Une chose est de signer un accord, une autre est de veiller à son application
Les deux hommes se sont contentés d'une simple poignée de main suivie d'un échange de documents. Des signaux qui laissent dubitatif quant à l'avenir du cessez-le-feu quand l'on sait que les deux hommes se sont juré une lutte à mort. Car une chose est de signer un accord, une autre est de veiller à son application. Certes, Salva Kiir et Riek Machar ont fait montre de leur volonté d'aller à la paix en effectuant le déplacement d'Addis-Abeba, mais il en faut plus pour que l'accord signé soit respecté au grand bonheur des populations qui continuent de payer le prix fort de cette querelle d'individus qui s'est vite muée en conflit ethnique. En effet, Salva Kiir et Riek Machar sont allés tellement loin dans leur inimitié, qu'il serait difficile de croire qu'un simple accord peut les amener à regarder dans la même direction ; chacun voulant la peau de l'autre. On a encore en mémoire l'accord du 23 janvier dernier qui, à peine signé, avait été malmené, et la trêve avait fait long feu. Et tout porte à croire que le présent accord connaîtra le même sort que le précédent. Puisque les rebelles accusent déjà le gouvernement de Salva Kiir de multiples violations, rendant difficile le respect du cessez-le-feu. Cela n'a rien de surprenant. Les accusations mutuelles de non-respect de tel et tel engagement sont subséquentes à tout accord de paix, même paraphé dans une très bonne ambiance.
Ce qui se passe actuellement au Soudan du Sud n'est pas nouveau sous le ciel africain
On se rappelle l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo qui, au temps fort de la crise qui secouait son pays depuis le début de la rébellion en septembre 2002, était prompt à signer les accords le matin, tout en sachant qu'il les foulerait au pied, le soir. Qui ne se souvient aussi de ces hommes enturbannés du Nord-Mali que l'ancien président Amadou Toumani Touré recevait à grand renfort de publicité au palais de Koulouba mais qui, une fois repartis dans leur désert, se positionnaient en pires ennemis de Bamako au motif que les engagements pris n'ont pas été respectés. C'est dire donc que ce qui se passe actuellement au Soudan du Sud n'est pas nouveau sous le ciel africain. On ne peut venir à bout d'un conflit qui a fait autant de morts avec un simple accord même si, on le sait, tout accord, dans sa finalité, constitue un pas vers un processus de sortie de crise. Car comme le dit un adage, même le voyage le plus long au monde, commence toujours par un pas. Et c'est là tout le mérite des acteurs du conflit sud-soudanais, notamment les Américains qui ont réussi la prouesse de réunir Salva Kiir et Riek Machar autour d'une table de négociations. Il faudra donc maintenir la pression sur l'ensemble des protagonistes et envisager, s'il y a lieu, des sanctions ciblées contre les fauteurs de troubles. Dans le cas contraire, on ne serait pas surpris que les hostilités reprennent de plus belle et que le Soudan du Sud, le dernier-né des Etats africains, soit divisé en deux, d'autant que Riek Machar tient à son idée d'un Etat fédéral. Et l'IGAD, abandonnée à elle-même, ne peut rien dans ce conflit qui, bien au-delà des acteurs, oppose des parrains.
Boundi OUOBA