C’est un véhicule sans phare ! De l’extérieur, la peinture délavée et une carrosserie toute cabossée lui donnent un âge approximatif de 25 ans. L’intérieur, quant à lui, rappelle un véhicule abandonné dans un coin du quartier. Une épave qui sert de lieu de jeu aux enfants qui s’amusent à tenir le volant, faisant ainsi leurs «premiers pas» dans la conduite. L’odeur du gaz butane qui s’y dégage fait craindre un incendie imminent. Une baguette de fer comme levier de vitesse. Une autre de forme circulaire, connectée à un ensemble confus, c’est le volant. Tout cela, avec quelques chaises couvertes de pagnes (pour offrir un semblant de confort aux passagers) tel est le taxi qui vous offre ses services. Il faut à l’éventuel client, vraiment du courage, et surtout qu’il soit très pressé pour oser se risquer dans un tel véhicule. Seule la couleur verte fait penser à un taxi. Malheureusement, ce n’est pas le pire des véhicules de transport urbain à Bobo-Dioulasso, car c’est ce qui caractérise la grande majorité des taxis dans cette ville. En effet, leur parc dans la cité de Sya compte environ 1 200 véhicules, selon les autorités municipales. Les conditions pour passer d’une voiture ordinaire à un taxi sont, entre autres, la couleur verte, le logo portant le numéro du taxi, et l’acquittement des frais de stationnement. Pour le conseiller général du Syndicat des taximen de Bobo-Dioulasso (STB), Diro Karamoko, la vérification de l’âge ou de l’état de l’automobile ne leur incombe pas. Mamadou Diakité est chauffeur de taxi depuis sept ans. Son véhicule, c’est-à-dire celui dont nous avons parlé au début, a été acquis en seconde main, après avoir d’abord servi à d’autres fins. «Je ne l’ai pas acheté neuf. Il était déjà vieux quand je l’achetais. Quelqu’un l’a d’abord utilisé, l’a vendu à un mécanicien qui l’a transformé en taxi, et c’est avec ce mécanicien que je l’ai acheté», a-t-il dit (Ndlr : il s’agit d’un de ces véhicules communément appelés «France au revoir» qui, arrivent d’Europe avec un âge compris entre 15 et 20 ans, voire plus). Un regard sur le parc de taxis donne l’impression que le transport urbain n’est réservé qu’aux seuls automobiles réformés. Néanmoins, le taximan Diakité a affirmé que «ce n’est pas parce que le véhicule était vieux qu’on l’a transformé en taxi». Pourtant, selon certaines indiscrétions, c’est généralement lorsqu’une voiture ne peut plus servir convenablement qu’elle est reconvertie en taxi. Pour les taximen, le confort n’est pas prioritaire. L’essentiel, c’est que le véhicule puisse rouler. Juste cela ! Même si c’est un tas de ferrailles, pourvu qu’il bouge! Pour le reste, plus rien à craindre. Pas même le risque, une fois à bord, de se faire écorcher ou d’être piqué par un de ces bouts métalliques non couverts à l’intérieur, et qui peuvent blesser qui s’y frotte. «Non, je ne me blesse pas en conduisant, parce ce que ce taxi est comme ma chambre. Même si on me ferme les yeux, je peux conduire car j’y suis vraiment habitué. Nous nous sentons en sécurité», affirme le conducteur, visiblement bien à l’aise au volant du fer dégarni de sa guimbarde.
Pas de visite technique pour les taxis à gaz
«Malgré l’état vétuste de nos engins, nous ne nous amusons pas avec les freins, parce que nous roulons au milieu des gens. Nous roulons doucement, et le véhicule ne peut pas aller plus vite. Même si nous voulons faire de la vitesse, le véhicule refuse», poursuit-il. Bien que son taxi ne remplisse pas les conditions requises par le Centre de contrôle de véhicule automobile (CCVA), Mamadou Diakité soutient que les taximen font régulièrement leurs visites techniques. «Le syndicat a lutté pour que le CCVA ne nous en tienne pas rigueur. Quand nous partons pour le contrôle, ce sont les phares, les freins et le moteur qu’ils regardent. Si le moteur est en bon état et ne fume pas, si les deux phares s’allument et que les freins sont en bon état également, si les clignotants donnent correctement, les feux rouges aussi, ils nous laissent passer», explique le taximan. Malheureusement, ses propos ne sont plus d’actualité, puisqu’ils ont trait à une situation qui date de quelques années de cela. «Depuis que les taxis ont commencé à utiliser le gaz, peu d’entre eux passent à la visite technique et même aux assurances», indique pour sa part le secrétaire général de la Fédération des syndicats de taxis de Bobo-Dioulasso, Bakary Sanou. Selon le directeur technique du CCVA, Mamadou Diallo, tous les véhicules sont soumis à la visite technique, mais celle-ci est laissée au libre choix de l’automobiliste. Cependant, déclare-t-il, les critères de contrôle ne sont pas les mêmes. «Etant donné que ce sont des véhicules d’utilité publique, on n’en tient pas beaucoup rigueur», a-t-il fait savoir. M. Diallo a souligné que les automobiles ayant changé de source d’énergie ne peuvent pas obtenir l’autorisation de sa structure. Il exclut ainsi les taxis à gaz. Toujours selon M. Diallo, le CCVA n’a pas la possibilité de mettre hors de circulation les véhicules qui ne se soumettent pas à la visite technique. Si toutes les conditions sont remplies, le CCVA délivre l’autorisation. Quant à la répression, elle relèverait de la police. Du côté de la police municipale, on laisse entendre que la mesure de retrait de cette catégorie de voitures relève du «pouvoir de police» qui appartient à l’autorité. En effet, à entendre le commandant de la police municipale de Bobo-Dioulasso, Seydou Coulibaly, «l’autorité peut décider, au regard de la vétusté d’un véhicule, de le retirer de la circulation. Mais cela se fait par acte règlementaire». Selon lui, ce qui relève des prérogatives de sa structure, c’est le contrôle des documents. Pour Bakary Sanou, si la police veut mettre les vieux taxis en fourrière, aucun n’y échappera, parce que tous ont au moins 20 ans.
«Il est difficile de réaliser une recette de 5 000 F CFA par jour»
La vétusté des taxis de la capitale économique ne laisse pas indifférent. Ainsi, pour le conseiller général du Syndicat des taximen de Bobo-Dioulasso (STB), Diro Karamoko, «l’état des véhicules nous inquiète. Mais compte tenu de nos moyens, nous ne pouvons pas leur refuser l’adhésion au syndicat. C’est à l’Etat de gérer ce problème». Il rappelle que le parc aurait été renouvelé en fin 1997, à l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) et que les bénéficiaires devaient payer la contrepartie à tempérament. Mais à entendre le commandant Seydou Coulibaly, les conducteurs n’ont pas honoré leur engagement. Et depuis lors, «l’Etat ne fait rien pour les taximen», conclut le syndicat. Malgré l’état de leurs véhicules, les taximen de la cité de Sya ne manquent pas de clients. Si certains de ces clients sont regardants sur le confort, la majorité s’en passe. «Nous ne regardons pas l’état du véhicule avant de l’emprunter. Pourvu que nous arrivions à destination», explique une cliente. «De toute façon, tous les taxis sont pareils», renchérit, une autre, Ibrahim Drabo vend des véhicules dits «France au revoir». Le prix minimal de ses véhicules est de 2 millions 500 mille francs CFA, toutes taxes comprises. Il affirme n’avoir jamais reçu de client pour l’achat d’une voiture destinée au transport en commun. Bobo-Dioulasso compte plusieurs points de vente de véhicules d’occasion. Presque dans chaque coin de rue, des voitures «France au revoir» quasiment neuves, sont exposées en plein soleil, attendant d’éventuels clients. Mais point de véhicules pareils parmi les taxis. «Même à 2 millions, aucun taximan de Bobo-Dioulasso ne peut acheter un taxi neuf et s’en sortir» ; aux dires de M. Drabo. Le problème semble dépasser le cadre de la subvention. La concurrence déloyale des tricycles, le faible pouvoir d’achat des taximen et le coût du carburant sont évoqués sans cesse. «Il est difficile pour un taximan de réaliser une recette de 5 000 francs CFA par jour. Le marché ne va pas du tout», explique le SG. Les acteurs du transport urbain à Bobo-Dioulasso sont unanimes à reconnaître la vétusté des taxis dans la cité de Sya. Quelle stratégie pour renouveler le parc ? Ils disent s’en remettre à l’autorité. Selon certaines sources, le gouvernement a eu à faire des exonérations sur l’importation de véhicules à usage de taxis, mais il n’y a pas eu de soumissionnaire à Bobo-Dioulasso. Si dans le gouvernement actuel, il existe un ministère des Transports, de la mobilité urbaine et de la Sécurité routière, cela est de bon augure. C’est dire peut-être que le bout du tunnel n’est plus loin.
Danoaga Dominique DIAPPA
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Quelques propositions des Bobolais
De l’avis de certains Bobolais, c’est la mauvaise expérience vécue en 1997 qui explique le recul de l’Etat. Mais pour eux, une bonne organisation des structures syndicales pourrait faire revenir les autorités à de meilleurs sentiments.
Une autre solution consisterait à autoriser l’importation de véhicules en exonérant les taxes lors de certains événements comme la SNC et le FESPACO. Ainsi les transporteurs pourront servir l’Etat pendant ces manifestations et ensuite, payeront à tempérament ce qu’ils doivent pour l’achat desdits véhicules.
Il paraît que...
- Les taximen, pour la visite technique, changent les pièces défectueuses avec de nouvelles pièces empruntées. Après la visite, ils remettent leurs anciennes pièces et continuent de circuler librement, et le tour est joué.
- Tous les taxis sont poussiéreux. Il y en a même qui laissent voir le sol de l’intérieur, alors que les femmes, pour se rendre à un mariage ou au marché, se parent de belles tenues. Elles se retrouvent généralement couvertes de poussière après avoir emprunté un taxi. Donc, elles préfèrent prendre les tricycles, pour pouvoir garder propres leurs tenues.