ABoromo, rien n'est plus comme avant. L'économie est en berne. Une régression que le conseil municipal ressent à travers la baisse des recettes collectées. Entre 2012 et 2013, elles ont chuté de 320, 656 millions à 291, 379 millions de FCFA. Pour 2014, les prévisions ne sont pas non plus roses. L'autorité communale confirme le ralentissement de l'activité économique. Le premier adjoint au maire, Boubakar Guira, explique que cette situation est liée aux travaux de bitumage de la nationale nº1, aux problèmes de recouvrement et à l'orpaillage. «Avec la construction de la double voie dans la ville, une vingtaine de boutiques est partie. Ces commerçants peinent même à trouver des endroits pour s'installer. Cela constitue une perte pour nous en termes de recettes», explique-t-il. C'est le cas de Ahmed Kaboré, qui a vu sa boutique se déplacer. «Au début, ce n'était pas facile. Mes ventes étaient réduites de plus de la moitié. Je n'ai pas encore récupéré tous mes clients mais, indique-t-il, ça va de mieux en mieux». Il reconnaît qu'il y a un ralentissement de l'activité commerciale. Même son de cloche chez Issouf Kiendrebéogo, commerçant en face de la gare routière de Boromo : «Le déplacement a joué sur notre activité. Mais ces derniers temps, il y a une amélioration».
Des problèmes ont également empêché la municipalité de recouvrer les taxes au niveau de la gare routière, parce que les commerçants reconnus par la mairie se plaignent des ambulants qui prennent une part de leur marché. Un problème qui, de l'avis du premier adjoint, est en train d'être résolu. « On a eu des cadres d'échanges avec les commerçants et ainsi, une organisation a été mise en place pour recouvrer les taxes. Depuis trois années, les commerçants ne payaient plus de taxes», admet-il.
Dans un contexte de décentralisation intégrale où chaque collectivité doit mobiliser des ressources pour financer son propre développement, le premier adjoint insiste sur l'urgence à sensibiliser davantage les populations à s'acquitter de leurs taxes. «Les populations ne veulent pas payer par exemple la taxe de charrette. Nous sommes en train de leur expliquer, que la commune ne peut se développer, sans la contribution de chaque citoyen », releve-t-il. Il ajoute que le conseil municipal a entrepris des tournées dans tous les villages, afin d'encourager les populations dans ce sens. «L'argent de la commune doit venir de la commune pour développer la commune». Il interpelle la population, car le développement de la commune incombe à tous. «Il faut le civisme, et le conseil municipal est ouvert et demande aux citoyens de venir vers lui pour leurs préoccupations», lance Boubacar Guira.
Et au président de la Commission affaires générales, sociales et culturelles, Adama Yao, d'appuyer que des sorties sur le terrain ont été organisées pour permettre à la mairie de rentrer en possession des différentes taxes. «En mars dernier, une première sortie sur le terrain, nous a permis de recouvrer plus de 400 000 FCFA. Une seconde sortie a permis de recouvrer 300 000 FCFA », précise M. Yao. Il annonce la tenue d'autres sorties qui toucheront tous les hangars et boutiques de la ville.
Autre explication: la mairie pointe du doigt l'état défectueux de la route nationale n°1 qui oblige certains passagers à contourner par Dédougou pour rallier Bobo-Dioulasso. Pour la "direction" de la ville, cet état de fait joue négativement sur l'activité économique. «En termes d'économie, nous avons perdu », note M. Yao. «C'est pourquoi nous saluons le bitumage de cette voie. Une fois la route bitumée, je pense que les passagers vont revenir », espère-t-il.
La gare routière, "l'usine " de Boromo
A la gare routière, le centre des affaires de la ville, les commerçants apprécient différemment la situation. Pour le secrétaire général de l'Association des commerçants de Boromo (ACB), Younoussa Pagabélem, la situation économique n'est pas aussi lamentable. Il reconnaît le poids qu'a la gare routière dans l'économie. «La gare routière est devenue une usine qui fait vivre beaucoup de personnes de nos jours. Il y a au moins un représentant de chaque famille à la gare», soutient-il. Un avis partagé par les occupants de la gare routière, en majorité des femmes, qui ne veulent pas rater une seule occasion, malgré une chaleur accablante. On court après les véhicules qui y entrent ou qui sortent de la gare. Ça hèle partout. L'ambiance est à son paroxysme. Madame Mariam Touré, la cinquantaine bien remplie, est vendeuse d'oignon. Nous l'accostons, et elle nous répond en ces termes : «Ces temps-ci, le marché va bien. Je n'ai pas une idée de ce que je gagne par jour, mais je sais que mes affaires vont bien. Tout le monde ne peut pas avoir de marché mais, chez moi, je pense qu'il y a une amélioration ». Et à Awa Traoré, également vendeuse d'oignon, de laisser entendre : « je remercie Dieu. Je peux vendre au minimum 20 sachets d'oignon par jour. Je vends des sachets de 500, de 1000 et de 2000 F CFA ». Mamounata Sanfo, elle, est vendeuse de poulets frits. Pour elle, la gare routière est le lieu de ses affaires. Même, si elle soutient que l'activité est en baisse, elle dit néanmoins pouvoir vendre 10 à 15 poulets par jour pour un prix unitaire de 2 500 à 3 000 F CFA.
Pour le représentant des transporteurs, Oumarou Sanfo, les travaux de la route n'ont pas eu d'impact sur la fréquentation de la gare. « Aucune de nos sociétés de transport n'a changé de direction. Il y a encore plus de sociétés qui s'intéressent à notre gare mais nous sommes en manque de place », indique M. Sanfo. S'il y a des gens qui préfèrent passer par Dédougou, il pense surtout aux particuliers. Selon lui, la gare routière est fréquentée par une dizaine de sociétés de transport. «Avec la fin de la crise en Côte d'Ivoire, le trafic s'est accru, les sociétés ne font que se multiplier. Cela permet à nos femmes de se faire de bonnes affaires», se réjouit-il. Son souhait est que le conseil municipal puisse construire davantage pour satisfaire la demande de place au sein de la gare de Boromo.
L'orpaillage, une vieille histoire
Un autre obstacle au développement de la commune, selon le premier adjoint à l'édile, Aboubakar Guira, demeure l'électricité. Il interpelle, de ce fait, les responsables en charge de l'électricité sur le cas de sa localité. « De nos jours, beaucoup de femmes qui vendaient de l'eau ont été obligées d'abandonner. Nous enregistrons des délestages à longueur de journée », dénonce Boubakar Guira.
L'orpaillage a une réputation mitigée à Boromo. Pour M. Guira, il a des avantages comme des inconvénients. «Au niveau de l'économie, les gens s'en sortent mieux. Comme inconvénients, les sites d'orpaillage sont des lieux où sévissent rapidement la prostitution, la délinquance et l'abandon scolaire», explique-t-il. Et d'ajouter qu'une fois qu'un site d'orpaillage s'installe, la vie devient très chère. «Dans les années 2011 et 2012, l'on ne pouvait plus acheter un secco à Boromo. Le haricot et même les autres denrées étaient devenus très chers parce qu'il y avait plus de 2000 personnes sur le site de Signonghin (à quelques encablures de la ville de Boromo)», a-t-il poursuivi.
Et au secrétaire général de l'ACB de renchérir que quand cette mine artisanale fonctionnait, le marché de Boromo était vide. Les commerçants de la ville étaient allés s'installer sur les lieux. « Il arrivait que l'on ne trouve pas certains produits en ville», se souvient Younoussa Pagabélem. Ces propos sont confirmés par le représentant des transporteurs: «Au moment où il y avait la mine, la vie était dure. On ne pouvait plus avoir un manœuvre à 1500 F CFA. Les jeunes n'avaient le temps que pour l'or ».
Tous ces problèmes autour de l'orpaillage ont conduit le conseil municipal à opérer un choix. Il s'est agi d'interdire le traitement de l'or dans la ville et l'orpaillage dans la commune. « Au niveau de notre commune, nous avons fait un choix cornellien. Nous avons interdit le cyanure. Boromo étant un carrefour, les orpailleurs se retrouvaient pour le traitement des résidus », fait savoir le premier adjoint au maire. Pour lui, le conseil municipal a préféré préserver la santé de la population, même si l'orpaillage permettait à la population de se faire un peu d'argent.
Adama SEDGO
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Evolution du budget communal de Boromo
Année--Prévisions(FCFA)--Recettes (FCFA)---Dépenses (FCFA)
2012---319 815 729--------320 656 170-------265 681 530
2013---306 708 894--------291 379 040-------206 050 720
Source : Données de la mairie