Leur projet de résolution demande de reporter d'un an les procès du président Uhuru Kenyatta et du vice-président William Ruto, mais il est quasiment certain de ne pas être adopté en raison d'un manque de soutien au Conseil.
Diplomates et experts juridiques s'accordent néanmoins pour dire que ce geste risque d'accroître sérieusement les tensions entre l'Afrique et la CPI.
MM. Kenyatta et Ruto, élus en mars, sont les premiers dirigeants en exercice jugés par la CPI. Ils sont poursuivis séparément depuis 2011 pour leurs responsabilités respectives dans les violences politico-ethniques sur lesquelles avait débouché la présidentielle de fin 2007 et qui ont fait plus de mille morts.
M. Ruto dont le procès a commencé est poursuivi pour crimes contre l'humanité. M. Kenyatta est lui aussi accusé de crimes contre l'humanité est censé démarrer le 5 février.
Tous deux plaident non coupable et ont jusqu'à présent coopéré avec la CPI, mais le Kenya a déposé deux requêtes au Conseil de sécurité demandant de suspendre ou mettre fin aux poursuites.
La résolution mise au vote vendredi est notamment défendue par le Rwanda, membre non permanent du Conseil de sécurité, qui n'est par ailleurs pas signataire de la CPI. L'Ethiopie, un autre opposant au tribunal de La Haye, soutient aussi le texte.
Les résolutions du Conseil doivent obtenir le soutien de neuf Etats membres pour être adoptées. Mais comme sept des 15 pays sont également signataires de la CPI, et que les Etats-Unis sont opposés au texte, ce dernier n'a quasiment aucune chance de passer, notent des diplomates.
Erastus Mwencha, vice-président de la Commission de l'Union africaine (UA), joint par l'AFP à Addis Abeba, espère qu'en tant que priorité, la demande africaine obtiendra une réponse.
Réunie en sommet extraordinaire en octobre, l'UA avait demandé l'ajournement des procédures engagées contre les deux têtes de l'exécutif kényan, estimant que les dirigeants en exercice jouissaient d'une immunité.
Le Conseil a la capacité de demander à la CPI de reporter d'un an un de ses procès si celui-ci est considéré comme une menace pour la paix internationale.
Le projet de résolution avance que le procès des deux dirigeants kényans empêche MM. Kenyatta et Ruto de faire leur devoir. Selon les pays africains, les deux hommes devraient rester aux manettes du Kenya pour pouvoir gérer la lutte contre les combattants islamistes en Somalie, ainsi que les suites de l'attentat meurtrier dans un centre commercial de Nairobi.
Mais les diplomates occidentaux y voient davantage une campagne politique pour mettre fin aux poursuites et une tentative par les pays opposés à la CPI de discréditer la Cour.
Les Africains ont atteint un point où ils parlent de ce vote comme d'un test pour savoir si l'on est pour l'Afrique ou contre l'Afrique, commentait jeudi un diplomate onusien.
Les huit enquêtes ouvertes par la CPI concernent uniquement des pays africains mais presque toutes ont été demandées par les pays concernés.
C'est le défi le plus important auquel la Cour ait été confrontée depuis sa mise en place, a estimé un autre diplomate de l'ONU.
La résolution vise apparemment à faire monter la pression, selon un analyste, avant une réunion des pays membres du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, qui débute mercredi à La Haye.
Les participants deront discuter de la possibilité d'autoriser les accusés à participer à leur procès par vidéo-conférence et de donner plus de liberté à la Cour en matière d'autorisation d'absences, ce qui aiderait MM. Kenyatta and Ruto.