Les tensions avec l'Angola, un coup dur pour l'économie du Portugal

| 06.11.2013
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Les tensions avec l'Angola, un coup dur pour l'économie du Portugal
© DR / Autre Presse
Les tensions avec l'Angola, un coup dur pour l'économie du Portugal
LISBONNE - Le coup de froid dans les relations commerciales entre le Portugal et l'Angola, riche en pétrole et diamants, risque de fragiliser davantage l'économie de l'ex-puissance coloniale, sous tutelle financière internationale depuis 2011.

Alors que les investisseurs angolais se sont hissés au rang de premiers actionnaires étrangers des entreprises cotées à la Bourse de Lisbonne, un retrait de cette manne de pétrodollars aurait des conséquences néfastes sur l'économie portugaise.

Une rupture des relations serait très pénalisante pour les deux économies, mais surtout pour le Portugal, car l'Angola injecte du capital dans ses entreprises et alimente son secteur financier, a déclaré à l'AFP Pedro Lino, analyste de Dif Broker.

Agacé par l'enquête judiciaire pour blanchiment d'argent en cours au Portugal contre des membres de son entourage, dont son dauphin Manuel Vicente, le président angolais Jose Eduardo dos Santos avait provoqué la stupeur en annonçant à la mi-octobre le gel de la relation privilégiée avec Lisbonne.

Puis, son ministre des Affaires étrangères Georges Chikoti a fait monter les enchères en faisant savoir que l'ancienne colonie allait désormais se tourner vers l'Afrique du Sud, la Chine et le Brésil. Et Luanda a annoncé mardi le report du premier sommet bilatéral, prévu en février.

De nombreux pays européens misent sur une détérioration des relations entre Lisbonne et Luanda pour pousser leurs pions en Angola, relève Pedro Lino.

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est rendu ainsi fin octobre à Luanda, accompagné de représentants d'une quinzaine d'entreprises.

En mal d'investissement, le Portugal n'avait pourtant pas cessé de courtiser l'Angola, deuxième producteur de pétrole africain. L'Angola connaît des chiffres de croissance à faire pâlir le Portugal qui se remet difficilement d'une récession de plus de deux ans.

Les relations commerciales entre les deux pays ont tourné à l'avantage de l'Angola: pour la première fois cette année, ses exportations de pétrole au Portugal dépassent les biens alimentaires et de consommation que le pays africain importe.

Les rôles se sont inversés: compte tenu de la fragilité financière du Portugal et de l'opulence affichée par l'Angola, le pays colonisé se transforme en colonisateur, constate le journaliste Celso Filipe, auteur du livre Le pouvoir angolais au Portugal.

Acquisitions en série

Ils sont omniprésents dans le tissu économique du Portugal. Des groupes angolais proches du pouvoir ont pris des participations importantes dans des secteurs stratégiques de l'économie portugaise tels que les banques, l'énergie, les télécommunications, l'immobilier et les médias.

Les Angolais raffolent de maisons à Cascais, station balnéaire cossue près de Lisbonne, rachètent des vignobles et fréquentent de manière assidue les boutiques de luxe de l'Avenida da Liberdade, les Champs-Elysées de la capitale portugaise.

Dernière acquisition en date, le magnat angolais Antonio Mosquito a pris en septembre le contrôle de l'entreprise de construction portugaise centenaire Soares da Costa, au bord de la faillite.

Isabel dos Santos, fille aînée du président angolais et première femme africaine milliardaire en dollars, a multiplié les investissements au Portugal. Elle est actionnaire principale du groupe de télécommunications issu en août de la fusion entre Zon Multimedia et Optimus.

Cette colonisation à l'envers est mal perçue par une partie de l'opinion publique au Portugal qui a honte de se faire racheter par l'Angola, alors que le gouvernement est aux petits soins pour le régime de Luanda qui apporte de l'argent frais à un pays exsangue.

Peu importe si l'Angola figure au 157e rang sur 176 sur l'échelle des pays soupçonnés de corruption par l'ONG Transparency International, le Portugal accueille à bras ouverts des fonds dont la provenance n'est pas scrutée à la loupe.

L'attitude de Lisbonne a suscité des commentaires acerbes: la soumission permanente des hommes politiques portugais au régime angolais est pathétique, a jugé l'universitaire Paulo Morais qui réclame un contrôle accru des capitaux angolais.

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