Carte consulaire : Pourquoi le gouvernement Burkinabè doit retirer le marché à Snedai

| 06.02.2014
Réagir
Carte consulaire : Pourquoi le gouvernement Burkinabè doit retirer le marché à Snedai
© DR / Autre Presse
Carte consulaire : Pourquoi le gouvernement Burkinabè doit retirer le marché à Snedai
Double handicap pour la diaspora burkinabé en Côte d'Ivoire. Le délai d'obtention de la carte consulaire biométrique qui devrait être de 72 heures est finalement d'un mois.

Le processus d'enrôlement est trop lent et pas assez ambitieux pour un objectif de 3 millions de burkinabè à enrôler à termes. En effet, la concession de l'établissement de la carte consulaire biométrique burkinabè à l'entreprise Snedai semble n'avoir pas obéi à une étude sérieuse de faisabilité- en dehors des calculs financiers que le projet doit générer- avant l'octroi du marché. La preuve est que plus d'une fois nous avons réalisé des reportages mettant à nue les carences de l'entreprise à qui l'Etat Burkinabè à confier l'établissement des cartes consulaires des citoyens. Sans que cela n'émeuve qui de droit.

En effet, depuis l'entrée en vigueur de la carte biométrique le 18 novembre 2013, précédée par son lancement le 02 du même mois, jamais la délivrance d'un document aussi vital pour le burkinabé en Côte d'Ivoire n'a causé autant de souffrances et de misères. La haute technologie annoncée, et l'expertise prêtée par les défenseurs de cette reforme à l'entreprise Snedai, subi aujourd'hui, à moins de trois mois du démarrage des opérations le verdict de la diaspora : « C'est un fiasco ».

Du processus d'enrôlement

Avec la nouvelle carte consulaire biométrique, le requérant doit satisfaire à cinq étapes. 1ère étape, s'acquitter du paiement de 7.000 FCFA au guichet. Ce qui donne lieu au retrait d'un code. 2é étape, le retrait d'un formulaire, suivi de l'enrôlement. 3eme étape, retrait du reçu d'enrôlement. 4eme étape, retrait du reçu d'enrôlement. 5éme étape,retrait de la carte. Si les quatre premières étapes s'exécutent en une journée avec sa corvée de long rang et de longue attente, la 5eme étape se passe sur rendez-vous : deux semaines renouvelables à terme deux semaines encore. Ce qui fait un mois pour disposer d'une carte consulaire biométrique en Côte d'Ivoire, là où l'entreprise concessionnaire s'était engagée sur 72 heures. L'impatience est finalement à son comble chez les requérants qui ne savent pas à quel saint se vouer.

De la défaillance du système

En réalité, c'est le système même de l'opérateur qui se trouve être défaillant. Pour avoir des réponses officielles à cette lenteur mais surtout la mauvaise qualité de la carte biométrique (Photo malformée, signature illisible etc.), nous avons joint M. Zoungrana, chargé du projet à Snedai au téléphone le samedi 1er février sous le coup de 11 heures. « Je ne suis plus habilité à parler à la presse », nous a répondu poliment ce dernier, avant de nous renvoyer aux autorités consulaires. Mais que peuvent bien nous donner comme réponse les autorités consulaires quand elles- même sont étrangères à ce projet. Il ne s'offrait à nous dès cet instant que l'investigation.

La vérité qu'on cache aux Burkinabè

En infiltrant donc le réseau de l'opérateur, nous avons pu nous rendre compte que tout burkinabé enrôlé depuis le consulat est automatiquement notifié sur une base de donnée que contrôle personnellement l'ambassadeur Justin Koutaba, à travers une antenne relais, depuis son bureau du 5é étage de l'immeuble Sidam. Mais avant que le processus de confection ne soit enclenché, l'enrôlement du requérant devrait être validé par une autorité consulaire, en l'occurrence le vice-consul Paul Singa. Sans cette validation, rien ne peut se faire. Mais en poussant nos investigations, nous nous sommes rendu également compte que le système informatique de Snedai est défaillant, à l'image de ses machines d'enrôlement qui tombent constamment en panne. Grippant, de ce fait, toute possibilité de mise à jour des bases de données. Ce qui ne permet pas un traitement diligent des dossiers à la chaine. La preuve, l'opérateur n'a pas été à mesure de délivrer en janvier la moindre carte dont l'enrôlement s'est fait courant le même mois. « Ce sont les cartes de décembre que nous avons délivrées tout le mois de janvier », reconnaît un agent de Snedai, sous le sceau de l'anonymat. Mais l'aspect lenteur de la production des cartes, n'est pas la seule source de malheur de la diaspora burkinabé, l'entreprise Snedai était en janvier et l'est toujours jusqu'à ce jour en rupture de stock des cartes. Impossible donc d'imprimer actuellement les cartes en masse. Pourtant l'enrôlement se poursuit au quotidien, avec en moyenne 500 enrôlement par jour à Abidjan. L'argent rentre sans problème, mais les cartes sont rendues difficilement.

Déficit de communication

Du coup tous les enrôlements réalisés en janvier et probablement ceux qui seront fait en février ne pourront pas disposer de la carte consulaire avant mars 2014. A qui la faute ? Les autorités consulaires qui ne sont que de simples collaborateurs dans le projet ne peuvent en aucun cas être tenues pour responsable dans cette défaillance. Seuls le gouvernement burkinabé, notamment le ministre Djibrill Bassolé, l'ambassadeur Justin Koutaba, et Snedai, seuls détenteurs des clauses de cette opération, du reste passée de gré à gré, selon Bernard Bonané (Opérateur économique ayant soumissionné à ce marché) peuvent éclairer la lanterne des burkinabè.

Mais à l'analyse, les autorités diplomatiques pèchent beaucoup par un déficit de communication. En dépit de l'existence d'un service de presse. Pourquoi ne pas fournir à la communauté les informations sur les difficultés que le projet rencontre. D'avis d'experts, un projet d'une telle envergure nécessite une phase pilote avant l'opération de masse. A l'aune de cet altruisme, l'on comprend aujourd'hui que Snedai est submergé par l'ampleur de la tache. Avec un chef de zone et un seul véhicule de liaison pour une couverture géographique aussi vaste que les trois juridictions consulaire burkinabé en Côte d'Ivoire, cela ne facilite pas la collecte et le traitement diligent des données. Il y a forcement quelque chose à revoir. Soit l'Etat Burkinabé retire le marché à Snedai au regard de l'évidence de ses manquement, soit il exige de lui le respect de ses engagements qui ne sauraient être, en l'état, la norme. Et dire que c'est avec un tel résultat à minima et dans un tel contexte que le ministère des affaires étrangères et de la coopération a fixé, le 30 janvier dernier, la date de la validité des anciennes cartes au 31 mai prochain, ne peut relever que d'un manque de réalisme. Il faut le dire tout net, Snedai n'est pas, dans cette opération, à la hauteur des attentes. A l'Etat Burkinabé d'en tirer les conséquences. Ne pas le faire, serait tout simplement du mépris pour la diaspora.

Jean François Fall

Informateur

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité