Grève à la Brakina: de milliers de personnes ont risqué de se retrouver au chômage

| 01.04.2015
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Grève à la Brakina: de milliers de personnes ont risqué de se retrouver au chômage
© DR / Autre Presse
Grève à la Brakina: de milliers de personnes ont risqué de se retrouver au chômage
Depuis plus d'une semaine que les travailleurs de la Brakina observent une grève illimitée pour exiger de la direction générale la prise en compte de leur plate-forme revendicative. Cette grève inquiète de plus en plus la population dont certains risquent de se retrouver au chômage si rien n'est fait d'ici là. Nous avons fait un tour dans quelques maquis de la ville de Ouagadougou les 28 et 29 mars 2015 pour voir comment les gérants vivent cette crise. Constat.


Cette crise qui est en train de prendre des proportions inquiétantes (un accord a été trouvé ce 31 mars mais nous publions ce reportage pour témoigner du calvaire de certains acteurs du domaine) affecte non seulement l'Etat, mais aussi la population qui n'arrive plus à consommer ce qu'elle veut. Il suffit de sillonner les quartiers de Ouagadougou pour comprendre que la bière est devenue une denrée rare très recherchée par bon nombre de consommateurs. Presque tout le monde, de près ou de loin, est affecté par cette crise.

En effet, certains maquis, qui refusaient du monde, ont du mal à maintenir le quart de leurs fidèles clients et d'autres, par manque de boissons, ont carrément fermé leurs portes. Les gérants regardent, impuissants, leurs chiffres d'affaires baisser. Les serveuses, elles sont inquiètes de ne pas pouvoir percevoir leurs salaires du mois alors que certaines doivent payer le loyer ou nourrir leurs enfants.
Les parkeurs également sont mécontents car ils n'arrivent plus à joindre les deux bouts vu que les clients ont déserté les lieux, soit parce qu'il n'y a pas de boissons, soit parce qu'ils sont à la recherche de maquis où ils peuvent trouver ce qu'ils cherchent. Idem pour les bouchers qui vendent devant les maquis qui ont perdu la clientèle parce qu'il faut boire en mangeant. Que dire de ces femmes qui vendent les mets dont se nourrissent les employés des maquis?! Toute la chaîne est donc affectée par cette crise qui est une première du genre, selon certains. «Cela fait 35 ans que je suis dans ce domaine, mais c'est la première fois que je vois ça. Ma cave n'a jamais été vide. Depuis vendredi, samedi, dimanche, lundi c'est toujours vide», a révélé le Directeur général de la société des Caves de l'Amitié, Jean-Baptiste Tarpaga. Pour ce fait, M.Tarpaga a souhaité que les deux parties puissent trouver vite un consensus car cette crise a de lourdes conséquences sur leur rendement. «Notre chiffre d'affaires a baissé mais on est obligé de payer les travailleurs même s'ils ne travaillent pas».

Comme les propriétaires des caves, les gérants de maquis sont également inquiets parce qu'ils ont du mal à garder leur clientèle. «C'est délicat parce qu'on ne connait pas la vraie version des choses. Ce n'est pas une petite crise car c'est une longue chaîne. Tout le monde est concerné, les consommateurs, les employés au niveau des caves, dans les maquis, les bouchers..., c'est très compliqué», a confié Emile Somé, gérant du Guitare Bar. Et d'ajouter: «La clientèle a baissé puisqu'on n'a pas à boire et forcement notre chiffre d'affaires a baissé. Avant,on pouvait vendre 50 caisses par jour, mais maintenant il y en a même pas». De son avis, cela va engendrer d'énormes conséquences car, dit-il, beaucoup de gens vivent de la vente des boissons, donc ça va forcément créer le chômage.

Idem pour Philippe Zango, gérant du maquis Wend Panga, qui s'inquiète de ne pas pouvoir payer ses employés à la fin du mois. «Pour le moment, c'est fermé, il n'y a rien à vendre, c'est une perte totale car à la fin du mois on ne pourra même pas payer nos employés et on va perdre nos clients aussi». A l'en croire, ils pouvaient vendre au moins 100 000F par jour, mais il n'y a plus boissons. «D'ici demain, si on ne gagne pas de boissons, on va fermer, parce qu'on a épuisé notre stock», confesse-t-il.

Joachim Ouédraogo, gérant du maquis Rue princesse, ne dit pas le contraire. «Notre chiffre d'affaires a baissé. Avant si on vendait 500 000 par jour c'est que l'on n'a pas vendu. Mais actuellement pour avoir 400 000 FCFA, c'est très difficile. Nous espérons qu'ils vont s'entendre pour nous faciliter la tâche.». Par ailleurs, il a révélé qu'actuellement, ce sont quelques canettes et caisses de Guinness qu'ils possèdent. Et même avec ça, M. Ouédraogo a avoué qu'ils sont obligés d'augmenter de 100 F le prix de chaque bouteille. «Ça ne nous plait pas, mais on se dit que si on garde les mêmes prix, ça va finir. On avait un stock de sécurité, mais c'est fini depuis hier. Actuellement, ce qu'on a, c'est la petite et la grosse Guinness. Jusqu'à hier, on avait la Brakina qui coûtait 700 FCFA. On avait que trois caisses et ça n'a même pas fait deux heures. Les clients se plaignent des hausses des prix, mais certains aussi comprennent que ce n'est pas de notre faute ».
Du côté des clients aussi, c'est la désolation. «La crise nous affecte. L'impact n'est pas petit parce qu'au regard de cette crise, non seulement il y a la hausse des prix qui joue sur nous et également on n'arrive pas à avoir la boisson qu'on désire. On est obligé de consommer ce que l'on ne veut pas», a souligné un client. Et d'expliquer que la bière est devenue une richesse au Burkina. «Hier, c'est dans un petit maquis situé à Kologh-Naaba que j'ai pu avoir la Brakina. Quand j'y étais, un homme est arrivé et s'est assis à côté de moi. Quand on lui a dit qu'il y avait la Brakina, il a tout de suite appelé quelqu'un au téléphone pour lui dire: viens vite, ici y a la Brakina».

Une serveuse rencontrée à Guitare Bar et visiblement très remontée a martelé: «Si les agents de la Brakina ne veulent pas travailler, ils n'ont qu'à laisser, car il y a d'autres qui veulent. A cause d'eux, on ne va pas avoir notre salaire du mois. Y a quoi même! La bière aide beaucoup, mais s'il y en a pas, tu vas vivre comment ? Si tu bois la sucrerie, elle bourre le ventre et amène le diabète. La bière a disparu, il faut grouiller pour que ça revienne.»

Certaines personnes risquent de se retrouver au chômage si cette crise perdure. Déjà qu'au Burkina Faso le taux de chômage est élevé, il ne serait pas opportun d'en rajouter. Il serait donc opportun pour les deux parties de trouver un consensus.

Ce qui a été fait dans la soirée du 31 mars.

Madina Belemviré

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