aux attentes de son peuple sans tomber dans les pièges politiques «démocraticides» et incendiaires de ceux qui ne veulent pas qu'il ouvre les yeux sur les attentes actuelles et légitimes de son peuple. Il n'y a aucune grandeur politique ni humaine à s'opposer et à s'imposer à la volonté de son peuple. J'estime que le Président du Faso n'a pas besoin de tambourineurs, ni de griots pour lui faire comprendre cet enjeu. Il est un homme plein, mûr et stratège depuis le début de la révolution. La meilleure stratégie aujourd'hui, c'est laisser maintenant la compétition aux autres.

De l'alternance et idéologie

L'alternance est définie comme un mode de dévolution du pouvoir dans une démocratie, consistant dans le remplacement d'une majorité politique par une autre, au moyen de l'exercice du droit de vote.«Que sais je ? Lexique de droit constitutionnel».

Si nous sommes en démocratie, le changement de président constitue une alternance. Ce qui est indiscutable, si le changement reste purement interne à une famille royale, on ne peut pas parler d'alternance, mais de continuité dans le trône. Dans la dévolution du pouvoir monarchique, c'est généralement le fils ainé ou même souvent d'autres parents qui sont choisis et non élus pour remplacer le calife, après que ce dernier ait eu des funérailles plus ou moins grandioses. Il a régné à vie, et il est mort sur le trône. Il n'a pas eu la chance de vivre l'alternance, car elle n'existe pas dans ce système. Nous aimerions qu'il n'en soit pas ainsi pour notre démocratie dont la paternité est généralement reconnue au Président Blaise Compaoré.

Faisons ici appel à notre bon sens à 60% pour comprendre que l'alternance est engendrée par le changement du Président en fin de mandat, par le moyen du vote des électeurs libres et conscients. Il n'y a pas lieu de se tromper volontairement ou non, et de tromper les autres. Le Président qui sort a fini son programme, et celui qui vient le remplacer est élu sur son programme totalement différent, même s'ils sont dans la même grande famille idéologique.

L'alternance est comme les feux de la circulation routière. Si ton programme est vert, c'est-à-dire accepté par le peuple, tu passes. Mais s'il est rouge, cela veut dire le rejet, et tu ne passes pas, sinon toi-même tu peux devenir feu (accident). C'est pour cela que les feux tricolores sont appelés feux alternatifs. Mais qu'est-ce qui différencie les deux situations ? C'est l'enveloppe de couleur rouge ou verte qui cache des ampoules similaires. En politique, on peut considérer l'enveloppe comme étant le programme du candidat, et chaque candidat quel que soit son idéologie, a son programme propre qui sera le fondement de l'alternance.

Si nous prenons le cas de la France, où beaucoup de nous tous ont pu bénéficier de l'appui du peuple français en allant nous former dans leurs universités, les présidents ont été les suivants :

Charles de Gaulle : 1959 à 1969 Idéologie libéraleGeorges Pompidou : 1969 à 1974 Idéologie libéraleValéry Giscard d'Estaing : 1974 à 1981 Idéologie libéraleFrançois Mitterrand : 1981 à 1995 Idéologie socialisteJacques Chirac : 1995 à 2007 Idéologie libéraleNicolas Sarkozy : 2007 à 2012 Idéologie libéraleFrançois Hollande : pour compter de 2012 Idéologie socialiste.

En cinquante ans, la France a connu l'alternance par plusieurs présidents au nombre de 6, alors qu'au Burkina, nous avons le même président depuis près de 30 ans. C'est en cela qu'il faut expliquer l'absence d'une vraie alternance, au lieu d'amalgamer sur les idéologies et l'alternance. Il y a plusieurs types de sociale démocratie, comme dirait un idéologue bien connu du parti au pouvoir.

De 1959 à 1981, c'est-à-dire pendant 20 ans, 3 présidents se sont succédé bien qu'étant dans la même mouvance idéologique, c'est-à-dire la droite, mais faut-il conclure qu'il n'y a pas d'alternance, ou de démocratie en France ? Si au Burkina Faso, la sociale démocratie est incarnée par plusieurs tendances, il y a alternance en cas de changement de tendance et de programme. Ce qui est d'une évidence politique.

La gauche est arrivée en 1981 avec François Mitterrand, et nous qui étions sur place nous avons tous fêté cette victoire historique en pensant à un changement qualitatif de comportement pour l'Afrique, mais quelle désillusion ! En France, droite et gauche se rejoignent toujours quand il s'agit de parler de l'Afrique et de ses liens historiques avec la France. La droite a repris le pouvoir en 1995, et deux présidents de même idéologie se sont succédé par le remplacement de majorité.

Ce qui est le fondement de l'alternance. Cessons donc les amalgames volontaires et mesquins qui déroutent les esprits sains, et œuvrons tous pour la paix et le progrès pour notre pays. Ce qui suppose que nous devrons être des hommes de bon sens à 60% et de logique à 30%, et non des machines programmées et programmables comme les robots utilisés pour des tâches inhumaines et surhumaines.

Zida T. Frédéric

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité