Cette grande communauté qui a transformé le parc, en plus de dix ans, en de vastes plantations dont la production est estimée aujourd'hui à plus de 15.000 tonnes, représentant une manne financière annuelle de 11 milliards FCFA, ne sait plus où donner de la tête.
L'enjeu est pourtant à la fois social, économique et politique. L'Etat ivoirien qui depuis quelques années bénéficie d'au moins 3 milliards de cette manne financière par an à travers le DUS (Droit unique de sortie du Cacao) dans ses caisses, est sur le point, de sacrifier ce gain. Au nom du principe de la loi qui veut qu'un parc ne soit pas occupé. Cette décision relève, on pourrait le dire de la souveraineté de l'Etat ivoirien qui peut compenser ce manque à gagner ailleurs ; le pays regorgeant de nombreuses ressources. Mais le Burkina Faso peut-il se permettre de se passer de l'apport de ces 30.000 ressortissants dans son économie et dans son développement ? Là, réside l'interdépendance des deux Etats, matérialisé en 2007 par le traité d'amitié et de coopération.
Le comble dans le cas d'un éventuel retour des déguerpis au bercail, c'est que le Burkina Faso ne perdra pas seulement l'apport de ses ressortissants mais, il aura à gérer sur le budget de son ministère des affaires sociales l'assistance de ces derniers. Quand on sait que l'intégration des 200.000 burkinabè rapatriés au début de la crise ivoirienne dans le cadre de l'opération bayiri avait été un fardeau pour le gouvernement burkinabé, il faut craindre que ce second rapatriement ne vienne compliquer la tâche au régime Compaoré déjà éprouvé par son opposition.
A moins de seize mois de l'élection présidentielle au Burkina Faso, la gestion sociale de ces éventuels rapatriés pourrait ne pas servir la cause du Président Compaoré. Lequel est « à la croisée des chemins » pour rappeler l'intitulé du dernier livre, du journaliste écrivain ivoiro-burkinabé Alexandre Lebel Ilboudo. Il est évident que si le président Alassane Ouattara renvoie ces 30.000 burkinabè au Faso- comme le souhaitent les chefs wê qui refusent de les accueillir dans leurs villages- il pourrait précipiter la chute de son « ami » Compaoré, qui fait face à des remous sociopolitiques dans son pays. C'est la dimension politique du dossier du Mont Péko.
De ce qui précède, il se dégage deux options au président Alassane Ouattara. La première serait de faire fi de tous ces facteurs en allant au bout de sa logique de déguerpissement mettant Blaise Compaoré en difficulté au risque de se faire harakiri à seize mois des élections. La seconde option, qui parait de loin la plus conciliante, serait d'accéder au délai de grâce sollicitée par les occupants pour partir, progressivement et en reboisant les lieux. Trois ans pour partir, c'est le délai demandé. Pendant ces trois ans le parc sera reboisé. L'Etat ivoirien recevra dans ces caisses près de 10 milliards. La région du Guemon maintiendra le volume de sa production agricole en matière de cacao. Et les élections encore redoutées, tant en Côte d'Ivoire qu'au Burkina Faso, seront passées. Ce sera tout simplement un deal gagnant gagnant dans la mesure où il y a aucune urgence aujourd'hui à recourir à la force.
Sir Alfred, Informateur.info