« Depuis le 1er juin 2016, le règlement n°14/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids, et de la charge à l'essieu des véhicules lourds de transport de marchandises est en vigueur. Plus que la plateforme Sylvie, qui avait suscité l'indignation des commerçants, ce règlement apparaît comme un fardeau de trop pour les pays enclavés comme le nôtre. Comment alors transporter moins de marchandises et garder la même marge bénéficiaire ? Cette mesure est-elle concomitamment respectée dans tous les pays membres de l'Union ?
Les infrastructures sont-elles réunies sur toutes les plateformes génératrices de fret (pont-bascule, et pèse-essieu) ? Cette mesure n’est-elle pas un luxe pour un Burkina post-insurrection où la demande sociale est très forte? », écrivions-nous dans notre édition du mardi 21 juin 2016. En effet, selon ledit règlement, le poids total autorisé en charge (PTAC) pour les véhicules lourds T12 S3 (couramment appelés 2 ponts 3 essieux) circulant sur le réseau routier revêtu de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est fixé à cinquante un (51) et cinquante-neuf (59) tonnes. Pour les véhicules articulés destinés au transport d'hydrocarbures, le véhicule le plus répandu dans notre pays, le T11 S3 (1 pont 3 essieux), ne peut aller au-delà de 43 tonnes de PTAC (poids vide du véhicule encore appelé tare du véhicule + la charge utile, c'est-à-dire le poids de la marchandise).
Les camions de moindre gabarit, eux, devront se contenter en fonction de leur capacité d'un tonnage total qui varie entre 18 et 38 (voir photo). En plus, la répartition de la charge est bien déterminée par essieu. Conformément au Règlement 14 de l'Union (R14), il est fixé une amende de 20 000 F CFA/tonne supplémentaire en transport interne et de 60 000 F CFA/supplémentaire pour le transport international. A cela s'ajoute le délestage systématique du surplus. L'objectif affiché de cette réglementation est de préserver la qualité des infrastructures routières dans la zone UEMOA, et surtout de sécuriser l’activité du transport. Mais une telle mesure ne peut qu'entraîner inéluctablement la hausse des coûts du transport des marchandises ainsi que, par ricochet, le renchérissement des produits, et c’est là que le bât blesse. Hier, une longue file de camions étaient bloqués à l'entrée de l'usine CIM Faso à Kossodo et à Diamont ciment à Zagtouli pour ne citer que ces sociétés. Sur les pancartes et banderoles des manifestants, on pouvait lire essentiellement quatre messages :
- oui au respect strict des accords bilatéraux en matière de répartition de fret généré par notre commerce extérieur ;
- oui au règlement 14 de l'UEMOA, mais réajustons les tarifs d'abord ;
- non au dumping dans le sous-secteur du transport routier ; oui à un nouveau référentiel tarifaire ;
- non à l'exclusivité, au monopole à la concurrence déloyale, oui à l'équité dans le transport routier. Bloqué depuis la nuit du mercredi au jeudi avec son camion de clinker, le Togolais Ibrahim Inoussa dit être convaincu de la justesse de la lutte, car, selon lui, chaque camion doit réduire sa charge de 12 tonnes si bien que «les patrons ne gagnent plus rien, encore moins les chauffeurs ». Le SG de la GTMB, Amadou Bâ Ouattara, compte d'exploitation à l'appui, nous confie son amertume : « Pour un camion d'occasion, il faut 30 millions de francs CFA, et les intérêts de la banque s'élèvent à 6 millions ; avec les conditions qu'on veut nous imposer, comment peut-on honorer nos engagements vis-à-vis de nos banques ? Pour un camion neuf, le coût est autour de 80 millions de francs CFA avec un amortissement moyen de cinq (5) ans.
Aucun exploitant ne peut dans les conditions que nous décrions aujourd'hui payer ses employés et vivre de son activité. Nous n'avons pas les mêmes problèmes que ceux qui transportent les hydrocarbures, car ils disposent d'un référentiel tarifaire. Il faut donc que le prix du transport soit rehaussé à 60 000 F/tonne sur l'axe Abidjan-Ouagadougou et 50 000 F dans le corridor Togo-Ouaga et Ghana-Ouaga", a-t-il souligné. Dans la soirée autour de 17 heures, le blocus a été finalement levé à la demande des autorités pour engager des discussions. Nous avons souhaité avoir la réaction des autorités du ministère de tutelle, mais, situation oblige, elles étaient prises par les discussions.
Abdou Karim Sawadogo