Production du coton Bt au Burkina : la polémique monte, les producteurs ont pris parti

| 24.03.2016
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Production du coton Bt au Burkina : la polémique monte, les producteurs ont pris parti
© DR / Autre Presse
Production du coton Bt au Burkina : la polémique monte, les producteurs ont pris parti
Introduit dans la production cotonnière depuis 2009, le Coton génétique modifié (CGM) fait parler de lui de plus en plus. Entre pro et anti-CGM, la polémique a atteint un niveau assez élevé. Les producteurs eux ont choisi leur camp. Lequel ?


Dans un documentaire sur « La problématique du coton Bt au Burkina : la parole des producteurs » dans les zones de la Société des fibres textiles du Burkina (Sofitex), de Société cotonnière du Gourma (Socoma) et Faso coton, les cotonculteurs ont pris parti. Sans états d’âme. Presqu’à l’unanimité, ils estiment que si on doit revenir à la production du coton conventionnel, cela voudrait dire deux choses : soit on réduit les superficies, soit on abandonne carrément la production du coton.

En effet, c’est au cours de la campagne 2008-2009 que la production du coton Bt a été introduite au Burkina Faso. A l’époque, Salifou Diallo, alors ministre de l’Agriculture justifiait qu’avec le coton Bt, « on élimine 4 des 6 principaux rongeurs types du coton ; on réduit le coût de production avec un gain de 36 000 F CFA par hectare ; en même temps qu’on augmente les rendements pouvant atteindre 4 à 5 tonnes à l’hectare ».

Sur le terrain, le message est vite passé. Les producteurs ont adhéré et sans aucun doute, les résultats ont suivi. C’est pendant cette période que le Burkina Faso s’est hissé au plus haut rang des pays producteurs de coton en Afrique. Avec des retombées importantes en termes de revenus notamment pour les producteurs et les quelques 4 millions de Burkinabé qui vivent directement ou indirectement du coton. Alors qu’ils sont aujourd’hui entre 70 % à 80 % à cultiver le coton Bt dans les trois zones cotonnières, la polémique sur le CGM est revenue en surface. A la surprise générale des producteurs, notamment les gros qui, du fait de l’introduction du coton Bt, ont procédé à l’augmentation de leurs superficies.

A en croire les producteurs de coton sur le terrain, le coton Bt présente beaucoup d’avantages. D’abord, de six traitements à l’insecticide quand il s’agit du coton conventionnel, ils sont revenus à deux pour le coton Bt. Ce qui leur laisse le temps de s’occuper à d’autres spéculations pour ceux qui en ont. Ensuite, ils sont unanimes qu’avec le coton Bt, ils se fatiguent moins puisqu’il est pratiquement impossible de traiter quinze voir cinquante hectares de coton avec des pulvérisateurs de 18 à 20 litres sur le dos. Enfin, toujours selon eux, la réduction du nombre de traitements à l’insecticide permet de sauvegarder la flore dont certains insectes comme les abeilles qui ne sont pas dangereux pour le cotonnier. Mieux que tout cela, avec le coton Bt, on réduit considérablement le crédit puisque le nombre de traitements a baissé. Ce qui fait un gain de près de 36 000 F CFA à l’hectare. Des Groupements de producteurs de coton (GPC) qui étaient chroniquement en impayé ont pu, avec l’introduction du CGM, revenir à la production et sont devenus de grands producteurs.

Par ailleurs, avec les changements climatiques et les inondations, certains estiment que le coton Bt résiste mieux. Ainsi, pour Yacouba Ouaba, de Pathiaga dans la Tapoa, « quand il y a eu les inondations, seuls nous qui avons emblavé le coton Bt avons pu faire des récoltes ».

C’est au regard de tous ces avantages que les producteurs ont considéré que le retour au coton conventionnel constituera une véritable perte pour la filière. Certains n’hésitent pas à dire que s’il faut revenir au conventionnel, on programme ainsi la mort de la filière. « Parce que, pense Sylvain Sama à Kayaho dans le Centre, les producteurs ont perdu les itinéraires de la production du coton conventionnel ». Dans tous les cas, ils estiment que si d’ordinaire cela devrait être le cas, il faut qu’ils soient associés et que leurs intérêts soient pris en compte. Autrement, comme l’a indiqué Béma Laci Koura, producteur à Béréba, « on ne peut pas raser la tête de quelqu’un à son absence ». En clair, le retour au coton conventionnel ne peut se faire sans l’accord des producteurs. Du reste, soutiennent Abou Ouattara dans la province du Houet : « si on a pu faire la recherche pour aboutir au coton conventionnel, alors qu’on poursuive cette recherche pour rendre la fibre plus longue au lieu de nous dire d’abandonner le coton Bt ».

Au moment où se mène une caravane contre les OGM et notamment le coton Bt au Burkina, les producteurs estiment que l’origine de la polémique sur les OGM pourrait se trouver ailleurs. Si c’est le cas, que le gouvernement ou les firmes internationales qui produisent les semences CGM prennent leurs responsabilités. Car, « nous ne voulons pas être les perdants dans une bagarre qui ne nous regarde pas ».

Mountamou KANI

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