Déni du droit de vote de la diaspora : La hantise d’un électorat qui va déterminer l’issue du vote de novembre

| 12.01.2015
Réagir
Déni du droit de vote de la diaspora : La hantise d’un électorat qui va déterminer l’issue du vote de novembre
© DR / Autre Presse
Déni du droit de vote de la diaspora : La hantise d’un électorat qui va déterminer l’issue du vote de novembre
Depuis la sortie polémiste du président de la transition burkinabè, Michel Kafando à propos du droit de vote des burkinabè de l'Etranger, les principaux partis politiques burkinabè n'ont pas du tout bronché. Ils sont restés de marbre, devant le conditionnement de l'opinion par Michel Kafando.


Or qui ne dit mot consent. A la vérité le MPP et l'UPC qui partent favoris dans la course à l'élection présidentielle de novembre 2015 redoutent le vote de la diaspora. Un doute légitime quand on sait que le vote des burkinabè de l'extérieur pourrait être déterminant dans le choix du futur président au Burkina Faso. Mais devrait-on sacrifier des millions de Burkinabè sur l'autel des peurs et de des calculs égoïstes visant la conquête du pouvoir. Le jeu démocratique impose aussi que l'on se donne les moyens de convaincre ceux qui ne sont pas avec nous que nous sommes le candidat idéal à même de répondre à leurs aspirations, en termes de développement, mais aussi de bien-être.

Suspicions légitimes

Malheureusement, on a le sentiment d'avoir affaire à une classe politique qui veut vaincre sans coup férir. Et qui croient que leurs basses stratégies pour écarter des millions de leurs compatriotes du jeu démocratique peuvent prospérer. Lié le droit de vote des burkinabè de l'extérieur à la présence du président Compaoré en exil en Côte d'Ivoire est tout simplement une absurdité et non un argument. D'autant plus que dans une interview qu'il a accordée à notre confrère Venance Konan, Directeur Général de Fraternité Matin, et publiée ce vendredi 09 janvier 2015, le Premier Ministre Yacouba Isaac Zida déclare ceci : «La présence du président Blaise Compaoré en Côte d'Ivoire n'est pas gênante pour le Burkina Faso. Elle ne peut être un casus belli entre nos deux Etats. Les Etats ont des intérêts qui dépassent ceux des personnalités etc.»

Et le premier ministre Zida n'a pas tort.Car, combien d'anciens chefs d'Etat ont trouvé exil à Ouagadougou jusqu'à ce jour sans que les ressortissants de leur pays ne paient pour leur présence au Burkina Faso. Qu'une vision aussi étriquée soit défendue par le premier responsable d'une transition dont la principale mission est justement d'organiser des élections qui répondent aux aspirations de l'ensemble du peuple burkinabè laisse pantois. Car une telle option ne rend service qu'à des partis politiques et non au peuple qui doit librement choisir ses dirigeants.

Faut-il rappeler à ces politiciens aux velléités «exclusionistes» qu'ils n'ont pas intérêt à se mettre à dos cette diaspora ? Les responsables de ces partis ont toujours estimé qu'ils ne maîtrisaient pas la diaspora. Zéphirin Diabré, président de l'UPC estimait, en décembre 2013, lors de son séjour en Côte d'Ivoire, que Blaise Compaoré souhaitait le vote des burkinabè parce qu'ils escomptaient des voix dans ce pays pour avoir facilité la sortie de crise. Bien avant lui, on s'en souvient, Simon Compaoré à la tête d'une mission du CDP en Côte d'Ivoire qui l'a conduit à Soubré et dans bien d'autres localités, avait assuré la diaspora que tout allait être mis en œuvre pour que son droit de vote soit effectif. Au premier, on pourrait rappeler que Blaise a été chassé du pouvoir et n'est plus candidat. Pour répondre à l'appréhension selon laquelle la diaspora est acquise au CDP, on peut faire changer cette tendance, si tant qu'elle est avérée, en prenant d'assaut le terrain avec des arguments, pour conquérir l'électorat de la Diaspora. Car en politique, que ce soit en France, aux Etats unis et même au Burkina Faso, il y a toujours des zones qui restent le bastion parfois imprenable de tel ou tel parti politique. C'est une donne contre laquelle Michel Kafando et les siens ne sauraient aller.

Eviter de se mettre à dos la diaspora

Faut-il rappeler à ces autorités intérimaires qui donnent déjà l'impression de vouloir choisir ceux qui doivent leur succéder aux affaires au Burkina Faso que la supercherie ne passera pas. Il vaut mieux rechercher le consensus fédérateur plutôt que la fuite en avant. A toutes fins utiles, rappelons que, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a déjà procédé, en 2014, à l'installation de ses démembrements. Ces installations qui, dans les 14 axes géographiques prenant en compte 32 ambassades et 9 consulats à travers le monde, n'auraient jamais pu se faire si cette structure n'était pas en mesure d'organiser les élections de la diaspora. A propos du recensement, le code électoral en son article 52 précise ceci : «Les Burkinabè résidant à l'étranger doivent être immatriculés à l'ambassade ou au consulat et présenter une carte consulaire ». La reforme de la carte consulaire biométrique entamée en fin d'année 2013 dans l'ensemble des consulats du Burkina Faso à l'étranger répond à cette volonté de faire voter la diaspora avec des documents fiables à partir d'une base de donnée incontestable. C'était là le plus gros boulot à abattre. Si tout cela n'avait pas déjà été fait ou entamé, on n'aurait jamais demandé à un gouvernement de transition de le faire en douze mois.

Et c'est justement sur la base de ce dispositif que la charte de la transition a consacré son article 22 à la participation des Burkinabè de la diaspora en ces termes « La participation des Burkinabè de l'étranger à l'élection Présidentielle qui sera organisée pour mettre fin à la transition se fera conformément aux dispositions de la Constitution et du code électoral».

Le piège que beaucoup ont perçu à l'adoption de cette charte est que le code électoral en l'état nécessitait un réaménagement qui n'a pu se faire jusqu'à l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Or la classe politique et la société civile avaient émis une proposition de reforme afin d'autoriser l'enrôlement de tout électeur justifiant de la nationalité burkinabè et de la majorité électorale. C'est justement la non adoption de cette reforme du code électorale que veut mettre en avant ceux qui veulent écarter la diaspora. Oubliant que le Conseil national de la transition (CNT) qui est l'organe législatif de la transition pourrait légitimement résoudre cette question. Ce, du moment où la classe politique et la société civile peuvent, s'ils sont de bonne foi, saisir cet organe. Ce qui ne sort pas de sa mission. Alors, Monsieur le président du Faso, président de la transition, un peu de courage et de lucidité ! N'ayez pas peur des Burkinabè de la Diaspora. Ce sont vos concitoyens, vos compatriotes. N'entrez pas dans l'Histoire à reculons !

Jean François Fall

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité