Transports en commun : Ouagadougou-Ouahigouya-Ouagadougou, 10 heures chrono avec la compagnie STAF

| 26.06.2016
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Transports en commun : Ouagadougou-Ouahigouya-Ouagadougou, 10 heures chrono avec la compagnie STAF
© DR / Autre Presse
Transports en commun : Ouagadougou-Ouahigouya-Ouagadougou, 10 heures chrono avec la compagnie STAF
Le gouvernement burkinabé a pris des mesures pour sauver la vie des populations qui est entre les mains des transporteurs en commun. En effet, ces derniers temps, il y a eu beaucoup d’accidents. Le dernier en date et le plus dramatique est celui du car de transport en commun STAF (Société de transport Aorema et Frères), sur la route Boromo-Bobo-Dioulasso, dans la nuit du 18 au 19 mai dernier, faisant près de 30 morts. S’en est suivi un autre accident d’un autre car de la même compagnie de transport, qui s’est renversé sur l’axe Ouahigouya-Gourcy, faisant aussi de nombreux blessés. Avec les dispositions prises par le Gouvernement, et, pour en avoir le cœur net sur le respect desdites mesures, nous avons emprunté des cars de la société de transport « STAF), afin de voir si les consignes sont respectées...


16 h 07 mn, gare STAF de larlé... Nous arrivons d’abord, pour la réservation. Au niveau des guichets, pas assez d’affluence. Nous nous renseignons sur combien coûte le ticket-aller simple, pour la ville de Ouahigouya. 2500 FCFA, nous répond le guichetier. Le prix a baissé apparemment, car c’était à 3000 FCFA, demandons-nous. Il répond par l’affirmative et explique qu’avec la baisse du prix des hydrocarbures décrétée par le gouvernement, toutes les sociétés de transport ont aussi baissé le prix des tickets de transport, allant de 250 FCFA, pour les petites distances, à 500 FCFA, pour les distances de plus de 150 Km.
Combien coûte alors le ticket aller-retour pour Ouahigouya ? Lui demandons-nous. 4000 FCFA. C’était 5000 FCFA, mais avec la baisse, c’est devenu 4000 F... Nous payons, il nous donne le ticket et nous dit d’aller nous faire enregistrer pour l’heure où souhaitons partir, juste au 2ème guichet d’à côté. Là-bas, nous pensions que la personne qui enregistre allait demander un document d’identité. Nous primes le soin de sortir nos pièces, mais celui-ci demande tout simplement les nom et prénoms, l’heure où nous souhaitons voyager.

Ticket en main et rendez-vous pris pour le lendemain à 06 h 30 mn, nous faisons le tour de la gare pour un bref constat. Apparemment, tout va bien. Les haut-parleurs sont en train de crier les destinations pour les passagers qui se préparent. Certains voyageurs sont en train de chercher parmi les cars garés celui qui doit les transporter. Au niveau des envois des colis, tout se passe bien également. Les dames chargées des tâches discutent en toute sérénité avec les expéditeurs.

Mardi 21 juin 2016, 06h 00 du matin...

Nous voici à la gare pour emprunter le car de 07 H 00, selon les consignes. Une grande affluence déjà. Dehors, une dizaine de militaires qui attendent. « Tiens, apparemment, nous serons assistés sur le plan sécuritaire », pensons-nous. Nous les dépassons après un signe de bonjour de la tête. Dans la cour, les voyageurs, qui sont aux aguets sur les haut-parleurs, font semblant de regarder la télévision accrochée à un pan d’en haut du mur, tout en gardant une oreille attentive aux annonces pour les départs. Nous nous baladons dans la cour pour voir l’ambiance. Des dockers en train de charger les bagages et autres motos dans les soutes des cars. Nous demandons où se trouve celui qui part à 7 h 00 pour Ouahigouya à l’un d’entre eux, qui nous l’indique. Nous nous nous dirigeons vers le véhicule, immatriculé 11 JL 39..., restant debout pour la suite.

6h 30 mn... Nous attendons qu’il y ait un appel afin que les passagers puissent s’installer, mais rien. Ce n’est que vers 6h 45 mn que le speaker prévient par haut-parleur que les passagers à destination de l’axe Ouaga-Yako-Gourcy-Ouahigouya sont tenus de s’approcher de leur car de transport. Pendant que nous attendons toujours un éventuel appel pour la liste des passagers, nous voyons que les gens commencent à monter dans le car. Nous en faisons de même, tout en prenant le soin de nous trouver une place adéquate. Bien avant, nous avons aperçu les militaires monter pour la destination de Dori. Pas d’assistance, regrettons-nous...

07 h 00... Le moteur du car tourne, mais nous sommes toujours là. C’est 05 mn plus tard que nous démarrons. Traversée de la ville et arrêts aux les lieux stratégiques que la compagnie a mis en place dans certains quartiers de la ville de Ouagadougou pour prendre d’autres passagers, et, nous voilà partis. Sortie de Ouagadougou après le poste de péage... Le car s’arrête, un policier monte pour le contrôle des identités. Chacun sort ses pièces, il prend, regarde sur la pièce et le visage de la personne, avant de la lui remettre. Mon voisin de gauche, qui a vu les choses venir, est descendu précipitamment en passant derrière le policier, qui n’y a vu que du feu. Le contrôle se poursuit. Une fille est prise. Elle sort son bulletin de naissance. Le policier lui signifie que cela n’est pas valable. Il tolère néanmoins, après qu’elle lui ait expliqué qu’elle allait en vacances chez sa mère, à Ouahigouya.

Le car reprend de la route après que mon voisin de gauche, qui est remonté ensuite, clandestinement, soit revenu. Le convoyeur se lève et commence à son tour à contrôler les tickets et arracher la souche qui doit l’être. Tout se passe bien jusqu’à présent, le voyage continue sans faits majeurs.

08h 08 mn... Nouveau contrôle des Forces de l’ordre et de sécurité (FDS), à quelques kilomètres de la commune de Boussé. Cette fois-ci, ce sont des gendarmes. Contrairement au premier contrôle, tout le monde est invité à descendre. Le contrôle est différent. Le car reste en arrière. Les passagers descendent tous, et, en file indienne, un gendarme vérifie les pièces d’identité.

Ils sont plus de trois gendarmes, par ailleurs, dont certains embusqués. Ceux qui sont contrôlés avancent sur une distance de 50 m, pour attendre le car devant. Cette fois-ci, mon voisin de gauche n’a pas pu échapper. Il est pris, et on lui demande de se mettre de côté afin que le contrôle se poursuive. La fille aussi est prise à son tour. Le contrôle fini, les deux se retrouvent devant le chef de la brigade de contrôle. La fille s‘en sort, parce qu’elle explique que son père est commissaire de police. Chose étonnante tout de même pour les gendarmes, qui la sermonnent. Quant à mon voisin, qui a brandi à son tour aussi un bulletin de naissance, il est sommé de payer une contravention. Le convoyeur du car intervient. Les gendarmes essaient de comprendre, et un quart d’heure plus tard, nous voilà repartis.

09 h 05 mn... Malgré quelques nids de poules, la route se passe bien. A quelques encablures de la ville de Yako, Chef-lieu de la province du Passoré, nouveau contrôle des FDS. Même scénario que le précédent, et les mêmes deux personnes retardent le voyage. Les passagers sont indignés et se demandent comment des gens peuvent voyager sans papier d’identité. L’un d’eux se demande comment la fille d’un commissaire de police, même si celle-ci n’a que 18 ans, n’a pas de pièce d’identité, parce qu’elle devrait montrer l’exemple. Même sermons, pour les deux. Ceux-ci remontent. Nous demandons à notre voisin de gauche ce qui se passe, et il nous répond qu’il n’a pas eu le temps de faire sa pièce d’identité et que maintenant, il en réalise l’importance.

Nous lui demandons où est-ce qu’il va, et nous dit « Ouahigouya », pour continuer dans un autre village aux alentours. Nous nous conseillons les uns les autres, afin qu’il puisse établir ses papiers d’identité le plus vite possible. Il nous répond dans un langage avec un accent fulfudé que c’est à la première chose qu’il s’attaquera dès qu’arrivé. Le car continue son chemin, et nous nous arrêtons à la gare routière joliment construite sur plusieurs hectares, dans la ville de Yako. 15 minutes plus tard, nous voilà repartis. Et c’est là que le calvaire a commencé. La route a commencé à nous donner des soucis. Des nids de poules par-ci et par-là. Le tronçon Yako-Gourcy-Ouahigouya n’est pas du tout commode. Le car était obligé, par endroits, de rouler avec un côté sur le bas de la voie. Arrivé à l’endroit où un car de STAF avait fait un tonneau et occasionné plus d’une trentaine de blessés, les habitués de la voie ont indexé l’endroit où le drame s’est produit. Là-bas, des nids de poule à n’en pas finir, et à donner des frissons. Certains voyageurs ont alors compris pourquoi cela était arrivé et ont accusé la voie. Et cela a continué ainsi, jusqu’à Gourcy, où nous sommes arrivés à 09 h 57 mn, et jusqu’à Ouahigouya, soit plus de 75 Km de mauvaise bitume. Mais à quelques kilomètres de Gourcy, comme de Ouahigouya, il y a eu d’autres contrôles de pièces d’identité, et les deux infortunés s’en sont encore sortis...

10 h 22 mn... Nous voilà à l’entrée de Ouahigouya. En tout, nous aurons pris 3h et 17 mn, pour un trajet de 195 km. En tout cas, les passagers étaient contents. L’un d’eux a ironisé en disant que mieux vaut durer sur la route que de ne jamais arriver à destination, après qu’une personne ait fait la remarque sur le temps mis...

Ouahigouya-Ouaga, retour...

Nous voici donc à Ouahigouya. Nous descendons et voyons l’ambiance en gare. Pas aussi animé comme à Ouagadougou. Certains même somnolent, malgré qu’il y ait une télé et qu’il ne soit que 11h moins. Nous nous disons que ce doit être le jeûne, puisque cela oblige à se réveiller tôt. Nous regardons sur le tableau de programmation des départs et arrivées, et voyons qu’il y a, soit une heure entre les départs, soit 30 mn. Nous nous fixons ainsi le départ pour 14h 30 mn, bien qu’il y ait un pour 14h 00. Juste pour faire un tour en ville, et voir l’ambiance.

C’est ainsi que vers une gare locale située à quelques mètres du marché, nous croisons notre voisin de gauche sans-papier. Il s’apprêtait encore à monter dans un autre véhicule communément appelée Peugeot-bachée. Nous lui sourions et lui souhaitons bon voyage, espérant que ce long périple lui aura fait entendre raison.

13h 30... Nous revoilà à la gare de la compagnie de transport STAF, à Ouahigouya. Ambiance toujours morose. Pas d’affluence, et, les guichetiers se tournent les pouces. Aux dernières minutes, des clients commencent à arriver. Malgré cela, au départ, le car,qui est un autre immatriculé 11 JN 08..., est à moitié vide. Nous démarrons à l’heure, cette fois-ci. Encore un convoyeur qui vérifie les tickets. Derrière nous, il parle à deux mineurs : « Où sont vos tickets ? » « Nous n’en avons pas ». « Où allez-vous ? » « A KourraBangré ». « Qui vous a fait monter ? »« Personne ». « Vous y habitez ? »« Oui ! ». Il les regarde, sourit, et continue son contrôle. Arrivé à Kourra Bangré, premier contrôle des FDS... Tout le monde descend, comme auparavant. Cette fois-ci, tout le monde a ses papiers, donc, le voyage continue tranquillement. Nous jetons un œil à l’arrière et voyons que les deux enfants étaient effectivement descendus. Nous traversons les nids de poules de la voie Ouahigouya-Gourcy tant bien que mal, et arrivons à Yako. Des passagers attendaient, et, le car se remplit de nouveau. Et nous voilà repartis. Les mêmes contrôles comme à l’aller. Pas de problème, avec ceux qui sont montés à Yako. Nous arrivons enfin à Ouagadougou à 17h 03 mn. Soit 03 h03 mn de temps, pour la même distance de 195 Km...

OUF !!!

C’est avec un ouf de soulagement que nous nous sommes retrouvés pieds sur terre. Nous aurons remarqué surtout que les deux conducteurs des deux cars ont fait preuve de professionnalisme. Au départ, nous avions la peur au ventre, étant donné que cette compagnie a mauvaise presse. Mais il se trouve que les gérants de la société ont dû re-manager leur personnel. Certains voyageurs confient que cela les étonne de la part de la compagnie STAF, qui prend aussi de temps pour une telle distance. Mais ils sont tout de même contents que ce soit ainsi, parce qu’il n’y a pas de quoi mettre des vies en jeu. Le plus remarquable dans tout cela est que les deux chauffeurs semblent s’être conformés au Code de la route. Car quand nous arrivons en agglomération, la vitesse de 50 Km/h était respectée, sinon moins. Comme s’ils avaient peur d’égratigner ne serait-ce qu’une mouche. Outre cela, hors agglomération, ceux-ci n’ont pas dépassé les 90 km, même si la vitesse de 110 Km/h est autorisée, pour les chaussées à sens unique. Un apprenti-chauffeur nous confie que lors d’une réunion, il a été décidé que la vitesse ne doit pas dépasser 80Km/h. Par ailleurs, nous avons aussi constaté que dans les différents cars que nous avons empruntés, des numéros verts sont affichés, au cas où un voyageur constaterait qu’un chauffeur fait de la vitesse, pour prévenir la société.

Outre cela, celui-ci peut aussi demander à descendre. Tout cela est bien, dirons-nous, mais espérons seulement que cela sera pour un long terme, car il y va de la vie des uns et des autres, même de ceux qui conduisent. Et espérons aussi qu’il en est de même dans les autres sociétés de transport en commun...

Claire Lebœuf

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