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Sommet UE-Afrique : Les affaires d’abord, la démocratie peut attendre !

| 01.04.2014
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Sommet UE-Afrique : Les affaires d’abord, la démocratie peut attendre !
© DR / Autre Presse
Sommet UE-Afrique : Les affaires d’abord, la démocratie peut attendre !
Bruxelles accueille le 4e sommet Union européenne (UE) – Afrique, du 2 au 3 avril 2014. A cette grand'messe, les chefs d'Etat du continent noir se bousculent. Au grand dam du président soudanais, Omar el Béchir, qui n'a pas été invité et qui ne bénéficiera pas du soutien massif de ses pairs. En tout cas, on est loin de la situation où les chefs d'Etat africains vont au clash avec le pays qui abrite un sommet pour exiger la participation de Béchir. Dans le cas présent, ils savent certainement que l'Union européenne ne se laissera pas conter fleurette. Et bien entendu, difficile pour ces chefs d'Etat de bouder l'Union européenne, ce d'autant plus que beaucoup y ont leurs comptes bancaires et aiment y faire leurs emplettes.

Face à l'appétit insatiable du géant asiatique, l'Europe voit la nécessité d'opérer une sorte de riposte

Le volet économique occupe une place de choix dans l'ordre du jour de cette rencontre. Cela est fort compréhensible. L'Afrique est aujourd'hui considérée comme l'avenir du monde en termes de développement économique. C'est un marché en pleine expansion. A ce titre, elle attire les investisseurs. L'intérêt de l'Europe pour un tel marché se justifie donc. De plus, la Chine est très très présente sur le continent africain. Et cette augmentation de la présence chinoise se fait plus ou moins au détriment de l'Europe dont certains des Etats ont, pendant longtemps, eu les pays africains dans leur giron. Face à l'appétit insatiable du géant asiatique, l'Europe voit la nécessité d'opérer une sorte de riposte. Elle rêve certainement de conquérir ou reconquérir des pans de marchés africains à l'Empire du milieu. Et ce n'est pas gagné d'avance quand on connaît l'agressivité de la Chine sur bien des marchés aujourd'hui.

L'Europe est ainsi tellement préoccupée de rattraper le temps et les marchés perdus en Afrique, qu'elle met l'accent sur le volet économique à ce sommet. Les questions politiques, de gouvernance sont reléguées au second rang. Les affaires d'abord, la démocratie peut attendre ! Pourtant, il n'est un secret pour personne que l'Afrique a, dans l'ensemble, mal à sa gouvernance. On est tenté d'incriminer l'UE pour ce choix orienté vers le business. On pourrait faire valoir qu'il n'y a pas de développement économique viable sans bonne gouvernance. En effet, en l'absence de bonne gouvernance, tout développement économique, s'il existe, est bien fragile étant donné qu'il ne bénéficie pas suffisamment de garanties pour s'inscrire dans la durée. La qualité de la gouvernance a un impact non négligeable sur le climat des affaires et l'UE ne fait pas vraiment de bonnes affaires en faisant fi des questions de démocratie et d'Etat de droit en Afrique.

Mais, il ne faut pas perdre de vue non plus le fait que la bonne santé économique d'un pays peut impacter positivement la qualité de sa gouvernance politique. Le politique et l'économique se tiennent, vont de pair. Car, de la même manière que la qualité de la gouvernance politique influence la qualité de l'économie, il n'est pas illusoire de parier sur l'essor économique pour régler des problèmes politiques. Un bon pouvoir d'achat des populations peut être un antidote à la montée en force du terrorisme en ce sens que les extrémistes n'ont de grandes chances de recruter des adeptes que parmi les populations qui croupissent dans la misère.

Le politique et l'économique sont complémentaires et méritent tous les égards des gouvernants

Bien entendu, une amélioration du niveau de revenus des populations dépend certes de l'essor économique du pays, mais aussi de la nécessaire équité dans la répartition des richesses produites. C'est dire combien le politique et l'économique sont complémentaires et méritent tous les égards des gouvernants. L'un des défis majeurs consiste en la capacité à opérer un savant dosage en termes de priorisation.

En tout état de cause, l'UE ne saurait être tenue pour responsable de l'incapacité des Africains à considérer, de façon réaliste, les maux qui minent leurs pays respectifs pour y apporter les solutions idoines. Reprocher à l'UE, en tout cas plus qu'à l'Union africaine (UA), de ne pas trop s'occuper des problèmes de démocratie et de droits de l'Homme en Afrique, de les reléguer au second plan au profit de ses intérêts économiques, reviendrait à infantiliser davantage l'Afrique. La prise de dispositions effectives à même de résoudre un tant soit peu les problèmes de gouvernance politique, véritables cancers pour le continent, incombent d'abord et avant toute chose, aux Africains. C'est à l'Union africaine et aux organisations sous-régionales africaines de prendre leurs responsabilités. Il est grand temps que les chefs d'Etat africains œuvrent à rendre effectifs les critères de convergence politique, les principes de gouvernance communs contenus dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qu'ils ont eux-mêmes adoptée en janvier 2007 à Addis-Abeba. Toute autre attitude serait une fuite de responsabilité. En d'autres termes, il serait salutaire que l'UE, au regard de l'expérience et des moyens dont elle dispose à ce jour en matière de bonne gouvernance politique et économique, puisse accompagner franchement l'UA dans ses actions de promotion de la bonne gouvernance sous toutes ses coutures. Mais, en toute logique, il n'appartient pas aux chefs d'Etat et de gouvernement européens, de se substituer à leurs homologues africains pour travailler à l'ancrage des bonnes pratiques démocratiques sur le continent. Une telle substitution ne serait ni plus ni moins qu'une humiliation pour l'Afrique. Les Africains se doivent donc d'éviter de se ridiculiser en incriminant l'UE et en exigeant d'elle de faire le travail en lieu et place de l'UA passée experte dans l'art du laxisme en matière de démocratie et d'Etat de droit.

« Le Pays »

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