Le contentieux juridique qui opposait le Burkina Faso au Niger a connu son épilogue, le 16 avril 2013, avec l'arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye. Avant le démarrage des travaux de démarcation de la frontière dans un délai de 18 mois comme le prévoit le compromis de la saisine de la CIJ, l'installation officielle de la Commission technique mixte d'abornement (CMTA) de la frontière entre les deux pays a eu lieu, le samedi 22 février 2014 à Téra, à 180 km de Niamey, capitale du Niger. La Commission était composée de douze membres (six pour chaque Etat). Elle est présidée par Joséphine Kouara Apiou/Kaboré et Hamadou Mounkaila respectivement Secrétaire permanent de la Commission nationale des frontières du Burkina Faso et du Niger. Le processus de mise en œuvre de l'arrêt de la CIJ comportera plusieurs étapes. Il s'agit de la démarcation dont le but est de matérialiser la position de la frontière. Elle consiste à implanter des bornes-frontières directement sur la limite de la frontière alors que les parties déjà bornées feront l'objet de densification par la construction de bornes intermédiaires. Cette étape est prévue pour se terminer en 2016 avec neuf sorties de 21 jours sur le terrain. Une autre étape concerne la sensibilisation et le recensement des populations des zones concernées et de leurs biens affectés avant le démarrage des travaux de l'abornement de la frontière. Les autres phases portent sur la cartographie de la nouvelle frontière, la rédaction, l'appropriation et le dépôt auprès des instances internationales de la convention relative au nouveau tracé aborné. Selon le ministre nigérien de l'Intérieur, de la Sécurité publique, de la Décentralisation et des Affaires coutumières et religieuses, Massoudou Hassoumi, l'installation de la CMTA constitue un puissant facteur de renforcement d'unité, de promotion de la paix et de fraternité. « Avec la délimitation définitive de la frontière commune (...) nous restons convaincus que chaque Etat connaîtra les limites de son territoire et l'assise matérielle de sa souveraineté », a-t-il ajouté. Quant au ministre burkinabè de l'Administration territoriale et de la Sécurité, Dr Jérôme Bougouma, il a relevé que l'installation de la CMTA marque l'aboutissement de l'engagement des présidents Blaise Compaoré et Mahamadou Issoufou, « deux amis de longue date » à œuvrer pour une sous-région meilleure où le vivre-ensemble est un label. En outre, le ministre Bougouma a déclaré que les liens séculaires qui unissent les deux peuples ont conduit les gouvernements nigérien et burkinabè à mûrir et à porter une ambition commune, celle du projet de matérialisation de leur frontière commune. « Le processus que nous célébrons a pour finalité, la consolidation de la paix et de la sécurité à nos frontières, dans un contexte sous-régional marqué par une criminalité transfrontalière galopante. C'est le début d'une nouvelle approche plus englobante de la notion de frontière et de la démarcation de celle-ci », a-t-il précisé. A son avis, la frontière n'est plus et ne saurait être une barrière entre populations riveraines, mais elle vient préciser les limites territoriales de chaque pays et ce, pour un meilleur exercice de la souveraineté nationale.
Nestor BAKI
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Explications d'experts
Hamadou Mounkaïla, secrétaire permanent de la Commission nationale des frontières du Niger : « A priori, il est impossible de situer le nombre de localités et de populations concernées par le nouveau tracé avant l'exercice lui-même. C'est lorsqu'on aura fini tout l'exercice qu'on saura effectivement, le nombre de localités de part et d'autre des frontières. C'est une nouvelle ligne qui a été définie par la CIJ. Il faudrait qu'elle soit matérialisée sur le terrain pour qu'on puisse maîtriser ses conséquences. C'est pourquoi, il est prévu le recensement des populations, des biens et des infrastructures publiques qui seront touchés par cette opération. Au cours de la campagne de sensibilisation, nous ferons savoir aux populations que la frontière ne vient pas diviser, mais va servir de passerelle. C'est une vieille coopération entre les mêmes populations. Donc, l'exercice consiste à mettre des bornes pour que chaque pays sache, de manière souveraine, la limite d'application de ses lois. Théoriquement, la nouvelle ligne à matérialiser est d'environ 310 km. L'exercice consiste à placer des bornes. Tant que celles-ci n'affectent pas des infrastructures privées, on ne peut pas parler de dédommagement ».
Claude Aubin Tapsoba, directeur général de l'Institut géographique du Burkina : « Les anciens procédés consistaient à dégager un couloir dans lequel les bornes sont construites. En cela, on coupait par exemple des arbres pour que chaque borne soit visible de part et d'autre. Aujourd'hui, avec les nouvelles technologies, on n'a pas besoin de couper des arbres dans des zones où il n'y en a déjà pas assez. Avec le GPS, on peut identifier déjà la zone à délimiter. On extrait des cartes, les positions de chaque borne. Il suffit d'introduire dans le GPS et on va à proximité de la position de la borne. On construit une borne de canevas et puis on l'observe. On a sa position et à partir d'elle, on place la position de la vraie borne. On sera à 20 ou à 40 mètres de la borne, ce qui fait qu'on n'aura pas besoin de déboiser, donc de détruire des biens privés pour pouvoir mettre des bornes. Cela fait que le dédommagement va concerner les bornes directement affectées. En vérité, que vous soyez d'un côté ou de l'autre de la frontière, il faut tout simplement savoir que vous êtes dans une portion du territoire et que si vous avez un problème, c'est à cette administration que vous devriez vous adresser. La frontière ne vous empêchera pas de vivre. Les populations auront le choix de la nationalité. Si tu étais Nigérien et que le territoire passe au Burkina Faso, tu as le choix de rester Nigérien et de vivre sur le territoire nigérien, tout comme tu as le choix de changer de nationalité. On ne forcera personne à changer de nationalité ou à déménager parce que le territoire est passé à une autre administration. Ce n'est pas l'objectif de la démarcation. C'est pour que chacun sache quel est son domaine de souveraineté. Il va sans dire que cela va modifier les cartes des deux pays. C'est un nouveau tracé. L'occupation du sol restera la même, mais le tracé va changer et va être celui qui a été défini par la CIJ ».
Propos recueillis par N. B.