Réélection de Bouteflika L’Algérie en fauteuil roulant

| 22.04.2014
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Réélection de Bouteflika   L’Algérie en fauteuil roulant
© DR / Autre Presse
Réélection de Bouteflika L’Algérie en fauteuil roulant
Comme on s'y attendait, Bouteflika a été réélu président de l'Algérie, pour succéder à lui-même. Il n'y a donc pas eu match entre lui et ses adversaires qu'il a battus à plate couture dès le premier tour, avec un score stalinien d'environ 82% des suffrages. Sans surprise non plus, les observateurs de l'Union africaine (UA), appelés à la rescousse après le refus de l'Union européenne (UE) d'envoyer une mission d'observation à Alger, se sont félicités du bon déroulement du vote du 17 avril où il n'y avait pratiquement rien à signaler d'anormal. Toutefois, au-delà de la campagne terne et sans saveur qui a caractérisé cette présidentielle algérienne, ce scrutin est plein d'enseignements.

Sans surprise, les urnes ont parlé en faveur de Boutef

D'abord, le vainqueur, Bouteflika, aura réussi la prouesse de mener campagne, confortablement installé dans son salon, sans jamais prendre les devants, ni aller à la conquête de l'électorat. Ensuite, ce que l'on en retiendra, c'est cette image saisissante du président sortant, en fauteuil roulant, allant remplir son devoir citoyen. Quel patriotisme ! pourrait-on s'exclamer. Toutefois, à l'analyse, cela donne plutôt envie de pleurer. Quand on a le souci de l'image de l'Afrique, de voir un président malade et affaibli, pratiquement grabataire, s'accrocher avec le peu de forces qui lui restent, à un pouvoir qu'il exerce pourtant depuis 15 ans, on ne peut qu'être triste et songeur . Là où l'on est encore plus choqué, c'est que cette image « abracadabrantesque » vient d'un grand pays comme l'Algérie qui a longtemps été le refuge de bien des progressistes noirs-africains et noirs-américains, qui a arraché de haute lutte son indépendance en en payant le prix fort par le sang de ses fils, qui a longtemps été la grande défenderesse des causes de l'Afrique devant les instances internationales pour la libérer du joug colonial. Franchement, l'heure n'était-elle pas venue pour Boutef de passer la main, après 15 ans de bons et loyaux services à la Nation algérienne reconnaissante ? Pourquoi prendre le risque de sortir un jour par la petite porte ?

Quoi qu'il en soit, ces questions ne sont plus d'actualité car Boutef a été pratiquement plébiscité par ceux de ses compatriotes non frappés de désaffection qui, par devoir civique et/ou moral, se sont rendus aux urnes pour accomplir leur devoir citoyen. Sans surprise donc, les urnes ont parlé en faveur de Boutef qui porte désormais son pays en fauteuil roulant.

Autant il a mené sa campagne par procuration, autant il gouvernera par procuration

Aussi, l'on imagine aisément la déception de biens des Africains aux yeux de qui ce pays était un exemple de courage, et dont certains risquent à présent de réviser leur position, touchés qu'ils sont dans leur dignité, au regard de ce qui vient de se passer. Tous ces pays occidentaux, attachés aux valeurs de la démocratie, doivent bien se gausser de ce continent passé maître dans l'art de donner des exemples très peu glorieux en matière de démocratie. Pourtant, ce scrutin algérien devrait, au contraire, les interpeller, dans la mesure où il met, quelque part, à nu le silence coupable de l'Occident qui n'ose pas lever le petit doigt, dès lors qu'il s'agit de l'Algérie. C'est que, face à la légitimité historique de son indépendance, l'Algérie apparaît comme la mauvaise conscience de la France habituée à tourner la langue sept fois dans la bouche avant de parler de ce pays. En cela, les Etats-Unis ne sont pas différents tant ils deviennent atones et aphones dès lors qu'il s'agit de l'Algérie. Pourtant, ces démocraties occidentales sont enclines à monter sur leurs grands chevaux quand il s'agit des pays africains au sud du Sahara. Quelle est cette diplomatie à deux vitesses qui se montre complaisante avec les uns, et ferme avec les autres ?

Quoi qu'il en soit, maintenant que Bouteflika a été réélu, l'on peut s'interroger sur la forme que prendra son mandat, eu égard à sa santé fragile et chancelante et à son âge avancé, 77 ans. Que va-t-il faire de sa victoire ? Comment gouvernera-t-il ? Quelles réalisations pourra-t-il encore faire ?
Il est fort probable qu'autant il a mené sa campagne par procuration, autant il gouvernera par procuration. En cela, les vrais vainqueurs de cette élection seront ceux par le biais de qui il gouvernera. Ce sont eux qui exerceront le vrai pouvoir. Dans ce cas de figure, l'on pourrait y voir un cheminement vers une patrimonialisation du pouvoir et le renforcement de la dominance d'un clan, voire une monarchisation du pouvoir. Or l'Algérie n'avait pas besoin d'une telle mise en scène ni d'un tel scénario.

Outélé KEITA

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