Sidwaya (S.): Quelles ont été les répercussions de la crise au Burkina sur les performances de la DGI?
Adama Badolo (A.B.) : Il est évident que la crise a eu des répercussions sur le niveau des recouvrements. Il y a dans un premier temps, l'effet immédiat porté sur les actions de recouvrement de la période du fait des perturbations du fonctionnement des services des impôts. En effet, dans un environnement instable, respecter ses obligations fiscales n'est pas le souci premier d'un contribuable.
Deuxièmement, il s'agit des effets induits sur le long terme. D'ores et déjà, nous pouvons, avec certitude, affirmer que les conséquences sont énormes, vu le nombre des entreprises touchées par les casses et les pillages et le poids de ces dernières en termes de contribution fiscale. Le climat d'incertitude due essentiellement à la tension sociopolitique latente depuis le début de l'année a fortement pénalisé les performances de l'administration fiscale. En somme, nous avons assisté à une recrudescence de l'incivisme et de la fraude fiscale.
S. : Vos objectifs de recouvrement 2014 estimés à plus de 605 milliards de FCFA ont-été revus à la baisse à 590 milliards. Confirmez-vous qu'il sera atteint ?
A.B. : L'objectif revu à 590 milliards ne sera même pas atteint. La DGI a recouvré à la date du 30 septembre 2014, la somme de 406 milliards contre 388,5 milliards à la même période en 2013. Ce qui correspond à un accroissement de 17,5 milliards pour un taux de progression de 4,52%.
Mais les recouvrements des mois d'octobre et de novembre 2014 ont été catastrophiques, enregistrant des moins-values par rapport aux mêmes mois de 2013 ; la situation d'ensemble s'est donc dégradée. Pour 2014, le recouvrement final de la DGI se situera entre 522 et 525 milliards contre un recouvrement de 521 milliards en 2013. Compte tenu du contexte sociopolitique et de la baisse de la contribution des miniers, on peut se féliciter du niveau des recouvrements 2014.
S. : Malgré une année difficile pour le secteur minier pourtant grand pourvoyeur de recettes fiscales (20%), comment la DGI s'organise-t-elle pour diversifier la mobilisation des ressources internes?
A.B. : Nous convenons que le boom minier a été un des socles de la bonne performance de la DGI, particulièrement en 2011 et 2012 avant que la contraction du prix de l'once d'or ne porte un coup à la tendance haussière de la contribution fiscale du secteur.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue les autres contribuables dont l'apport reste en constante progression. Tous les secteurs économiques sont d'intérêt pour la DGI et constituent des pôles de croissance pour la collecte des recettes. C'est pourquoi la DGI porte ses actions sur l'ensemble des secteurs économiques et fait sienne la stratégie d'élargissement de l'assiette fiscale qui consiste à cerner l'ensemble des acteurs économiques et même ceux du secteur informel.
Au plan législatif, la diversification de la mobilisation des ressources se matérialisera par l'exploitation des opportunités qu'offre le dispositif fiscal pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. A ce titre, la DGI a adhéré aux structures internationales dédiées à l'échange d'information à des fins fiscales avec les autres administrations fiscales.
S. : Depuis les réformes organisationnelles et législatives entreprises, il y a quelques années, la DGI réalise régulièrement des performances au-delà de 100%. Comment expliquez-vous ces résultats, somme toute, appréciables?
A.B. : Les niveaux de croissance des performances atteints par la DGI depuis 2009 sont satisfaisants, vu qu'ils ont été évolutifs. En effet, de 2009 à 2013, en quatre (4) ans, les recouvrements de la DGI sont passés de 266 milliards à 521 milliards. Ces résultats sont la conséquence des efforts tant au niveau du personnel de la DGI qu'au niveau des contribuables qui sont nos partenaires dans cette mission de mobilisation des ressources propres internes.
Les réformes organisationnelles qui se sont traduites par la modernisation du segment des moyennes entreprises, la mise en place des guichets uniques du foncier, la création de plusieurs directions de centres des impôts à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Il y a eu également les réformes législatives dont la plus importante est l'adoption en 2010 de la stratégie globale de réforme de la politique fiscale avec notamment l'instauration de l'impôt sur les sociétés.
Un autre facteur explicatif des performances de ces dernières années est la mise en œuvre de l'Approche unité de recouvrement (AUR) qui permet un suivi rigoureux des performances avec une allocation conséquente de moyens.
Enfin, ces résultats ont bénéficié d'une conjoncture économique favorable avec notamment le boom minier qui a été d'un grand apport dans la réalisation de ces performances.
S. : La DGI tient les 15, 16 et 17 décembre sa 3ème conférence annuelle sous le thème: "Audit et contrôle internes au sein de la DGI: enjeux et perspectives". Quelles sont vos attentes en initiant la réflexion sur une telle problématique?
A.B. : Dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD), adoptée en 2010, la DGI a pour ambition de mettre en place une administration fiscale moderne et performante, en référence aux objectifs de la POSEF en matière de mobilisation des ressources intérieures. Ainsi, elle s'est engagée dans une réorientation des missions de son inspection technique et de son dispositif de pilotage. Il s'agit de mettre en œuvre une politique de maîtrise des activités tout en minimisant les risques et contraintes.
Parmi les moyens modernes qui participent à la maîtrise des activités d'une organisation, figurent en bonne place l'audit et le contrôle internes. Vous voyez donc que l'audit et le contrôle internes sont des instruments essentiels de gouvernance et des processus qui peuvent permettre à la DGI de se forger une stature d'administration fiscale moderne et transparente.
S. : Pour 2015, quels sont les objectifs de recettes assignés à recouvrer à la DGI?
A.B. : Nous y travaillons dans le cadre du comité technique budgétaire pour que le gouvernement puisse soumettre rapidement un projet de budget 2015 au Conseil national de transition qui est l'instance chargée d'adopter le budget.
Néanmoins, au regard du contexte sociopolitique avec les élections de 2015, la baisse du cours de l'or et du coton, la psychose liée au virus Ebola, etc. Les objectifs de 2015 seront probablement assez raisonnables avec un taux d'accroissement par rapport à 2014 qui pourrait être aligné sur le taux de croissance du PIB. Finalement, les prévisions 2015 de la DGI se situeront au plus à 550 milliards de FCFA.
S. : Où en est-on avec le projet de construction du nouveau siège de la DGI, évalué à plus de 5,5 milliards de FCFA?
A.B. : Ce projet s'inscrit dans la stratégie de développement du ministère de l'Economie et des Finances à travers le renforcement des infrastructures, qui a été traduit au niveau de la DGI, par un programme d'investissement immobilier dans lequel la construction d'un nouveau siège occupe une place importante. Le futur siège de la DGI abritera toutes les directions centrales et les services rattachés dont la mission est de coordonner toutes les activités de la DGI et d'en assurer le pilotage. Au regard de la faible capacité d'accueil de l'actuel siège de la DGI, quatre des sept directions centrales ont été délocalisées : trois sont logées dans l'immeuble abritant la Direction des grandes entreprises tandis que l'Inspection technique des services des impôts partage le même immeuble que le Guichet unique du foncier. La construction du nouveau siège permettra à tous ces démembrements d'être réunis en un seul endroit. Pour ce siège prévu à Ouaga 2000, un concours architectural a sélectionné un cabinet d'architecte qui a proposé un avant-projet pour un immeuble R+6 avec sous-sol, salle de conférence de trois cents places ainsi que des annexes comprenant une infirmerie, un restaurant administratif, une salle des archives, et enfin des parkings.
Propos recueillis par
Saturnin N. Coulibaly