Depuis, novembre 2015, la SN-SOSUCO vit une crise en son sein. Pouvez-vous nous faire la genèse du problème ?
La crise actuelle de la SN-SOSUCO a débuté le 9 novembre 2015. Dès 6 heures, des gens sont apparus devant l’usine, pour barrer l’entrée en empêchant les véhicules de circuler. Alors que nous venions de démarrer la campagne le samedi 7 dudit mois. Ils sont même rentrés à l’usine et sous la menace et la violence, ils ont obligé des travailleurs à quitter leur poste. Depuis ce jour, le travail s’est arrêté jusqu’à aujourd’hui. Quand une situation arrive comme ça, la première des choses à faire, c’est de s’enquérir auprès des délégués du personnel et des syndicats pour comprendre ce qui se passe ! Normalement quand on doit arrêter le travail, c’est une grève qui répond à une étape et des règles. Les grèves sauvages on n’en parle plus dans un pays comme le Burkina. A notre grande surprise, eux ils n’étaient pas au courant du mouvement. D’ailleurs quant ils sont allés vers eux pour comprendre, ils ont été chassés. Dans le souci de comprendre la situation, nous nous sommes renseignés de proche en proche et on a constaté que parmi les grévistes, beaucoup n’étaient pas de la SN-SOSUCO, dont des Dozos et quelques chefs de villages qui étaient parties prenantes dans le mouvement et beaucoup de populations de la localité. On ne savait pas ce qu’ils voulaient juste. Il y a un tract qui circulait, puisqu’il n’avait été signé par personne. Ce tract demandait le départ de la direction, la rupture du contrat du propriétaire de l’entreprise, et des lots d’alibis sans fondement. Des travailleurs de la SOSUCO ne peuvent pas demander des choses comme ça, à plus forte raison des gens qui ne sont pas de la boîte.
Au départ de la crise vous avez tout fait pour comprendre mais sans succès. Avec du recul et la durée de la crise, n’avez-vous pas cherché à mieux comprendre ?
Bien sûr que oui ! Avant de continuer, je paraphrase là un syndicaliste SOSUCO qui dit que la crise de la SOSUCO est un serpent à plusieurs têtes. Il est évident que les villageois ne se sont pas levés un beau matin pour venir bloquer l’usine sur un coup de tête. C’est un coup qui a été préparé il y a longtemps. Nous nous rappelons, l’an passé, à la même période, un coup de ce genre, avait été préparé pour demander le départ des uns et des autres de la SOSUCO. Cette année encore se sont les mêmes revendications qui reviennent. Les vrais instigateurs sont à couvert et ils n’ont mis devant que des paravents. Et les quelques travailleurs de la SOSUCO qui sont dans ce mouvement, sont des gens qui ne comprennent rien du mouvement syndical. Nous nous sommes quand même renseignés et nous avons fini par comprendre qu’il y a des gens en ville, un lien politique, avec un ou deux cadres de la SOSUCO, qui sont dans le Mouvement et qui le financent, le dirigent et dont leurs maisons servent de bureaux de crise. Depuis plus d’un mois, ils donnent à manger aux grévistes matin-midi-soir. Il y a même des habitants de Béréga qui viennent manger aux heures de repas et qui repartent. Sinon, les grévistes eux-mêmes n’ont pas les moyens d’assurer de telles dépenses. Ils ont même donné quelques enveloppes à des Dozos pour qu’ils restent dans le mouvement, nous connaissons quelques-uns de ces gens-là, dont certains ont été appréhendés hier avec la descente de la police. Ils savent bien que ce sont des alibis irrecevables qu’ils avancent, des choses irréalisables. Le but réel, c’est quoi ? C’est la fermeture de SOSUCO.
De sources proches des grévistes, ce sont la mévente du sucre et surtout la question des avancements qui serait un gros deal ou un os au sein de l’entreprise, qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas parce que quelqu’un est malade qu’il faut lui couper les médicaments pour le laisser mourir ! C’est aberrant quoi ! Nous avons des problèmes avec la mévente et vous, vous nous empêchez de mener notre Campagne. En plein début de campagne, vous bloquez le travail sous des alibis fallacieux. Leur objectif c’est de fermer la SOSUCO. Ce n’est pas de la sorte qu’il faut se comporter pour résoudre la question de la mévente ; pas du tout ! Maintenant, quand ils disent que les avancements se font par deals, ce sont encore des alibis. Nous leur avons demandé expressément, de nous faire de façon exhaustive les cas d’avancement qui ne sont pas traités. Ils sont incapables de nous le dire !
Vous souteniez tantôt qu’ils réclament le départ du propriétaire de l’usine. Qu’en est-il du contrat de l’Industrial Production Service (IPS), dont le contrat aurait expiré depuis 2008 ?
Ce sont des choses que ceux qui manipulent la crise en bas disent aux naïfs qui sont devant. Avec IPS, ce n’est pas un contrat ! IPS a acheté la majorité des actions de la SOSUCO, il est donc un des propriétaires de l’entreprise et non un contractuel ! C’est quelle histoire de 15 ans de contrat qui est à son terme ? Ça n’a jamais existé ! Mais ceux qui le disent, espèrent qu’il y ait des gens qui vont y croire, et vont poser des actions allant dans ce sens. Sinon un contrat avec IPS, ce sont des propos imaginés et qui ne tiennent pas la route.
Pourquoi, les grévistes vous empêchent-ils, y compris les cadres, d’accéder aux bureaux ?
Il n’y a aucune explication ! En réalité, depuis le début du mouvement, personne ne peut nier son illégalité. Surtout pour des gens qui ne sont pas travailleurs de l’entreprise, c’est complètement hors la loi. Malgré tout, nous avons entrepris des démarches en justice, en donnant des opportunités de médiation. Il y a eu plusieurs tentatives de médiations, en commençant par la délégation spéciale, le gouverneur ensuite le SG du ministère de tutelle de la SOSUCO, notamment le Commerce et l’Industrie et des directeurs centraux, des chefs de canton et des chefs de village ont tenté en vain, le ministre en personne a fait le déplacement de Bérégadougou pour expliquer la situation. Les histoires de contrat de l’IPS ; ce qu’il faut demander et ce qu’il ne faut pas demander. Il a tout expliqué, mais rien à faire. Il y a un comité de crise qui a été mis en place par le gouverneur, lequel comité était présidé par l’Evêque de Banfora, qui a buté sur des problèmes qui n’ont rien à voir avec la SOSUCO, mais avec des problèmes de fétiches. On a compris que, l’objectif recherché c’est de nous bloquer. Plus longtemps SOSUCO restera fermée, difficilement on pourra se relever. Et nous avons fini par comprendre que ceux qui ont intérêt que la SOSUCO ferme, ne sont pas les chefs de village de la localité ; ce ne sont pas les populations autour de l’entreprise, ce ne sont pas les Dozos non plus, mais les trafiquants de sucre. Pour nous, ce sont eux qui financent la crise et qui travaillent à ce que la SOSUCO ferme.
La direction aurait fourni en numéraires les comptes de certains grévistes. Malheureusement la question de fétiches évoquée tantôt, les a obligés à informer le groupe. Reconnaissez-vous avoir soudoyé des gens ?
Je n’ai donné de l’argent à qui que ce soit ; d’ailleurs, ils n’ont pas besoin de notre argent. Parce qu’il y a déjà beaucoup d’argent qui se distribuait déjà dans leur sillage. Je vous ai dit tout à l’heure qu’il y a des gens qui payaient très bien en bas déjà ! Ils n’ont pas besoin de notre argent pour orienter la crise.
Les forces de l’ordre arrivées sur les lieux vous auraient aidé à avoir accès à votre bureau et vous y êtes ressorti avec des dossiers et beaucoup d’argent. Votre réponse ?
Depuis le 8 novembre 2015, je n’ai plus remis pieds dans mon bureau. Depuis le début de cette affaire, elle est basée sur du mensonge. Il y a des moments où on a dit que j’ai fui avec la caisse en compagnie du DFC, et qu’on a été arrêtés par la gendarmerie. La dernière fois, des éléments du comité de crise sont allés raconter des choses devant l’Evêque, ils disent que j’ai un milliard dans mon bureau, 46 millions je ne sais dans quel bureau ? Je me demande s’ils savent ce que c’est qu’un milliard ? Ils disent qu’on attend d’avoir accès aux bureaux pour fuir avec ces différentes sommes. Quand les forces de sécurité sont arrivées, aucun de nous, et même pas les travailleurs n’ont mis pieds dans l’usine. Parce qu’il n’est pas exclu qu’ils organisent du vol dans notre dos. Nous allons d’abord faire un constat exhaustif avant d’appeler les travailleurs à venir travailler. Même moi, je n’entrerais pas au bureau sans un constat.
Pensez-vous qu’il était nécessaire d’utiliser la force pour évacuer les lieux ?
Comment voulez-vous qu’on résolve une telle crise où, les vrais acteurs sont dans l’ombre et mettent des paravents pour atteindre leur objectif. Je vous ai déjà dit que nous avons usé de tous les moyens pour avoir une entente par dialogue. Mais rien à faire ! Vous voulez qu’on croise les bras et qu’on se laisse mourir ? Je crois qu’il est temps au Burkina que la loi prévale.
Vous évaluez à combien la perte de cet arrêt de travail ?
Le minimum que je peux vous donner c’est 700 millions et ce n’est pas exhaustif. Il faut évaluer les pertes au niveau de l’usine, même hier (ndlr : 8 novembre 2015), ils ont tenté de brûler. On ne sait pas d’abord ce qui a été volé pendant cette grève. Même au niveau des champs, nous devons faire une évaluation parce que, il y a beaucoup de parcelles qui sont restées sans arrosage à cause de cette grève qui dure plus d’un mois. Nous devons tout évaluer afin que justice soit rendue.
Quel avenir pour la SOSUCO après tout ?
Des gens ont encouragé des coupeurs de canne à sucre à aller vers la Côte d’Ivoire car pour eux, la SOSUCO n’allait jamais démarrer. Mais avec tout, nous avons repris et nous avions commencé à nous étendre un peu plus sur toute l’étendue du territoire. On avait compris qu’on avait un système de vente qui avait montré ses limites, et c’est qui accentuait la mévente. Nous avons compris qu’il fallait mettre notre sucre à la disposition des consommateurs, que de laisser le terrain libre aux trafiquants qui parfois, ne payaient pas de taxes pour faire venir le sucre. Même s’ils devaient le faire, c’est de façon minorée, ce qui rend moins cher leur produit par rapport au nôtre. Nous avons donc changé le fusil d’épaule et paf, ce mouvement arrive comme un cheveu dans une soupe. Allez-y comprendre quelque chose ! Pour moi, l’avenir de la SOSUCO est toujours là, SOSUCO a de l’avenir. SOSUCO peut bien vivre et s’en sortir. Mais il faut que l’Etat cesse de subventionner le sucre importé pour que vive la SOSUCO qui emploie plusieurs personnes qui vivent des revenus de cette entreprise. Il faut que l’Etat lutte farouchement contre l’importation frauduleuse du sucre. Et comme nous avons trouvé une solution avec la production et la distribution, je pense que l’avenir de la SOSUCO est bien rose. Puisqu’en deux ans, nous sommes passés de 25 000 à 33 000 tonnes de sucre, cette année, nous devrions faire 35 000 tonnes. Avec cet arrêt, on peut estimer déjà la perte sèche totale de sucre à 600 tonnes ; je dirai à ceux qui sont devant cette crise de faire attention. Il ne faut pas laisser la proie et poursuivre son ombre. Des gens leur font des promesses qui non seulement sont fausses, mais qui de surcroît ne valent rien devant ce que la SOSUCO leur rapporte.
Propos recueillis par Souro DAO